Gonet: l'actualité des marchés au 1er décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -1,86%, S&P 500 -1,90%, Nasdaq -1,55%, Russell 2000 -1,92%, SOX -1,98%, Eurostoxx -1,13%, SMI -0,50%.

Wall Street se transforme en Fort Alamo. Déjà assiégé par le regain de forme spectaculaire du Covid depuis vendredi passé, le bastion de la finance mondiale se voit attaqué sur le flanc par le patron de la Fed himself, Jerome Powell faisant une Zemmour virtuelle au marché en indiquant que le temps est venu de retirer le mot «transitoire» lorsqu’il s’agit de parler d’inflation. On peut penser que le boss de la Réserve Fédérale se sent pousser des ailes, après tout il vient d’être nommé pour un nouveau mandat de quatre ans. Lors d’une audition au Congrès, Monsieur Powell se joint donc à ses nombreux collègues qui ont récemment suggéré d’accélérer le tapering. «L'économie est très solide et les tensions inflationnistes sont élevées. Il est par conséquent approprié selon moi d'envisager de mener à son terme la réduction de nos achats d'actifs [...] peut-être quelques mois plus tôt que prévu initialement» déclare le président de la Fed devant la commission bancaire du Sénat. Selon le scénario présenté début novembre par la Fed, les achats de titres obligataires mis en place pour fluidifier les marchés du crédit dans le contexte de la pandémie devaient être progressivement éliminés d'ici au mois de juin prochain. «Le calendrier du tapering  sera débattu lors de la prochaine réunion du comité de politique monétaire en décembre», ajoute Jerome Powell, lors de son audition aux côtés de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les intervenants ne s’y attendaient pas à ce coup-ci. Jerome Powell était devenu l’homme qui savait murmurer aux oreilles des taureaux, il se transforme d’un coup en instructeur militaire «à la Full Metal Jacket». Résultat des courses, les indices terminent leur journée proches de leur plus bas de la séance. Les secteurs des services de communication, des utilities et des biens de consommation de base souffrent tout particulièrement et aucun des 11 secteurs de l’indice S&P500 (SPX) ne parvient à garder la tête hors de l’eau hier. Le sentiment du marché se détériore à nouveau, un peu comme vendredi passé mais pas pour la même raison, on se met donc à vendre à tout va, on réfléchira quand on aura le temps. Le breadth (l’écart entre les titres clôturant en hausse et en baisse) l’illustre bien avec seulement 7 des 500 valeurs du SPX qui parviennent à monter hier. Sur le Nasdaq100 (NDX) ce n’est guère mieux, on compte 4 valeurs en hausse.

Et puis, dans cet océan rouge, il y a Apple. La firme à la pomme fait un bras d’honneur définitif à Isaac Newton et s’adjuge 3,16% sur la séance pour clôturer à un nouveau plus haut de tous les temps. Ceci dit, la hausse d’hier n’intervient pas pour rien, Apple ne s’est pas transformée en valeur refuge d’un claquement de doigts. De nouvelles données suggèrent que la firme de Tim Cook connait une demande extrêmement forte en Chine pour la gamme iPhone 13. Les ventes de smartphones dans le pays ont augmenté de 57% au mois d’octobre, celles d’Apple ont augmenté de 820% en septembre et de 85% d’une année à l’autre (source: Académie Chinoise des Technologies de l’Information). Rompez!

La déclaration de Jerome Powell a aussi un impact important sur la courbe des taux US, qui entreprend de s’aplatir comme rarement, ce qui nous indique que le marché obligataire pense que la Fed s’apprête à commettre une erreur de politique monétaire. Le rendement de l’emprunt US à 10 ans vient tester sa moyenne mobile à 100 jours hier, à 1,41%, pour revenir à 1,46% ce matin. Si le niveau de 1,41% est cassé, techniquement on regardera ensuite 1,23%. Le marché monétaire prévoit désormais 59 points de base de hausse d’ici la fin 2022, lundi c’était 50 points de base. La première hausse de 25 points de base reste prévue pour juillet par le marché. L’or commence par décoller et revient près de 1810 dollars par once juste après l’annonce de Jerome Powell, pour reprendre le chemin du sud ensuite et se poser près de son support de 1791 dollars. Le billet vert réagit encore plus violemment, la paire EUR/USD passe d’un coup de 1,1380 à 1,1240, pour se stabiliser à 1,1323 ce matin. Notons au passage que la résilience de l’euro face au dollar peut s’expliquer par les chiffres impressionnants de l’inflation, notamment en Allemagne où elle atteint 5,7%, je ne me souviens pas l’avoir jamais vécu. Le pétrole réagit aussi, le baril de WTI Light Crude chute à 64,43 dollars mais rebondit assez vite à 68,49 dollars, pile son niveau de résistance / support, selon quelle heure de la journée nous vivons. L'attention des opérateurs devrait désormais se tourner vers la réunion, prévue jeudi, de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses alliés concernant d'éventuelles modifications de leur accord de production. Jusqu'à présent, la Russie et l'Arabie saoudite ont indiqué ne pas juger nécessaire de modifier la production car elles ne craignent pas la propagation du variant Omicron.

