Nous évitons d’investir dans des titres situés en dessous de la note BB

Yves Hulmann

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Pour Rick Raczkowski de Loomis Sayles, la prudence reste de mise même si une croissance économique plus faible n’entraînera pas une hausse immédiate des taux de défaut.

Comment anticiper la trajectoire en tant que détenteur d’obligations? Et quel serait l’impact d’une phase de ralentissement économique sur les titres de dette qui ne bénéficient pas des notations les plus élevées? Le point avec Rick Raczkowski, gérant de portefeuille et co-responsable de l'équipe chargée du rendement relatif chez Loomis Sayles, une société qui gérait à fin 2023 quelque 330 milliards de dollars, dont environ 250 milliards dans le domaine obligataire.

Comment les annonces effectuées par la Fed et certains de ses membres depuis fin janvier ont-elles affecté votre stratégie d’investissement?

Nous adaptons constamment notre stratégie d’investissement en tenant compte de l’évolution de différents facteurs, pas seulement en fonction de telle ou telle déclaration faite par la Réserve fédérale américaine. Néanmoins, ce qui a changé depuis fin janvier, c’est surtout que le marché n’accorde désormais pratiquement plus aucune chance à ce que la Fed procède à une première baisse de ses taux directeurs lors de sa réunion en mars. Et les différents chiffres publiés en première moitié de février vont aussi dans le sens d’une économie qui demeure solide aux Etats-Unis. Dans l'ensemble, cependant, ces données n'amèneront pas la Fed à dévier significativement de sa trajectoire tant que l'inflation continuera à se rapprocher de l'objectif qu'elle s'est fixé. Si la première baisse de taux n'a pas lieu en mars, elle devrait avoir lieu en mai ou plus probablement en juin. Une conséquence de la hausse des obligations au quatrième trimestre 2023 est que nous avons réduit la duration relative de notre portefeuille par rapport au benchmark. En fin de compte, il ne faut pas perdre de vue qu’une baisse des taux d’intérêt, dans l’ensemble, profitera aux investissements en obligations. 

«En Europe, nous surpondérons les plus grandes banques françaises et allemandes actives à l’échelle nationale ou internationale.»

Des taux d’intérêt plus bas vont toutefois aussi souvent de pair avec un risque accru de récession. Dans un tel cas de figure, ne faudrait-il pas redouter une augmentation du nombre de défauts?

Il faut relativiser ce risque. D’une part, nos équipes n'anticipent pas un ralentissement sévère de l’économie américaine. D’autre part, même s’il faudrait alors compter avec une croissance économique plus faible et des spreads plus marqués, cela ne se traduirait pas par une augmentation immédiate des taux de défaut – du moins pas en ce qui concerne les obligations d’entreprise de degré investissement («IG corporate credit»).

Préférez-vous rester à l’écart des obligations à haut rendement («high yield») actuellement?

Pas nécessairement. Il existe aussi des opportunités intéressantes dans le high yield mais il faut être attentif à la qualité des émetteurs de dette, des secteurs et des pays concernés. Actuellement, nous avons une attitude plutôt prudente – nous évitons d’investir dans des titres situés en dessous de la note BB ou dans des entreprises dont le bilan est relativement faible.

Quels sont les aspects qui vous incitent à la prudence?

Qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe, l’aspect clé reste le marché du travail. Aussi longtemps que le taux de chômage demeurera faible, les consommateurs continueront de dépenser leur argent – indépendamment du fait que l’inflation soit un peu plus élevée ou un peu plus faible. En revanche, si le taux de chômage remontait, cela aurait très vite un impact sur toutes les entreprises en lien avec la consommation. La consommation discrétionnaire serait touchée en premier, la consommation de base serait, elle, moins affectée.  

«Une régulation plus stricte tend à être favorable aux détenteurs d’obligations, alors que c’est moins le cas pour les détenteurs d’actions.»

Dans la répartition par pays au sein de votre fond, les États-Unis sont légèrement sous-pondérés par rapport l'indice de référence. Pourquoi est-ce le cas?

Cela s’explique par le fait que nous ne surpondérons pas aux Etats-Unis des secteurs de façon marquée en ce moment. Cela au contraire de l’Europe où nous surpondérons plus grandes banques françaises et allemandes actives à l’échelle nationale ou internationale. Aux Etats-Unis, il n'y a pas de secteurs que nous surpondérons de manière significative, bien que nous ayons favorisé les secteurs financier, aérien et automobile, et que nous soyons prudents à l'égard des secteurs liés à l'immobilier. Nous ne faisons pas pour autant de pari actif contre les Etats-Unis sur le plan macroéconomique. Il ne faut pas interpréter cela de cette manière.

Pourquoi surpondérez-vous des grandes banques européennes, alors que l’on entend souvent parler des risques liés à l’immobilier commercial ainsi que des critiques à propos de la surrèglementation du secteur bancaire en Europe?

Il faut distinguer ici entre les Etats-Unis et l’Europe. Aux Etats-Unis, ce sont surtout certaines banques régionales américaines qui inquiètent une partie de la communauté des investisseurs. En fait, nous sous-pondérons les banques régionales américaines au profit des six grandes banques américaines. En Europe, les grandes banques actives sur le plan national offrent des valeurs plus attrayantes en ce moment. 

Et qu’en est-il de la réglementation du secteur?

La régulation ne doit pas être vue uniquement sous l’angle de la contrainte. Pour nous, en tant qu’investisseurs obligataires, une régulation plus stricte nous est même favorable. Une régulation plus stricte tend à être favorable aux détenteurs d’obligations, alors que c’est moins le cas pour les détenteurs d’actions. 

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