Les banques européennes sources d’opportunité

David Stanley, T. Rowe Price

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Malgré l’effondrement de SVB et de Credit Suisse et l’incertitude des marchés, rien n'aurait dû changer la perception des banques européennes à plus grande échelle.

Le secteur bancaire européen vient de traverser une période difficile. Le rachat d'urgence du Crédit Suisse a ébranlé la confiance des investisseurs avec la réduction à zéro de ses obligations de première catégorie (AT1). De l'autre côté de l'Atlantique, plusieurs banques régionales ont fait faillite. Ces deux événements ont poussé de nombreux investisseurs à sortir du marché des valeurs financières européennes.

L'effondrement de SVB et de Credit Suisse peut être, selon nous, considéré comme idiosyncratique, et rien n'aurait dû changer la perception des banques européennes à plus grande échelle, mais c'est pourtant ce qui s'est passé. Les valeurs financières européennes ont sous-performé les autres secteurs de l'univers «investment grade». Cependant, le secteur reste fondamentalement solide et les valorisations plus faibles sont simplement synonymes d'opportunités plus importantes pour les investisseurs.

banques européennes différentes des banques régionales américaines

L'un des principaux facteurs à l'origine de la sous-performance est l'idée erronée selon laquelle les banques européennes présentent des risques similaires à ceux des banques régionales américaines. Ce point de vue est faux. La première raison est la concentration. L'Europe est beaucoup plus concentrée que les Etats-Unis, où l'on compte plus de 4000 banques1. Les marchés comptant moins de banques sont moins susceptibles de connaître une fuite des dépôts, car les options sont moins nombreuses.

Deuxièmement, la structure de l'Europe est fondamentalement différente de celle des États-Unis. L'Europe est un ensemble de marchés bancaires nationaux distincts et, au sein de chacun d'entre eux, les leaders nationaux ont tendance à se démarquer. Leur portefeuille d'activités et leur base de dépôts sont généralement larges, alors que les banques régionales américaines ont tendance à se concentrer sur un secteur particulier. De plus, même si les banques européennes sont de petite taille à l'échelle mondiale, d'un point de vue domestique, elles peuvent être l'un des plus grands acteurs et pourraient même bénéficier d'une fuite vers la qualité. A l'inverse, une banque régionale américaine restera probablement de petite taille à l'échelle nationale, ce qui la rendra potentiellement plus vulnérable au risque de fuite des dépôts, si la confiance est entamée.

En Europe, toutes les banques doivent disposer d'un montant de liquidités capable de couvrir les sorties de dépôts.

Troisièmement, l'Europe est soumise à une réglementation plus stricte que les banques régionales américaines. En Europe, par exemple, toutes les banques doivent disposer d'un montant de liquidités capable de couvrir les sorties de dépôts. Aux Etats-Unis, en revanche, seules les six premières banques sont soumises à cette obligation. Une autre différence concerne le risque de taux d'intérêt - l'Europe a adopté une réglementation connue sous le nom de «risque de taux d'intérêt dans le secteur bancaire». Cette réglementation empêche effectivement les banques européennes d'être trop exposées aux investissements détenus jusqu'à l'échéance parce qu'ils sont évalués au prix du marché et que leur impact sur le capital dû aux variations de valeur est plafonné. Les banques européennes s'engagent également davantage dans la couverture des taux d'intérêt en raison de cette législation.
La dynamique de l'offre et de la demande devrait soutenir les valeurs financières par rapport au reste du marché durant l'année 2023.

Enfin, les facteurs techniques devraient devenir plus favorables au secteur financier qu'aux autres secteurs. Tout d'abord, les banques ont concentré leurs émissions en début d'année. Ceci, combiné à la probabilité que les carnets de prêts augmentent plus lentement en raison du ralentissement économique, signifie qu'il est moins nécessaire pour les banques de lever de nouveaux emprunts au cours du second semestre 2023. En revanche, les secteurs non financiers devraient augmenter leurs émissions au second semestre. Les secteurs non financiers, tels que les industries et les services publics, perdront également un acheteur naturel lorsque la Banque centrale européenne commencera à réduire son programme d'obligations d'entreprise à partir de juillet. N'oublions pas que les valeurs financières n'ont jamais fait partie du programme d'achat d'obligations.

Domaines d'opportunités

Plusieurs banques islandaises nous semblent intéressantes à l'heure actuelle. D'une manière générale, elles ont des positions solides en termes de capital et de liquidités, et nous pensons qu'elles devraient bénéficier d'une croissance économique solide cette année, avec la reprise du tourisme. Elles offrent actuellement une marge attrayante par rapport aux autres émetteurs similaires, et seul un ralentissement important de l'économie entraînerait une plus grande volatilité des marges.

En ce qui concerne l'Europe du Sud, les banques espagnoles sont dans notre ligne de mire depuis un certain temps et constituent une proposition attrayante. Le secteur en Espagne est très concentré et nous pensons qu'il devrait bénéficier d'une grande partie des prêts immobiliers à taux variables. Les nouvelles émissions ont offert des rendements attrayants, même si les transactions récentes sont arrivées sur le marché avec des concessions de prix limitées. La clé pour les banques espagnoles est désormais de confirmer leur capacité de résistance relative par rapport à l'histoire, car elles bénéficient d'une structure de marché sous-jacente plus robuste.

Dans un contexte de hausse des taux, les compagnies d'assurance sont généralement des gagnantes directes. Dans la mesure où nous nous attendons à ce que l'émission de dette soit limitée au second semestre, les compagnies d'assurance représentent une opportunité plus défensive de générer de bons revenus, avec l'avantage de moins subir les effets d'une Banque centrale européenne plus agressive.

Il existe toujours des zones de risque

L'immobilier commercial a déjà souffert avec des écarts de crédit plus proches des niveaux de haut rendement que des niveaux de qualité. Néanmoins, il faut s'attendre à une vague de déclassements qui accentueront la pression sur le secteur. Certains émetteurs peuvent offrir de la valeur sur une base très sélective, mais d'une manière générale, il existe des opportunités plus attrayantes en dehors de l'immobilier commercial.

 

1 Source: FDIC, au 31 mai 2023

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