Les entreprises des pays émergents: catalyseurs de la croissance économique mondiale

Jean-Albert Carenvali, Banque de Luxembourg Investments

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Les entreprises des pays émergents sont amenées à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans le paysage économique mondial.

Comme souligné dans notre article précédent, «Les pays émergents sont-ils les nouveaux marchés développés?», alors qu’elles étaient autrefois perçues comme des acteurs secondaires, les économies émergentes sont désormais au cœur de la croissance économique mondiale. Dans ce contexte, les entreprises des pays émergents sont amenées à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans le paysage économique mondial. De plus, les pays émergents et leurs entreprises deviennent incontournables dans un monde qui fait face aux défis climatiques et aux inégalités sociales.

Dans cet article, nous mettrons en lumière la place qu’occupent ces entreprises dans l’économie globalisée actuelle, ainsi que les opportunités de développement qu’elles offrent aux entreprises des pays avancés. Nous explorerons également les perspectives d’investissement obligataire découlant de cette dynamique.

Place des entreprises des pays émergents dans le monde

La croissance spectaculaire des entreprises des pays émergents sur les dernières décennies s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs favorables dont les deux principaux sont: l’accès à des ressources naturelles très convoitées dans un contexte mondial en pleine transition énergétique et l’émergence de la classe moyenne dans ces pays.

En effet, les pays en développement possèdent des ressources indispensables au fonctionnement et à l’évolution du monde actuel. Ainsi, la distribution de ces ressources cruciales pour des applications liées à la transition énergétique, confère aux pays émergents et à leurs entreprises un rôle central dans la marche vers un monde plus durable.

Face au ralentissement des investissements européens dans les projets miniers et énergétiques, la Chine notamment a investi massivement, se rendant incontournable. Les terres rares, principalement présentes dans les pays émergents, sont un exemple emblématique, la Chine détenant la majorité des réserves avec 44 millions de tonnes. A titre d’illustration, le premier pays développé dans ce classement, l’Australie, ne se situe qu’en 6e position avec 4,2 millions de tonnes.

Autres exemples, mais toujours la Chine: l’Empire du Milieu représentait, en 2021 près de 80% de la production mondiale de modules photovoltaïques et de batteries pour véhicules électriques. Désormais, le pays n’est plus seulement vu comme «l’usine du monde» mais a progressé dans la chaîne de valeur du client final.

Il ne s’agit pas du seul pays émergent à bénéficier de cette tendance. Ainsi, le lithium, matériau essentiel pour les batteries, est très présent en Amérique Latine. Autre région, autre avantage: l’Europe de l’Est possède un savoir-faire industriel permettant aux marques automobiles allemandes d’y produire leurs composants.

Deuxième facteur de soutien, l’évolution sociologique au sein des pays émergents.

En effet, le fort développement économique observé ces dernières années a donné naissance à une classe moyenne dont le pouvoir d’achat stimule l’économie locale, favorisant ainsi l’essor d’entreprises actives dans d’autres secteurs que celui des matières premières.

Des secteurs tels que la technologie, la communication, les services financiers et la production manufacturière ont vu émerger des champions nationaux qui rivalisent désormais avec les géants des économies développées. Des entreprises chinoises telles que Huawei, Alibaba et Tencent, mais aussi des entreprises indiennes comme Tata Consultancy Services (TCS) et Infosys, ont ainsi acquis une renommée mondiale.

Opportunités pour les entreprises des pays développés

Ce développement des pays émergents a également un impact sur les entreprises des pays développés qui ne voient plus en eux que de simples pourvoyeurs de matières premières ; ils sont maintenant devenus des marchés cibles attractifs.

Des entreprises telles que LVMH et Volkswagen en ont ainsi fait leurs marchés phares. Pour de nombreuses entreprises du monde développé, élargir leurs activités aux pays émergents constitue désormais leur principal relais de croissance. A cet égard, l’exemple d’Unilever est représentatif puisque, sur les 20 dernières années, la part de son résultat opérationnel réalisé dans les pays émergents est passé de 27% à plus de 50%. La situation est similaire pour d’autres grandes multinationales issues du monde développé.

Par ailleurs, pour les entreprises des pays développés, les pays émergents offrent un réservoir de capital humain talentueux et jeune qui peut apporter une réelle plus-value dans la recherche de nouvelles solutions. Les universités et centres d’expertises des pays émergents acquièrent de plus en plus une reconnaissance internationale, attirant les entreprises à la recherche de jeunes talents. L’Inde est le parfait exemple avec des villes comme Bangalore qui abritent une forte concentration de métiers liés à l’information.

Perspectives pour un investisseur obligataire

Avec l’ouverture au monde des entreprises des pays émergents, leurs besoins de financement sont en constante augmentation. Étant donné le caractère international de cette expansion, ces entreprises ont de plus en plus recours à des financements en devises fortes, telles que l’euro ou le dollar. À titre d’illustration, le marché de la dette d’entreprises des pays émergents libellée en dollar est passé d’un montant nominal de USD 280 milliards à fin 2014 à plus de USD 550 milliards aujourd’hui (novembre 2023). Cette augmentation s’explique non seulement par une hausse de la dette émise par les entreprises, mais également par l’élargissement du marché avec davantage d’acteurs au sein de l’économie. Pour les investisseurs situés dans les pays développés, cela représente une opportunité de participer au développement de ces sociétés tout en évitant un risque lié à la devise, parfois difficile à couvrir.

En termes de rendements offerts, les entreprises des pays émergents paient souvent une prime de risque supplémentaire; cette dernière étant le plus souvent davantage liée au risque pays qu’au risque financier de l’entreprise. A long terme, le surplus de rendement sur la dette des entreprises des pays émergents a permis de dégager une performance supérieure (+0,77% sur 5 ans et 4,71% sur 10 ans).

Il est ainsi indéniable que les marchés émergents sont un vecteur de croissance à long terme et que les entreprises qu’ils abritent et leurs perspectives de développement permettent, aux investisseurs des pays développés, d’élargir le spectre de leurs investissements dans un portefeuille diversifié.

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