Le retour en grâce du Japon est-il durable?

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Depuis le début de l’année, le Japon surprend avec des performances bien meilleures qu’attendues. Au-delà de l’effet de surprise, la question est de savoir si cette dynamique est pérenne.

En 2023, le Japon a été l’un des derniers pays développés à lever entièrement les restrictions liées au COVID-19 et les économistes s’attendaient donc à un rebond économique cette année mais celui-ci a été beaucoup plus important que prévu. La croissance au second trimestre s’est en effet établie à 6% soit près de deux fois plus que ce qui était attendu par le consensus des économistes tandis que le FMI a relevé au mois de juillet ses perspectives de croissance pour le Japon en 2023 à 1,4%.

La faiblesse du yen, inhérente au fait que la Banque Centrale du Japon est la dernière grande banque centrale à maintenir une politique monétaire très accommodante, a évidemment largement contribué à cette croissance en soutenant les exportations japonaises et en renforçant l’attrait du pays auprès des touristes étrangers.

Au-delà de la croissance meilleure qu’attendue, c’est surtout sur le front de l’inflation que le Japon a le plus surpris puisqu’il semble enfin tourner la page de la déflation. En effet, si la faiblesse du yen et la hausse des prix globaux de l’énergie ont permis d’importer temporairement de l’inflation, celle-ci a néanmoins conduit à la plus forte hausse des salaires en 30 ans, ce qui pourrait bien installer l’inflation dans la durée et ainsi mettre fin à la période de déflation.

Les entreprises japonaises ont 3 options pour augmenter leur ROE, elles peuvent augmenter leurs marges ou la rotation de leurs actifs, ce qui est compliqué, ou alors réduire le nombre d’actions en circulation ce qui est beaucoup plus facile.

Les performances économiques meilleures qu’attendues du Japon n’expliquent cependant que partiellement la surperformance du marché d’actions japonais depuis le début de l’année. En effet, l’amélioration de la «corporate governance» est de notre point de vue la principale raison du retour en grâce des actions japonaises auprès des investisseurs. Cette thématique n’est pas nouvelle puisque c’est en 2014 que Shinzo Abe a commencé à reformer la gouvernance des entreprises notamment avec le «Stewardship Code (2014)» et le «Corporate Governance Code (2015)». Cependant, cette thématique a connu un coup d’accélérateur cette année avec la publication par le Tokyo Stock Exchange de recommandations pour augmenter la valeur boursière des entreprises à moyen et long terme. L’un des aspects le plus important de ces recommandations est qu’il sera désormais demandé aux entreprises qui cotent à un niveau inférieur à leur valeur comptable de détailler quelles sont les mesures qu’elles considèrent prendre pour y remédier.

Cette annonce a fait l’effet d’une bombe pour les entreprises japonaises qui sont nombreuses à être concernées, puisque 32% des entreprises reprises au sein de l’indice MSCI Japon ont un ratio prix/valeur comptable inférieur à 1. L’une des mesures proposées est de s’assurer que le rendement sur fonds propres soit supérieur au coût du capital, estimé à 8%. Or, au sein de l’indice MSCI Japon 25% des entreprises ont un rendement sur fonds propres (ROE) inférieur à 8%, ce qui est beaucoup dans l’absolu et beaucoup plus que ce que l’on observe ailleurs comme aux États-Unis où seulement 10% des entreprises appartenant au MSCI US ont un ROE inferieur à 8%.

Les entreprises japonaises ont 3 options pour augmenter leur ROE, elles peuvent augmenter leurs marges ou la rotation de leurs actifs, ce qui est compliqué, ou alors réduire le nombre d’actions en circulation ce qui est beaucoup plus facile. C’est d’autant plus simple que les entreprises japonaises ont beaucoup de cash, puisque 40% des entreprises appartenant au MSCI Japon sont en situation de net cash positif contre seulement 10% aux États-Unis, et qu’elles détiennent encore beaucoup de participations croisées qu’elles gagneraient à liquider. En effet, si les entreprises appartenant au Topix liquidaient toutes leurs participations croisées pour financer des rachats d’actions propres leur ROE passerait de 9,9% a 12,2%. Ce processus prendra bien évidemment du temps mais probabilité que celui-ci ait lieu a fortement augmenté depuis la publication des recommandations du Tokyo Stock Exchange en février 2023, ce qui a aiguisé l’appétit des investisseurs pour le marché japonais depuis le début de l’année. Les perspectives à moyen et long terme sont donc favorables pour les investisseurs en actions japonaises et bien que le marché affiche une hausse de 21% cette année, il n’est pas trop tard pour y rentrer car il se négocie aujourd’hui à 14,5 fois les bénéfices attendus, soit le même niveau qu’à la fin de l’an dernier et un niveau largement inférieur à la moyenne sur 25 ans qui est de 18x.

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