A la recherche de modèles disruptifs

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Finance digitale, Corporate Advisory et gestion d’actifs non cotés. Multiples projets pour un développement porteur. Entretien avec François Reyl de REYL.

En fin d’année, Reyl cédait une part importante de sa participation dans RAM Active Investments à Mediobanca. Cette cession marquait la fin d’un cycle d’investissement, amorcé en 2003 avec des ressources limitées, essentiellement issues de l’activité de banque privée. Les besoins de RAM en matière de levée de fonds pour de nouveaux produits et d’accroissement de son réseau de distribution rendaient stratégique cet accord avec Mediobanca, d’autant que la banque italienne entend laisser à RAM toute son indépendance. Avec une prise de participation dans la banque californienne Aspiration, Reyl confirmait fin décembre ses nouvelles orientations. Entretien avec François Reyl, directeur général du groupe.  

Reyl a conservé un intérêt au capital de RAM. Qu’en attendez-vous?

Avec le potentiel d’accroissement que Mediobanca offre aujourd’hui à RAM, la part de 7,5% que Reyl conserve au capital pourrait rapidement rattraper la valeur cédée. RAM reste un excellent investissement à terme.

«Notre intention est de lutter contre l’érosion
des marges dans nos métiers traditionnels»
Comment allez-vous allouer le produit de la cession?

Notre intention est de lutter contre l’érosion des marges dans nos métiers traditionnels en investissant dans des domaines à forte valeur ajoutée que nous jugeons stratégiques: la finance digitale, le service aux entrepreneurs (corporate advisory) et la gestion d’actifs non cotés – c’est-à-dire les hedge funds, le private equity, la dette privée et d’autres formes d’investissement direct.

Dans quel cadre s’inscrit la participation que vous avez prise dans la banque en ligne Aspiration?

Aspiration n’est pas une fintech comme on l’a souvent écrit. C’est un nouveau modèle bancaire dont le premier objectif est la responsabilité sociale. Une banque digitale, certes, mais surtout une percée dans le monde des services financiers, un prototype d’une finance qui répond aux attentes des Millenials. Nous ne parlons pas ici de marketing mais d’une philosophie disruptive qui s’étend à l’ensemble de sa gamme de produits – prêts, hypothèques, prévoyance, investissements –, avec pour mission de servir au mieux ses clients tout en contribuant positivement à la communauté au sens large. Aspiration note les portefeuilles de ses clients sur la base de critères ESG qui en reflètent la gouvernance (rémunération des employés, accès aux soins, diversité de la main-d’œuvre) et l’impact climatique auquel s’applique les mêmes critères. Les clients d’Aspiration paient ce qu’ils jugent juste. Avec pour résultat que la moyenne des tarifs s’est établie autour de 80 points de base sur les fonds confiés, soit celle des tarifs standards de la banque de détail aux Etats-Unis. Aspiration verse aussi une partie de ses profits à des projets sociaux. Le succès du modèle est notable avec plus de 2000 comptes ouverts chaque semaine.

«Notre mise de fonds dans Aspiration
intervient très tôt dans son déploiement.»
Comment avez-vous été amené à investir dans Aspiration?

Nous avons reçu une proposition de souscrire à la Série B d’Aspiration, la plus importante jamais réalisée par une banque en ligne. Notre mise de fonds est minoritaire mais intervient très tôt dans le déploiement d’Aspiration ce qui nous autorise à siéger à son conseil consultatif et nous permet d’étudier comment sa démarche pourrait être intégrée à d’autres types d’activités bancaires comme la gestion de fortune.

Vous évoquiez plus tôt la finance digitale. Qu’envisagez-vous?

Nous ne sommes pas des pionniers dans ce domaine mais chercherons à court terme à exploiter le potentiel qu’offre la pépinière de startups suisses et notamment romandes. Que ce soit dans l’onboarding électronique des clients, les paiements, le reporting, le crowdfunding, l’intelligence artificielle ou le robo-advisory.

Revenons un instant à la finance responsable. La Suisse en est-elle un pôle?

La Suisse est active et s’intéresse au domaine de la finance éthique mais doit encore fixer des critères objectifs sur une notion encore mouvante. Les Etats-Unis me paraissent un moteur important dans la définition de paramètres innovants en la matière.

Vous entendez mettre le Corporate Advisory au service des entreprises de taille moyenne.

Les entreprises de taille petite ou moyenne sont délaissées par les grandes banques qui tendent à ne traiter que les transactions d’importance. Ces entreprises n’ont que rarement accès, auprès des acteurs majeurs, à des services de fusions et acquisitions, de restructuration des bilans, de dette privée, de financements structurés ou de private equity. Notre expérience de banquiers d’affaires et de banquiers privés, ajoutée à l’expertise développée au sein de Reyl depuis 2012, nous rapprochent des entrepreneurs et de la finance d’entreprise. La place existe pour un acteur crédible capable d’offrir des services de banque d’investissement à cette clientèle.

«Nos secteurs de prédilection sont l’hôtellerie,
l’immobilier, le luxe, les matières premières et la santé.»
Quel type d’entreprises visez-vous?

Nos secteurs de prédilection sont l’hôtellerie, l’immobilier, le luxe, les matières premières et la santé. Sur une base géographique multiple mais avec un intérêt pour les entreprises suisses qui ont besoin de soutien en matière de financement et de conseil et sont souvent laissées pour compte.

Cette activité présente-t-elles des opportunités de cross-selling?

Les synergies sont importantes. Une fois convaincu de la valeur ajoutée reçue au niveau de son entreprise, un client sera plus enclin à s’ouvrir en matière de gestion privée ou de produits d’investissement.

D’autres banques privées expriment des besoins de Corporate Advisory sans nécessairement avoir l’équipe nécessaire.

Il est parfaitement envisageable de nouer des partenariats avec d’autres banques locales et étrangères pour servir ces besoins.