Il n’y a pas encore de bulle dans l’IA

Salima Barragan

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L’enthousiasme sur une poignée de valeurs technologiques est justifié. Entretien avec Nadège Dufossé de Candriam.

Au vu des bonnes performances semestrielles sur les actions et les obligations, les experts ont écarté la réédition de 2022: une débâcle simultanée sur les deux actifs. Cependant, une poignée de titres technologiques liés à l’intelligence artificielle mène les deux tiers de la hausse boursière. Selon Nadège Dufossé, responsable de l'allocation d'actifs, l’engouement sur l’IA n’est pas une bulle pour le moment, car cet outil représente pour les entreprises un gain de productivité.

Malgré les incertitudes macroéconomiques, pourquoi un recul simultané sur les actions et les obligations ne se répètera-t-il pas cette année?

La débâcle de 2022 ne s’est pas produite durant le premier semestre: les deux classes d’actifs enregistrent des performances positives. L’année a commencé sur une note pessimiste. Mais nous avons été positivement surpris par la croissance, révisée à la hausse. De plus, les doutes sur l’inflation se sont aussi dissipés; cette dernière s’étant décélérée.  Nous ne sommes plus surpris ou en retard sur le renchérissement. Enfin, les estimations sur les bénéfices sont en ligne avec les publications. Ces éléments ont constitué un contexte porteur sur les 6 premiers mois.

Après ce premier semestre meilleur qu’attendu, qu’attendez-vous concernant la seconde partie de l’année?

Nous ne pensons pas clore l’année avec des performances négatives sur les deux classes. Cependant, nous pourrions être déçus par la croissance économique en raison des précédentes révisions haussières. Le centre d’attention va se déplacer de l’inflation à la conjoncture. Notre scénario table sur un atterrissage en douceur. En d’autres termes, nous attendons une croissance modeste. Nous restons ainsi prudents sur les actions malgré l’évolution du Nasdaq et des indices japonais. La poursuite d’une évolution latérale du marché reste notre hypothèse centrale. Cependant, nous nous situons déjà en haut de sa bande de fluctuation, ce qui comporte un risque baissier.

Les investisseurs sont-ils démesurément optimistes?

Il y a eu un peu trop d’optimisme. Très rapidement.  Nous allons osciller entre cet enthousiasme et l’intégration de nouveaux éléments qui le modéreront. Dans notre scénario d’atterrissage en douceur, le déclin du marché sera limité et son point bas rapidement trouvé.

La partie obligataire pourrait-elle amortir le recul des actions?

En territoire positif, les obligations sont proches de nos objectifs sur les taux américains et allemands. À cet égard, nous rajoutons de la duration sur nos portefeuilles. Nous sommes également positifs sur l’Investment Grade et privilégions le portage. Une hausse du taux de défaut des papiers à haut rendement reste prévisible, mais nous n’attendons aucune grande vague. In fine, la partie obligataire pourrait effectivement protéger les actions.

Les performances des indices phares américains sont tirées par quelques titres en lien avec l’IA. Que cache cette polarisation?

Elle cache cinq ou sept actions responsables du ¾ de la hausse. D’ailleurs, les performances d’indices équipondérés tels que le SPI ou le Russell 2000 sont moins spectaculaires.

D’un côté, cette concentration du marché américain constitue une bonne nouvelle: il y a encore de la place pour un mouvement haussier élargi, mais pas avant l’horizon 2024 - 2025. De l’autre, si la croissance de ces quelques sociétés technologiques évolue en dessous des attentes, nous courrons un risque à court terme.

Le marché des actions européennes est-il également, d’une certaine façon, polarisé?

La technologie y est moins présente et les valorisations sont plus faibles. Cependant, le marché du Vieux-Continent est polarisé autour des GRANOLAS: une dizaine de grandes capitalisations boursières de la santé et de la consommation.

Les valeurs technologiques liées à l’IA entrent-elles en territoire de bulle?

Nous n’y sommes pas encore, même si les valorisations d’acteurs tels que NVIDIA atteignent des cimes. Elles ne sont aussi excessives que dans les années 2000. De plus, la croissance de ces sociétés est assurée. Bien que nous n’excluions pas de la volatilité autour de ces titres, nous restons persuadés que l’IA n’est pas un phénomène de mode en raison des gains de productivité auxquels les entreprises bénéficieront avec cet outil. À moyen terme, nous sommes positifs sur la technologie.

Quelle est votre stratégie d’investissement pour le second semestre?

Notre allocation oscille autour d’un poids neutre en raison d’une évolution horizontale des marchés actions. Nous sommes particulièrement prudents sur la Zone euro dont la partie cyclique a déjà bien intégré le rebond ainsi que la meilleure tenue de l’économie; une direction que nous n’envisageons pas. Ce marché, davantage cyclique et value, se trouve ainsi plus vulnérable à une décélération de l’activité.

En revanche, nous restons positifs sur les marchés émergents, car leur cycle économique est en décalage et leurs valorisations sont attractives. Dans le cas d’un ralentissement économique, ces derniers enregistreront une surperformance relative. Côté devises, nous sommes exposés aux monnaies émergentes ainsi qu’au yen.

Dans ce contexte peu favorable aux actions, protégez-vous vos portefeuilles?

Oui, les stratégies de couverture sur les actions sont particulièrement sensées, car la volatilité est redescendue à des niveaux raisonnables. Nous avons également une exposition sur l’or.

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