Dynamique vertueuse en matière de pratiques non financières

Damien Contamin, BCGE

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Le législateur suisse a pour mission d’établir les bases d’un cadre incitatif favorisant les bonnes pratiques non financières. Par le jeu de la concurrence, le marché en précise les contours.

Il revient au législateur la charge de définir les règles régissant les pratiques non financières minimales à appliquer. En Suisse, il a fréquemment pour habitude d’édicter des principes généraux à respecter. Il revient alors aux acteurs économiques le soin de définir les actions qui devraient en découler, au travers, par exemple, des directives des associations faîtières. Si les efforts consentis par le marché sont jugés insuffisants, le législateur se réserve alors le droit de renforcer le niveau d’exigence attendu. En se dotant d’un tel dispositif législatif, la Suisse favorise l’émergence d’une concurrence implicite entre les acteurs économiques. Cette concurrence est nourrie et renforcée par le rôle exercé respectivement par les consultants, les agences de notation et les auditeurs.

Si l’on se réfère spécifiquement aux articles 964 et suivants du code des obligations relatifs au devoir de transparence sur les questions non financières, les exigences formulées par le législateur laissent une large place à l’interprétation. Dans un tel contexte, les entreprises concernées sont incitées à recourir au service de consultants externes pour mieux jauger des actions à entreprendre et de la façon de les reporter. Il s’agit de l’exercice classique de gap analysis précédant la mise en œuvre de l’élaboration du rapport de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE). Cette démarche est très largement motivée par le rôle et l’influence exercés par les agences de notation. Leur approche consiste à attribuer un rating ESG basé sur une appréciation relative des pratiques non financières d’un acteur économique par rapport à ses pairs.

Se soumettre à l’exercice d’une revue externe est d’une exigence telle qu’elle contribue à conférer aux informations contenues dans un rapport RSE la crédibilité que le marché en attend.

Comme une dégradation du rating ESG est susceptible d’avoir une matérialité financière1, les entreprises sont naturellement encouragées à ajuster constamment leurs propres pratiques en se référant aux best practices en vigueur. La dynamique vertueuse alimentée par les «meilleurs élèves» pousse ainsi l’ensemble du marché vers le haut. En effet, si l’on considère les acteurs du secteur bancaire, la distribution des ratings décernés par l’agence MSCI s’est progressivement déplacée vers les meilleures notes au cours des dernières années.

Le raisonnement tenu jusqu’à maintenant repose sur l’hypothèse que les propos contenus dans les rapports RSE reflètent fidèlement la réalité. Il pourrait être tentant d’en douter, tant la tendance à enjoliver la réalité est monnaie courante. Il semble cependant que tout pousse désormais les acteurs économiques à une certaine prudence en la matière. Le renforcement des mesures de lutte contre le greenwashing en est une raison suffisante. Le fait de recourir à des standards de publication tels que les GRI tend à privilégier la génération d’une information factuelle et objective.

Mais un autre argument prédomine. Désormais, à partir de cette année, les assemblées générales des sociétés d’intérêt public remplissant les critères de l’art. 964a al. 1 CO seront amenées à approuver leurs rapports sur les questions non financières conformément à l’art. 964c al. 1 CO. Selon cette disposition, le rapport doit être «approuvé et signé par l’organe suprême de direction ou d’administration, et approuvé par l’organe compétent pour l’approbation des comptes annuels»; ce dernier étant l’assemblée générale pour les sociétés anonymes. Même si la loi suisse ne l’exige pas à ce jour, cette nouvelle mesure pourrait pousser les entreprises concernées à recourir au service d’auditeurs externes.

Se soumettre à l’exercice d’une revue externe (même dans sa version dite «limitée») est d’une exigence telle qu’elle contribue à conférer aux informations contenues dans un rapport RSE la crédibilité que le marché en attend. Cela passe par l’assurance de la cohérence des propos tenus, l’exactitude des informations quantitatives reportées, la rigueur des processus d’extraction de données et le respect suffisant de l’application des standards de publication choisis. Autant d’éléments requis pour faciliter une approbation sereine des organes compétents et conforter la confiance des investisseurs.

Tout laisse donc à penser que l’écosystème du marché, soutenu par la vigilance du législateur, a un rôle majeur à jouer pour encourager les acteurs économiques à améliorer leurs pratiques non financières. Quant à savoir si cette dynamique sera suffisante pour converger vers les objectifs fixés par la Confédération, c’est au législateur d’en juger.

 

 

1 Une dégradation du rating ESG peut menacer la capacité de refinancement d’une entreprise.

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