Bond. Long bond(s)

Steen Jakobsen, Saxo Bank

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Selon nos prévisions trimestrielles, il est temps de se positionner à l’achat sur les obligations. Une telle opportunité ne s’est pas présentée depuis 20 ans. Explications macroéconomiques.

Les taux réels étant trop positifs, nous envisageons trois scénarios: un blocage des taux au plus haut du cycle, une intervention excessive des gouvernements pour maintenir les économies à flot et une réinitialisation complète de l'économie.

Doit-on saisir les opportunités résultant d’un blocage des taux au plus haut du cycle, d’un point d’inflexion que l’on pourrait qualifier de «destruction créatrice» selon la formule de l'économiste Joseph Schumpeter, ou de l’interventionnisme excessif des gouvernements?

Opportunités ou destruction? Le choix semble facile, mais il semble que l'opportunité est basée sur un marché et un modèle économique défectueux construit sur l'interventionnisme de l'Etat, alors que la destruction créatrice de Joseph Schumpeter est un processus naturel de l'évolution économique et sociale.

Nous envisageons trois scénarios ainsi que leur probabilité de réalisation:

  • Opportunité – Les taux directeurs les plus élevés ont été atteints (probabilité à 50%)
  • Excès de pouvoir – Les gouvernements augmentent leurs interventions et réglementations afin de maintenir l'économie à flot (35%)
  • Destruction créatrice (15%) – La réinitialisation de l’économie vers une distribution basée sur le marché qui prend en compte des cycles économiques complets.
Opportunité

Si les taux réels sont trop positifs, les secteurs et les consommateurs ayant des besoins de financement risquent d'en subir les conséquences. Les retombées commencent déjà à se faire sentir dans les entreprises de la transition verte, telles que les promoteurs d'éoliennes en mer, car la valeur économique de leurs projets n’est plus viable avec les taux d'intérêt actuels.

Les consommateurs peuvent avoir dépensé leurs économies Covid et doivent ralentir leurs dépenses à cause d’une hausse des coûts deux fois supérieurs aux moyennes historiques pour les cartes de crédit, les hypothèques ou les voitures par exemple.

Il existe également un risque de liquidité, car les gouvernements continuent d'émettre de la dette à un rythme tel que les acheteurs traditionnels de crédit se retrouvent avec des titres en dessous de leur valeur nominale.

Nous estimons qu'un ralentissement économique et une crise de liquidité sont tout aussi probables l'un que l'autre.

Excès de pouvoir des gouvernements

Il est assez ironique de parler d'un excès de pouvoir des gouvernements comme d'un événement futur, car il est déjà en cours de réalisation. Les nouvelles réglementations sont de plus en plus nombreuses, ce qui est très préoccupant en thermes de bureaucratie et de coût d’exécution.

L'Europe vient d’introduire son Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) le 1er octobre 2023, qui est, selon le terme commercial classique, une barrière fiscale protectionniste. Du haut de leurs tours d’ivoire, les politiques et banques centrales mettent à l’honneur ces réglementations vertes et ces mesures ESG. Bien qu’elles veuillent être perçues comme «actives», elles dénaturent les solutions et les initiatives privées. Malgré leur incapacité à changer de direction, elles affirment que «le problème n'est pas un excès de réglementations et de politiques gouvernementales, mais plutôt l’inverse»!

Un petit cours d'économie s'impose peut-être. Tout ce qui n'est pas productif est voué à l'échec, à moins, bien sûr, que les gouvernements ne le maintiennent artificiellement en vie. C'est un scénario très probable. L'éviction des capitaux privés et de l'initiative n'est jamais une bonne idée. Elle conduit à des déficits croissants, à des niveaux d'endettement insoutenables et à la nécessité d'introduire un coût maximum dans tous les domaines, du capital aux prix. Pensez aux contrôles des prix, des loyers et des courbes de rendement, alors que les politiciens dirigent l'économie de manière centralisée pour satisfaire et «protéger» les électeurs. Dans ce scénario, les taux finaux augmenteront, probablement et jusqu'à 500-550 points de base pour le rendement de référence à 10 ans aux Etats-Unis.

La destruction créatrice

Les économistes libertariens reviennent toujours à la théorie de Joseph Schumpeter selon laquelle l’économie a besoin d’un processus de disparition des activités productives obsolètes afin de réinitialiser ses paramètres et progresser grâce à l'innovation et à des méthodes plus productives. C’est en quelque sorte une crise qui crée une nouvelle base favorable à une reprise. Mais le contexte d’inégalités croissantes entre jeunes et anciennes générations, PME et multinationales, ou entre nantis et démunis, rend ce scénario quasiment impossible à réaliser. Trop de capital politique est investi dans la croyance actuelle qui consiste à tout maintenir et à éviter les récessions à tout prix.

Il est possible que les électeurs en aient assez. Pour l'instant, la droite, en particulier en Europe, gagne du terrain dans les sondages grâce à son engagement en faveur de l'individu plutôt que du politique.

Pour un vétéran comme moi, cette situation ressemble beaucoup aux années 1980, lorsque l'école de l'offre d'Arthur Laffer était à la mode ou après la crise de 2008, quand Richard Koo introduisit le concept «récession du bilan». Aujourd'hui, tous deux sont plus que jamais d’actualité!

Les années 1980 ont été l’antidote au «Grand gouvernement» des années 70, aux prix élevés de l'énergie, à l'effondrement de Bretton Woods, aux salaires élevés, à l'inflation et aux dévaluations.

Cela vous rappelle quelque chose?

L'exercice auquel nous devons tous nous livrer consiste à déterminer quel sera le prochain cycle, en partant du principe qu'il s'agit souvent du contraire de ce qui vient de se produire. Peut-être que la bonne réponse est que nous verrons les trois scénarios se réaliser au cours des dix prochaines années? D'abord l'opportunité, ensuite la surenchère gouvernementale et enfin la transition vers la destruction créatrice de Schumpeter. C'est mon pari.

Le monde veut, et peut probablement, prolonger et simuler un cycle de plus, mais pour que le modèle économique actuel fonctionne encore une fois, il doit maintenant «protéger» tout le monde et tout ce qu'il y a à protéger. Cela signifie que le coût du capital ne peut plus augmenter, faute de quoi nous passerons directement à Schumpeter.

The King is dead. Long live the King.

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