L’hypothèse d’une baisse marquée des actions en 2022

Emmanuel Ferry, Evooq

2 minutes de lecture

Les marchés financiers sont désormais à leur niveau maximum de vulnérabilité.

Nous identifions plusieurs incertitudes majeures qui pourraient rendre les décisions d'investissement plus difficiles en 2022: 1. des valorisations boursières élevées, 2. une forte probabilité d'entrer dans un marché baissier pour les marchés actions, 3. la fin de l'appréciation du prix des actifs induite par la liquidité, 4. la fin des taux d'intérêt réels ultra-bas, 5. un nouveau régime d'inflation, 6. le nouveau rôle de la Chine dans le mix croissance/inflation mondial, 7. un nouveau régime de corrélation entre les actions et les taux d'intérêt et 8. l'incapacité de la prime de risque à protéger les actions dans un contexte de hausse de l'inflation.

Le marché boursier mondial vaut maintenant 120’000 milliards de dollars, la valeur la plus élevée de l'histoire, et la capitalisation boursière totale des Etats-Unis est passée de 130% à la fin de 2018 à 200% du PIB. Notre indicateur de valorisation combiné du S&P 500 a atteint un niveau record depuis le pic séculaire des dot-com de 2000, avec une prime de 66% par rapport à la moyenne historique. Le poids des actions en pourcentage de l'actif total des ménages américains a atteint un niveau record de 41,5%, contre des sommets précédents de 38,2% en 2000 et de 32,8% en 2007. Ces pics de mesures signalent un marché haussier séculaire mature qui a débuté en 2009 et du même coup un manque de demande supplémentaire pour les actions. Historiquement, l'allocation en actions a tendance à baisser avant le début d'une récession.

Les valorisations élevées des actions sont associées à des rendements futurs plus faibles et à des pertes plus importantes. Le marché haussier cyclique amorcé au printemps 2020 gagne en maturité (+110%, soit +59% annualisé pour l'indice S&P 500 Total Return). Mais un pic de valorisation ne signifie pas la fin de la tendance haussière des actions. «Les marchés haussiers ne meurent pas de vieillesse. Ils se terminent par des récessions», dit l'adage boursier. Le rallye postpandémique est passé d'un marché directionnel entraîné par l'expansion des multiples de valorisation à un marché d’opportunités relatives, entraîné par des rotations, les bénéfices et la normalisation macroéconomique. Ce changement de régime a commencé en 2021 et pourrait être plus prononcée en 2022, selon le rythme du resserrement monétaire attendu par le marché. Des ratios de Sharpe plus faibles et une plus grande dispersion devraient caractériser le prochain épisode boursier en 2022. Les craintes de stagflation devraient contribuer à la détérioration des ratios de Sharpe des actions. Le derating des actions américaines a débuté en 2021, le multiple EV/EBITDA passant de 19x en janvier 2021 à 17x aujourd'hui. Le multiple se traite avec une prime de 56% par rapport à la moyenne historique. En 2011, la décote était de -34%.

Nous utilisons un signal de marché composite pour évaluer la probabilité d'événements de marché baissier, c'est-à-dire une baisse cumulée du marché supérieure à 20%. Le risque de marché baissier est maximal lorsque toutes les composantes cycliques culminent. Désormais, notre signal propriétaire passe au rouge pour la première fois depuis février 2020, dépassant les deux pics précédents (février 2007 et septembre 2018). Les composantes de valorisation du prix des actifs sont toujours très élevées (les actions, les spreads de crédit, les obligations d'Etat). Le message provenant du cycle économique est similaire. Le fait marquant depuis le printemps 2021 est la baisse significative du chômage (à 4,6% aux Etats-Unis contre 14,8% en avril 2020, bien qu'encore supérieur au taux d'avant la pandémie de 3,5%) et la flambée dans l'inflation globale et sous-jacente.

Les catalyseurs susceptibles de déclencher un ajustement brutal des prix des marchés actions sont les suivants: 1. une erreur de politique économique, y compris un resserrement monétaire imprévu; 2. un resserrement du crédit bancaire ou corporate; 3. une explosion des prix des matières premières conduisant à un ralentissement économique plus sévère associé à un resserrement de la politique monétaire; ou 4. un choc de volatilité (event-driven). Le COVID-19 est un problème persistant, mais on peut le considérer comme déjà bien intégré dans la prime de risque du marché. Cela signifie que les nouveaux développements pandémiques ne devraient affecter que marginalement les marchés financiers, étant donné le taux de vaccination plus élevé et le soutien politique préventif des gouvernements.

Les marchés financiers sont désormais à leur niveau maximum de vulnérabilité. La couverture simultanée du risque d’inflation et du risque de marché sera essentielle en 2022.

A lire aussi...