Qu’est-ce que l’hydrogène vert? Une question à 100 milliards de dollars

Bruno Allain, Quaero Capital

2 minutes de lecture

Le plan climat américain comprend un volet ambitieux sur l’hydrogène: sa production sera fortement subventionnée, sous réserve d’être décarbonée.

L’hydrogène a de nombreux usages. On le présente aussi comme le «couteau suisse» de la décarbonation car il pourrait servir de source d’énergie dans les industries où la réduction des émissions s’avère la plus complexe. A ce stade, tout scénario de transition énergétique qui se respecte s’appuie sur l’hydrogène.

Son caractère «incontournable» n’est pourtant pas sans controverse. A court terme, l’augmentation de sa production risque même d’avoir un impact négatif sur les émissions.

La situation des Etats-Unis, qui sont en train de définir quel type d’hydrogène pourra bénéficier des généreuses subventions du plan climat (Inflation Reduction Act ou IRA), illustre la complexité du sujet.

L’IRA a changé les perspectives de l’hydrogène aux Etats-Unis

L’IRA a créé un nouveau crédit d’impôt afin de subventionner la production d’hydrogène «propre». Les industriels pourront notamment recevoir une subvention liée à la production1. Les montants reçus dépendront des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie associées à la production d’hydrogène.

A ce stade, il n’y a pas de plafond prévu pour les subventions que les producteurs d’hydrogène vert pourraient recevoir dans le cadre des PTC: plus ils produisent, plus ils sont subventionnés.

Bien que les acteurs du secteur aient le choix entre différentes subventions, le Graal est d’être éligible au plus haut niveau de PTC, soit une subvention de 3 USD/kg d’hydrogène produit. Ce montant permettra non seulement à l’hydrogène «vert» d’être compétitif par rapport à l’hydrogène «gris» classique au niveau du prix de revient, mais il permettra même, là où l’électricité verte est la moins chère, d’arriver à des coûts de production négatifs!

A ce stade, il n’y a pas de plafond prévu pour les subventions que les producteurs d’hydrogène vert pourraient recevoir dans le cadre des PTC: plus ils produisent, plus ils sont subventionnés. Cette manne pourrait représenter plus de 100 milliards de dollars et les industriels ne comptent pas la laisser passer.

Hydrogène vert = électrolyseur + électricité propre

L’hydrogène peut être produit de plusieurs manières. Pour prétendre aux subventions, sa production doit utiliser un électrolyseur (un courant électrique sépare l’eau en oxygène et hydrogène) et une électricité provenant d’une source renouvelable (solaire, éolien…). L’hydrogène produit est alors qualifié de «vert» (2% seulement de la production mondiale aujourd’hui).

Comment définir l’électricité propre?

Les opinions divergent quand il s’agit de définir ce qu’est une électricité propre. Les électrolyseurs sont, dans l’immense majorité des cas, rattachés au réseau électrique. L’électricité utilisée est donc représentative du «mix» énergétique local, qui reste très carboné. Les producteurs d’hydrogène comptent utiliser des certificats de production d’énergie renouvelable (REC2) attestant de l’origine «propre» de leur approvisionnement afin de pouvoir bénéficier des futures subventions.

Pour certains, une définition trop stricte de ce qu’est l’électricité verte réduira fortement le potentiel de développement de la production d’hydrogène vert et en augmentera massivement le coût.

Le Département du Trésor américain devra définir précisément comment sera calculée l’empreinte carbone de la production d’hydrogène et donc son éligibilité aux subventions.

Certains souhaitent mesurer la production d’électricité verte sur une base annuelle afin de la faire coïncider avec une production annuelle d’hydrogène. C’est le cas des grands groupes pétroliers (Shell, BP) ou de certaines utilities américaines (NextEra Energy). Cette approche flexible est vivement contestée par de nombreuses associations écologiques, qui estiment qu’il faut respecter trois piliers:

  1. Additionalité: l’électricité utilisée pour les projets d’hydrogène doit provenir de nouvelles capacités renouvelables
  2. Régionalité: la génération d’électricité propre et la production d’hydrogène doivent être reliées au même réseau
  3. Matching horaire: la production d’hydrogène doit être concomitante à la génération d’énergie renouvelable

Les entreprises à la pointe en matière de stratégie d’offset (comme Google) sont en train de basculer vers une approche «par heure».

Un débat structurant pour l’avenir de la filière

Ce débat n’est pas sans rappeler celui qui a accompagné la définition de la taxonomie en Europe.

Pour certains, une définition trop stricte de ce qu’est l’électricité verte réduira fortement le potentiel de développement de la production d’hydrogène vert et en augmentera massivement le coût, au risque de maintenir la domination des filières de production d’hydrogène à partir de gaz naturel.

A l’inverse, ceux qui s’opposent à une approche plus laxiste craignent une augmentation des émissions… subventionnée par une loi climat! L’impact réputationnel pourrait être catastrophique pour l’industrie naissante de l’hydrogène vert.

 

1 La subvention est égale à un montant spécifique en dollar par kilo d’hydrogène produit (on parle de PTC ou Production Tax Credit).
2 REC – Renewable Energy Certificate

A lire aussi...