L’efficience énergétique: une thématique d’avenir

Pierre Mouton, NS Partners

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«Follow the money». Ce principe des enquêtes policières s’avère aussi pertinent en matière d’investissement.

Les hausses saines et durables des actions sont toujours soutenues par des grands cycles d’investissement ou de dépenses. On peut par exemple citer le bull market de l’acier au début du XXème siècle, celui de la consommation de masse et du marketing des années 50-60, et enfin celui de la fameuse ère des «TMT» qui, avant de devenir une bulle, aura permis une formidable phase de hausse des marchés actions.

Depuis un peu moins de dix ans, malgré les tourments actuels, une nouvelle séquence de hausse significative des principaux marchés actions s’est enclenchée; son premier moteur aura été la digitalisation. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer les chiffres de croissance des activités de «cloud» d’entreprises comme Microsoft, Amazon ou Alphabet durant les années récentes. Ce cycle d’investissement, déjà bien entamé, risque de durer encore de nombreuses années, avec toutefois des taux de croissance probablement moins spectaculaires.

Nous pouvons clairement identifier deux autres vecteurs d’investissements massifs. Commençons par le dernier arrivé, qui, bien que déjà sous-jacent auparavant, a éclaté au grand jour avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Il s’agit évidemment de la sécurité au sens large et de l’armement.

Ce n’est pas celui qui nous intéresse ici. Le plus transversal, et probablement celui qui sous-tendra le plus gigantesque cycle d’investissements de l’Histoire, est celui de l’efficience et de la transition énergétique. Commençons par les chiffres, même s’ils sont approximatifs: on  estime que les objectifs de neutralité carbone nécessiteront des dépenses d’au moins 150 trillions de dollars d’ici à 2050, c’est-à-dire plus d’une fois et demi le PIB mondial et près de 7 fois le PIB américain.

Les chances que ces dépenses soient effectivement engagées sont très élevées pour plusieurs raisons, dont:

  • L’urgence environnementale, et avec elle les réglementations et nouvelles obligations auxquelles les particuliers, les entreprises et les administrations devront se soumettre,
  • La concurrence qui, on le voit déjà, fera que les arguments de vente seront orientés vers la conformité et la responsabilité environnementale des biens et services, sans compter leur possible notation carbone qui pénaliserait les moins vertueux,
  • La productivité, puisque les ressources énergétiques traditionnelles vont graduellement devenir plus onéreuses, ce qui fait que la production « propre » deviendra de plus en plus avantageuse pour les entreprises dans l’objectif de dégager des marges élevées.

La caractéristique unique de ce cycle autour de l’efficience énergétique est sa transversalité. En effet, il est commun de réduire cette thématique aux fabricants de véhicules électriques, de panneaux solaires et de turbines éoliennes, et aux Utilities «propres». Mais c’est une erreur et cela reviendrait à délaisser des pans entiers de la cote boursière, indispensables et totalement imbriqués pour parvenir aux objectifs de neutralité carbone. Paradoxe, on assimile souvent les entreprises minières à des mauvais élèves d’un point de vue environnemental, et pourtant la transition énergétique passera par un accroissement considérable de la demande de nombreux métaux. De même, toujours dans le secteur des matériaux, la construction se fera forcément avec des produits à faible impact carbone et isolants. Dans l’industrie, une pléthore de compagnies sont actives dans les domaines des transports, de l’équipement, du contrôle des processus continus et de l’optimisation de la consommation électrique, pour ne citer que quelques applications. C’est d’ailleurs dans le domaine industriel que l’on trouve le plus de sociétés actives dans l’efficience énergétique. Et que dire de la technologie de l’information, des semiconducteurs, des logiciels de développement assisté par ordinateur, etc.?

On le voit bien, construire un portefeuille de grande qualité, diversifié en termes de secteurs et d’un point de vue géographique, tout en affichant des multiples de valorisation raisonnables, est parfaitement possible en investissant dans la thématique de l’efficience et de la transition énergétique. Ce sont en général déjà des conditions requises pour la performance sur le long terme; les vents porteurs des investissements massifs et durables y ajoutent un argument particulièrement puissant.

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