Le «spread» entre les taux italiens et allemands bondit

AWP

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L’écart entre les taux d’intérêts allemand et italien à dix ans, a atteint son plus haut niveau depuis novembre 2013.

La colossale dette italienne est dans la ligne de mire des marchés financiers qui s’inquiètent de l’incertitude politique et d’une nouvelle poussée des forces antisystème aux prochaines élections.

Le «spread», le très scruté écart entre les taux d’intérêts allemand et italien à dix ans, a atteint son plus haut niveau depuis novembre 2013, à 235 points, témoignant de la fébrilité des marchés. En deux semaines, il a gagné une centaine de points.

Il reste néanmoins encore très loin de novembre 2011 quand il avait atteint 575 points, avant la chute de gouvernement de Silvio Berlusconi.

Mais c’est son niveau et la chute de la Bourse de Milan qui ont en partie conduit le président italien, Sergio Mattarella, à retoquer comme ministre des Finances Paolo Savona, un économiste d’expérience défenseur d’un «plan B» pour sortir de l’euro.

M. Savona était pourtant le candidat du Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème) et de la Ligue (extrême droite), majoritaires au Parlement.

En réaction, les deux partis ont décidé de renoncer à former un gouvernement, ouvrant la voie à un gouvernement technique mené par Carlo Cottarelli, ancien du FMI (Fonds monétaire international) et incarnation de l’austérité budgétaire, dans l’attente de nouvelles élections prévues au plus tard début 2019.

2302 milliards d’euros

«L’incertitude de la position italienne vis-à-vis de l’euro a alarmé les investisseurs et épargnants (...) La hausse du spread augmente la dette et réduit la possibilité de dépenses dans le champ social. Ceci brûle les ressources et l’épargne des entreprises et préfigure un risque pour les familles et les citoyens européens», s’est justifié M. Mattarella.

Plus l’inquiétude est vive, plus les taux pour les nouveaux emprunts augmentent et plus le pays doit donc dépenser en intérêts.

Néanmoins, souligne Eric Dor, directeur des études à l’IESEG School of Management, les nouvelles obligations sont encore émises à un «taux inférieur à celui des anciennes qui arrivent à maturité et avaient été émises à des conditions très coûteuses». Et donc «même avec une augmentation modérée des taux», «le taux d’intérêt moyen sur l’ensemble de la dette publique va continuer à se réduire» pour le moment.

La dette italienne «pesait» fin mars 2.302 milliards d’euros. Soit quelque 132% de son produit intérieur brut (PIB), le ratio le plus élevé en Europe derrière la Grèce, bien loin des 60% imposés par l’Union européenne.

Les précédents gouvernements ont engagé un parcours vertueux de réduction de l’endettement, en agissant sur le déficit public.

Mais le programme annoncé par la Ligue et le M5S, dont les principales mesures coûtent 100 milliards d’euros, selon Oxford Economics, risquait de faire dérailler ce processus.

Un risque qui n’est d’ailleurs sans doute reporté que de quelques mois, la Ligue étant créditée de 22% des voix en cas de prochaines élections (contre 17% obtenus le 4 mars) et le M5S de quelque 32% (comme en mars).

Note sous surveillance

Vendredi, face aux mesures «coûteuses» programmées, l’agence Moody’s a placé la note de la dette italienne sous surveillance en vue d’une possible dégradation.

L’inquiétude se porte, en domino, sur les banques italiennes, qui détiennent plus de 20% de la dette, selon CMC Markets UK.

Lorsque les taux montent, la valeur des obligations qu’elles ont précédemment achetées est en effet susceptible de diminuer dans leur bilan.

Morgan Stanley estime ainsi que si les taux à dix ans restent durablement au-dessus de 2,4% - ils évoluaient autour de 2,6% lundi - il existe un risque de contagion par le biais des banques.

Les taux d’intérêts portugais, grec et espagnol se sont eux-mêmes tendus ces derniers jours.

Selon le Peterson institute for international economics (PIIE), une crise de la dette à l’italienne, faisant suite à une perte d’accès aux marchés après une dégradation de note, serait «dramatique». L’Italie ne serait alors «plus éligible au programme de rachats de dette par la Banque centrale européenne» (BCE) et «à moins que le gouvernement ne change de chemin, il serait forcé de quitter l’euro, même si ce n’est pas son plan actuel».

Mais si un tel scénario est «possible», le PIEE le juge néanmoins improbable», en premier lieu parce qu’»une crise conduisant à un défaut (de paiement) frapperait d’abord les Italiens», qui détiennent «les deux tiers des titres souverains». Avec un risque électoral majeur ensuite pour les partis qui en seraient responsables.

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