Et pendant ce temps la Livre Turque s’effondre encore un peu plus, le président du pays Erdogan veut baisser les taux pour endiguer l’inflation…

Les États-Unis envisagent d'exiger que tous les voyageurs aériens à destination du pays soient testés dans la journée suivant leur départ, quel que soit leur statut vaccinal, selon l’agence Bloomberg. Actuellement, les voyageurs vaccinés doivent être testés dans les trois jours suivant leur vol. Le Canada exigera désormais que tous les voyageurs aériens en provenance de pays autres que les États-Unis soient testés à l'aéroport. L'Allemagne fait un pas de plus vers l'obligation de se faire vacciner. La Finlande va imposer la vaccination du personnel social et sanitaire et prévoit d'étendre l'utilisation des passeports Covid au-delà des bars et des restaurants. La pilule Covid de Merck & Co. obtient une recommandation clé des conseillers des régulateurs américains lors d'un vote serré (13-10). Les nouvelles infections en Allemagne ont augmenté d'environ 50% par rapport à la veille pour dépasser les 67’000. La ville d'El Paso, à la frontière du Texas, manque de lits de soins intensifs alors que le nombre de cas augmente.

Un accord sur le plafond de la dette américaine est toujours en cours de négociation. Chuck Schumer et Mitch McConnell travaillent sur une solution pour relever le plafond, alors que le CBO a lancé un nouvel avertissement selon lequel le gouvernement risque de manquer d'argent en décembre. Janet Yellen réitère un appel à l'action du Congrès et elle témoigne devant la Chambre aujourd'hui.

Les PMI manufacturiers définitifs des grandes économies seront publiés tout au long de la journée. Celui de la Chine, compilé par Markit et Caixin, reste en zone de contraction par la plus petite des marges. Aux Etats-Unis, les investisseurs attendent le rapport ADP sur l'emploi (14h15), l'ISM manufacturier (15h45), les dépenses de construction (16h00) et les stocks pétroliers (16h30).

Ferrari: Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 290 dollars. Le CEO de Volkswagen, sous le feu des critiques concernant la stratégie, est positif sur les développements de l'entreprise. En outre, Volkswagen est en pourparlers pour des coopérations logicielles avec Continental et Robert Bosch. Salesforce nomme Bret Taylor comme co-CEO avec Marc Benioff. Le titre chute de 6% hors séance après la publication de résultats mitigés. Hewlett Packard Enterprise perd 2% hors séance après des trimestriels décevants. Roche a finalisé la reprise annoncée en septembre dernier de son partenaire allemand TIB Molbiol. Clariant relève ses prix de 25 à 35% dans la région EMEA.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse. Tokyo progresse de 0,41% à la cloche, Hong Kong gagne 0,79%, Shanghai avance de 0,36% et Séoul s’adjuge 2,14%. Le future SPX rebondit de 44 points et l’Europe ouvre en progression de 0,8%. Ce matin on préfère prêter attention à Merck et sa pilule contre le Covid, ainsi qu’au fondateur de BioNtech, qui dit être confiant que les vaccins actuels atténuent l’effet du nouveau variant. Enfin le ministre Israélien de la santé estime que les premiers retours montrent qu’une troisième dose protège assez efficacement contre la maladie. Statistiquement, le mois de novembre est bon pour les investisseurs, 2021 aura fait exception, le Stoxx Europe 600 recule de 2,6% sur la période alors que le SPX perd 0,8%. Des records historique ont été pourtant visités en milieu de mois, mais le virus a décidé d’assumer son rôle d’arbitre, avec Jerome Powell comme juge de touche. En prenant du recul, on réalise que la tendance haussière du SPX est intacte et que les sommets ne sont pas si lointains que cela. La volatilité est de retour, qui offre de belles opportunités dans le segments des produits structurés, le VIX traite à 27,19. Bienvenue au mois de décembre.

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