De l'eau partout et pour tous

Marc-Olivier Buffle, Pictet Asset Management

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Le monde va avoir besoin de près de 13’000 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures d’eau et d’assainissement au cours des 25 années à venir.

L’eau est essentielle à la vie, mais son mode de distribution est devenu un problème épineux. Le monde va avoir besoin de près de 13’000 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures d’eau et d’assainissement au cours des 25 années à venir. C’est un effort que ni le secteur privé ni le secteur public ne peuvent accomplir seuls, ils doivent associer leurs forces avec intelligence et en s’appuyant sur une réflexion à long terme.

Pour que l’accès universel à l’eau soit possible d’ici à 2050 (c’est-à-dire que tous les ménages aient accès à des sources d’eau ainsi qu’à un assainissement sûrs et que le traitement des eaux usées devienne la norme en zone urbaine), il faudra investir 8’800 milliards de dollars dans les infrastructures des pays en développement et 4100 milliards de dollars supplémentaires dans les pays développés.

Cela représente quelque 370 milliards de dollars d’investissements chaque année.

La nécessité des infrastructures ne fait aucun doute. L’eau insalubre est responsable de 1,2 million de morts prématurées chaque année et, dans les pays à faible revenu, environ 6% des décès sont directement provoqués par des sources d’eau non potable. En 2022, une personne sur quatre dans le monde ne disposait pas d’eau potable et 43% de la population n’avait pas accès à des installations sanitaires sûres. Même dans les pays à revenu élevé, respectivement 6% et 9% des habitants n’avaient pas accès à l’eau potable et à des installations sanitaires sûres.

Les pays développés partagent un même problème: une grande partie des réseaux d’eau dont ils dépendent ont été construits au XIXe siècle, lors de la première grande vague d’amélioration de l’assainissement public. Ainsi, Londres utilise encore le colossal réseau d’égouts de Joseph Bazalgette, qui a été achevé en 1875. Malgré son statut de véritable exploit de l’ingénierie, il n’est plus en mesure de répondre aux besoins de la métropole.

Alors que des opérateurs privés desservent 20% de la population mondiale, les 80% restants le sont par des entreprises publiques ou ne reçoivent aucun service. Pourtant, les énormes lacunes en termes d'offre et de qualité suggèrent que les gouvernements ne sont peut-être pas les meilleurs fournisseurs de ce bien public essentiel.

Pour commencer, les entreprises gérées par les Etats doivent disposer de la bonne structure d’incitations et de la bonne supervision, ce qui n’est pas toujours le cas. Trop de pays proposent un approvisionnement de qualité aux personnes aisées, tandis qu’il reste inadéquat pour tous les autres. La responsabilité de l’échec ne se limite pas pour autant aux autorités des pays en développement, notamment lors de la crise qu’a connue la ville de Flint aux Etats-unis entre 2014 et 2017, où jusqu'à 12'000 enfants ont été exposés à des niveaux élevés de plomb dans l'eau, le résultat d’une défaillance du département de l’eau et de l'assainissement de Détroit.

Le secteur privé n’est pas non plus exempt de problèmes. Ainsi, récemment, au Royaume-Uni, les entreprises de distribution d'eau d’Angleterre et du Pays de Galles ont été l’objet d’une attention toute particulière en raison de problèmes de déversement des eaux usées dans des rivières et sur des plages publiques.

Le Royaume-Uni permet une comparaison particulièrement intéressante des apports du public et du privé dans les services d’eau. L’approche est différente dans chacune des nations qui le composent. Les dix sociétés de distribution d'eau et d'assainissement d'Angleterre et du Pays de Galles ont été privatisées en 1989. Les neuf sociétés anglaises sont soit des sociétés cotées en bourse, soit détenues par des sociétés de «private equity», soit des filiales de sociétés internationales. D’une manière générale, les entreprises privées obtiennent de meilleurs résultats: les niveaux de fuite sont plus faibles, le traitement des eaux usées est plus moderne et la qualité de l'eau potable meilleure.

Depuis qu’elles ont été privatisées, leurs investissements en infrastructures sont proportionnellement plus importants que dans les années 1970 et 1980, lorsque l’Etat avait la mainmise sur le secteur. Leurs services sont également gérés plus efficacement.

Ces vingt dernières années, de nombreux acteurs du secteur privé ont concentré leurs efforts sur la construction de réseaux et d’infrastructures de traitement de l’eau et des eaux usées.

Cela dit, dans l’ensemble, qu’ils soient publics ou privés, les tarifs de l’eau et de l’assainissement suffisants pour couvrir les coûts sont le modèle privilégié, car il est durable. Il est surtout important que les investisseurs s’engagent de façon permanente auprès des compagnies des eaux afin d’améliorer les résultats en matière de pollution et de définir des systèmes d’incitation, dans le but d’améliorer par la suite les résultats environnementaux et financiers.

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