Garder la perspective de long terme

Yves Hulmann

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Pour Daniel Steck, gérant chez Piguet Galland, plusieurs petites et moyennes capitalisations suisses continueront de tirer parti de la reprise post-Covid.

La banque Piguet Galland, présente dans six villes de Suisse romande, a étoffé cette année sa gamme de fonds de placement en lançant un nouveau véhicule dédié aux investissements dans les petites et moyennes capitalisations helvétiques. Le nouveau fonds, lancé début janvier, est le fait de la transformation d’un certificat d’actions qui existait déjà depuis plus de quatre ans au sein de l’établissement basé historiquement à Yverdon. Pourquoi franchir le pas maintenant et quels sont les secteurs et titres qui offrent le meilleur potentiel parmi les petites et moyennes capitalisations en Suisse? Daniel Steck, analyste et gérant du fonds Piguet Actions Suisses SMID chez Piguet Galland, décrit l’approche de placement du fond récemment lancé.

S’agissant tout d’abord de la transformation du certificat en un fonds de placement, il souligne que si les produits structurés disposent de certains avantages – mise en place rapide, structure légère et flexible -, ils présentent aussi l’inconvénient de s’adresser à une clientèle plus restreinte. «Certains clients considèrent l’accès aux certificats comme étant trop compliqué. A l’inverse, tout le monde peut investir dans les fonds de placement. Ces véhicules ont aussi l’avantage d’être audités et de faire l’objet de reporting réguliers, ce qui convient mieux à certains clients et gestionnaire de fortune», relève le gérant.

Allocations d'actifs divergente des indices SMI ou SPI

Quant à l’approche d’investissement retenue par le fonds, Daniel Steck souligne tout d’abord que l’objectif est d’assurer à la fois une large diversification, avec environ 25 positions qui représentent au plus une part de 4 à 5%, tout en gardant une approche de gestion active. «Nous pratiquons une gestion de conviction et indépendante des indices de référence», précise-t-il. D’un point de vue sectoriel, le fonds est ainsi investi dans plusieurs secteurs – industrie, matériaux, chimie, biens de consommation – qui reflètent la diversité de l’économie suisse dans son ensemble et dont la composition diverge, par conséquence, assez fondamentalement de la composition des indices tels que le SMI ou le SPI qui sont largement dominés par les géants de la pharma et Nestlé.

En ce qui concerne la taille, le fonds investit à la fois dans des petites sociétés mais aussi dans des moyennes et parfois même dans de grandes capitalisations. «Les plus grandes sociétés que nous détenons en portefeuille comme Sika, Logitech ou Swiss Life sont souvent des titres dont la capitalisation a fortement augmenté au cours des dernières années. Nous sommes restés fidèles à ces sociétés, même s’il ne s’agit plus toujours de petites et moyennes et capitalisations dans le sens où on l’entend habituellement», précise-t-il. Environ un tiers des positions du fonds sont des sociétés dotées d’une capitalisation boursière de 1 à 5 milliards, un tiers entre 5 et 15 milliards, alors que le tiers restant dépasse les 15 milliards de francs.

«Emmi, c’est un peu le type de société que l’on achète et que l’on oublie, car nous faisons confiance à ses capacités de développement à long terme.»
L’industrie reste soutenue par la reprise économique

Avec des entreprises telles que Sika et Kardex parmi ses dix principales positions, le fonds est exposé à des valeurs cycliques. Compte tenu de la hausse des taux et des incertitudes sur le plan géopolitique, les valeurs industrielles ne sont-elles pas trop risquées actuellement? Daniel Steck relève que beaucoup de ces titres ont déjà corrigé par rapport à leurs plus hauts niveaux atteints en fin d’année dernière. «Nous nous sommes posés la question s’il fallait rester investis dans des valeurs cycliques. Pour nous, la réponse est oui. Dans l’ensemble, la tendance économique de fond demeure positive. La conjoncture mondiale continue de se reprendre au fur et à mesure que l’on sort de la pandémie. Il y aura bien sûr un ralentissement de la croissance en 2022 en comparaison de 2021 mais c’est inévitable dans une phase de normalisation», analyse-t-il.

Sika tire aussi parti du thème de la durabilité

Concernant Sika, qui a franchi pour la première fois le seuil du milliard de francs de bénéfice durant l’exercice 2021, Daniel Steck estime que cette société continue de présenter un potentiel de croissance intéressant sur le long terme, même si le titre a perdu plus d’un cinquième de sa valeur depuis le début de l’année. «Sika est une entreprise qui est très liée à la construction et qui a réussi à se positionner avantageusement dans ce secteur grâce à une offre de matériaux très spécialisés. De plus, cette société dispose aussi d’une composante ESG importante et a su surfer sur le thème de la durabilité en proposant par exemple des solutions dans le domaine de l’isolation», met-il en perspective. Que pense-t-il du recul d’un quart de la valeur de l’action par rapport à son plus haut niveau atteint en décembre dernier? «Certaines valeurs comme Sika avaient énormément progressé en 2021, présentant alors des valorisations extrêmes. Nous préférons faire le dos rond et comptons rester investis dans cette position», observe-t-il, précisant que le fonds a augmenté le nombre de titres placés dans cette société.

Logitech demeure sur une tendance de fond positive

Logitech est une autre position importante dans le fonds. Le titre du fabricant de périphériques pour ordinateurs n’a-t-il pas dépassé son zénith après avoir fortement profité d’achats d’équipements durant la pandémie? Daniel Steck estime plutôt que le titre est justement redevenu intéressant, après avoir atteint son plus haut durant l’été 2021. «Après avoir explosé en 2020 et au début de 2021, le ventes de Logitech sont redescendues à un niveau plus stable. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, sur le long terme, la société continue de profiter d’une dynamique de fond qui existait déjà avant la pandémie. Elle tire parti notamment de l’essor continu des ventes dans les périphériques pour jeux vidéo», cite à titre d’exemple l’analyste.  

Lindt sera porté par la reprise du tourisme

Le secteur des biens de consommation et des produits alimentaires reste aussi fortement représenté dans le fonds avec des titres comme Lindt, Barry Callebaut et Emmi parmi ses dix premières positions. S’agissant du cas spécifique de Lindt, Daniel Steck s’attend à ce que le chocolatier, pénalisé durant la pandémie par la baisse des ventes liées au tourisme, soit bien positionné en vue du thème de la réouverture quand les gens voyageront davantage – une tendance qui profitera aussi à Flughafen Zürich, autre position importante du fonds.

La société Emmi, elle, dispose d’une offre de produits de qualité et a la capacité de croître plus rapidement que le reste de son secteur. «Emmi, c’est un peu le type de société que l’on achète et que l’on oublie, car nous faisons confiance à ses capacités de développement à long terme», explique-t-il.

La remontée des taux bénéficie à des assureurs tels que Swiss Life

Il est plus surprenant de voir figurer une société telle que Swiss Life dans un fonds dédié aux petites et moyennes capitalisations helvétiques. Pourquoi est-ce le cas? Swiss Life est une société dont la capitalisation boursière a fortement progressé au cours des dernières années mais elle figurait déjà depuis longtemps dans le panier de titres sélectionnés par Piguet Galland. «Swiss Life, tout comme Helvetia par exemple, compte typiquement parmi les sociétés qui sont à même de profiter d’un environnement de remontée des taux d’intérêt, même si, à court terme, elles ont aussi été chahutées par le contexte boursier de ces dernières semaines», conclut le gérant.

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