La moitié des obligations vertes ne sont pas durables

Salima Barragan

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Le boom des émissions dissimule des réalités divergentes. Avec Marc Briand de Mirova.

Un volume record d’émissions de green bonds a marqué l’exercice 2022. Selon le Climate Bonds Initiative, celles-ci ont atteint plus de 517 milliards de dollars US; soit une hausse de 74% vis-à-vis de 2020. Le marché primaire conservera son dynamisme, dans la mesure où l’Union européenne compte émettre l’équivalent de 350 milliards de dollars supplémentaires par an afin d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone d'ici 2030. Toutefois, le boom de la dette verte dissimule des réalités divergentes, relève la société de gestion Mirova spécialisée dans les investissements durables.

Un marché liquide et diversifié

Le marché des obligations vertes liquides a vu le jour en 2012 avec les premières émissions d'agences de développement telles que la Banque européenne d’investissement (BEI). Il a pris son envol quelques années plus tard lorsque des États, y compris des économies émergentes comme le Chili et le Mexique, et des acteurs de l'énergie, de la construction, de l’industrie, de l’automobile et de la finance ont emboîté le pas en émettant à leur tour des green bonds censés financer des projets écoresponsables.

Ces «défauts de jeunesse» résultent de l'absence de principes clairs certifiant le marché.

Depuis, il s'est diversifié en termes de secteurs, d’échéances et de notations. «Il est devenu liquide, offrant aux gestionnaires de portefeuille un choix considérable de dettes seniors, subordonnées, sécurisées et de maturités, à court ou à long terme», souligne Marc Briand, co-responsable de la gestion obligataire chez Mirova. Ces instruments se négocient à l’heure actuelle avec une prime comprise entre 1 et 3 points de base selon le secteur et la note de crédit, vis-à-vis d’obligations classiques de maturité et de notations identiques.

Une part importante de «greenwashing»

Cependant, les cas d’écoblanchissement relativisent le succès des green bonds. Certaines sociétés ont fourni des informations trompeuses sur la véritable nature de leurs projets, afin de lever des fonds aisément. Citons, en exemple, le financement d'une nouvelle piste d'atterrissage à Hong Kong ou des projets en Arabie saoudite; un pays controversé. Le Bélarus et la Russie ont même tenté leur chance en émettant des obligations prétendument ESG. La part d’émissions fallacieuses serait significative: «selon des experts du domaine, à peine la moitié des obligations vertes méritent réellement leur étiquette verte», relève Marc Briand.

Ensuite, doit-on sacrifier la gouvernance et le social au profit de l’environnemental? «Nous avions exclu des émissions vertes de l’aéroport de Mexico, en raison notamment de problèmes liés à la biodiversité, ainsi que des émissions vertes de pays non démocratiques ou liées à la violation des droits de l'homme», se souvient-il.

Ces «défauts de jeunesse» résultent de l'absence de principes clairs certifiant le marché. «Ces titres peuvent être émis conformément à une série de normes et de lignes directrices purement volontaires et proposées par des organisations telles que la Climate Bonds Initiative, mais malheureusement, la plupart ne le sont pas», regrette Marc Briand.

Dans ce marché en plein essor, des enjeux de taille restent à relever afin de garantir l’authenticité des titres. Pour l’heure, les autorités européennes réfléchissent à une manière de lier les nouvelles émissions à des normes internationales.

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