A la recherche de la qualité

Yvan Roduit, Raiffeisen Suisse

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Le revirement de la politique des taux a profondément bouleversé les valorisations. Et par la même occasion les critères pour choisir ses titres.

Les marchés boursiers fonctionnent, du moins en partie, selon une logique purement mécanique. Cela est notamment visible dans le cas des obligations d’Etat: si les taux d’intérêt augmentent, alors la valeur d’une obligation baisse. Et plus la durée résiduelle est longue, plus la correction est importante. D’une manière simplifiée, la règle suivante s’applique: la variation de taux d’intérêt multipliée par la durée résiduelle donne l’évolution du cours de l’obligation. Depuis le début de l’année, les taux d’intérêt pour les obligations de la Confédération à 5 ans ont par exemple augmenté de 150 points de base. Par conséquent, la perte de cours de ces obligations d’Etat est donc d’environ 7,5% (5 x 1,5%). De manière générale, le niveau du taux d’intérêt a des répercussions directes sur la valorisation des placements.

Influence sur les actions

Un changement de taux d’intérêt a également une grande influence sur la valorisation des actions. On le sait, pour déterminer la valeur d’un placement en actions, on actualise les gains futurs, respectivement les cash-flows. Pour ce faire, on utilise le facteur d’actualisation, lequel est déterminé par le taux d’intérêt sans risque, auquel on ajoute une prime de risque. Or le coût du capital est directement influencé par la variation des taux d’intérêt déterminés par les banques centrales. Prenons un exemple simplifié: une entreprise suisse, cotée au SMI, attend un cash-flow de 15 millions de francs pour 2022. Le taux de croissance perpétuel (g) est estimé lui à 2%. Le taux d’actualisation (r) est défini par le taux d’intérêt sans risque de -0,75%, plus une prime de risque de 5%, soit un (r) à 4,25%.

Une «simple» décision de la banque centrale peut déclencher des changements prodigieux sur les valorisations, pour le meilleur et pour le pire.

Ainsi, en appliquant la formule de calcul pour cette version simplifiée du modèle Gordon et Shapiro (valeur = cash-flow / (r-g)), on obtient une valorisation de CHF 666,7 millions de francs. Avec une augmentation de 125 points de base du taux directeur de la BNS (de -0,75% à 0,5%) ces quatre derniers mois, le résultat est bien différent: la valeur passe à CHF 428,6 millions (-35,7). Malgré des perspectives identiques pour l’entreprise, un «simple» changement de taux au dénominateur pèse lourdement sur la valorisation de la société – et une baisse des prévisions de cash-flow aggraverait encore davantage le tableau. C’est là une des explications de la correction des cours que nous connaissons actuellement.

Opportunité d’achat ou pas?

Une «simple» décision de la banque centrale peut donc déclencher des changements prodigieux sur les valorisations, pour le meilleur et pour le pire. Alors que la politique monétaire accommodante des gardiens de la monnaie a porté les marchés vers les sommets durant la dernière décennie, le retour sur terre induit par la hausse des taux est un peu plus douloureux. Dans le domaine des actions, ce sont les valeurs de croissance qui ont le plus souffert. Le rêve des taux de croissance sont momentanément remisés au placard. Et tant que les taux d’intérêt augmentent et que les perspectives conjoncturelles continuent à s’assombrir, les secteurs considérés comme «défensifs» garderont un certain attrait, notamment en termes de rendement sur dividendes. Mais là aussi l’investisseur prudent privilégiera une chose en particulier: la qualité, la qualité et encore la qualité.

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