La crypto-vallée suisse espère une «réinitialisation» après la faillite de FTX

AWP

2 minutes de lecture

«FTX est un très mauvais incident pour notre secteur. Cela va nous ramener en arrière, au moins pendant un à deux ans», juge Mathias Ruch, le fondateur et patron de la société de capital-risque CV VC.

La crypto-vallée suisse – qui se veut la petite sœur de la Silicon Valley pour tout ce qui gravite autour de la blockchain – se prépare à des mois difficiles après le naufrage de FTX mais espère une «réinitialisation» pour repartir sur des bases saines.

Les start-up dans les crypto-actifs se sont multipliées, aidées par le pragmatisme du gouvernement fédéral qui a voulu encadrer les cryptomonnaies tout en faisant du pays un pionnier de la blockchain et des cryptoactifs pour le secteur financier.

La fiscalité avantageuse du canton de Zoug est un argument supplémentaire et on peut y payer ses impôts en bitcoin ou en ether.

Mais l’effondrement fin 2022 de la Bourse de crytomonnaies FTX, puis de la société de prêts en cryptomonnaies Genesis, ont fait souffler un vent de panique sur le secteur, même si depuis les cryptomonnaies ont commencé à se redresser.

«Il s’est passé beaucoup de choses en 2022», retrace Dirk Klee, le patron de Bitcoin Suisse, lors d’un entretien avec l’AFP, qui cite l’effondrement du jeton stable Terra Luna, la faillite de la plateforme de placements en cryptomonnaies Celsius et la liquidation du fonds Three Arrows Capital.

Ces chocs ont «exposé les faiblesses» de certaines entreprises dans un secteur «encore très jeune», mais «ce n’est pas dû à un défaut de la technologie, mais à une mauvaise gestion managériale», selon lui.

D’après une étude de la Banque des règlements internationaux, quelque 450 milliards de dollars se sont évaporés avec les secousses de marchés financiers déclenchées par Terra Luna, les pertes étant estimées à 200 milliards dans le sillage de FTX.

Retour en arrière

«FTX est un très mauvais incident pour notre secteur. Cela va nous ramener en arrière, au moins pendant un à deux ans», juge Mathias Ruch, le fondateur et patron de la société de capital-risque CV VC.

En 2022, quelque 1135 entreprises de cryptoactifs étaient installées en Suisse et au Liechtenstein voisin, selon une étude réalisée par CV VC.

Mais le nombre de licornes - les entreprises valorisées à plus de 1 milliard de dollars - a fondu à 9, contre 14 en 2021 et les emplois ont diminué de 4%, à 5766 postes. Fin janvier, Bitcoin Suisse, la première entreprise du secteur installée à Zoug, a d’ailleurs annoncé une compression d’effectifs.

Avec ce crypto-hiver, l’inquiétude porte surtout sur les financements. Mi-février, la plateforme Taurus est parvenue à lever des fonds auprès de grandes banques, dont Credit suisse et Deutsche Bank. Mais pour Jérôme Bailly, le co-président de l’Association de la crypto-vallée, la situation va être plus complexe pour «les petites start-up qui n’ont pas lancé des tours de financement assez long pour passer cette période difficile».

Créée en 2017, cette association vise à faciliter les échanges entre les entreprises, qu’elles soient basées à Zoug, où se concentrent les start-up dans la blockchain, dans le canton de Neuchâtel, davantage centré sur les cryptomonnaies, ou à Genève et Zurich, où dominent les projets pour le secteur bancaire.

Pour M. Bailly, les secousses actuelles ressemblent toutefois à l’éclatement de la bulle internet des années 2000, dont avaient finalement émergé des géants comme Google ou Amazon.

«On a exactement les mêmes cycles, accélérés par les énormes fraudes de 2022», selon M. Bailly, alors que la bulle sur les crypto-actifs a «dégonflé», parce que «tout avait beaucoup trop augmenté».

Le gendarme veille

«Je crois que nous allons assister à une réinitialisation majeure», a de son côté déclaré Emi Lorincz, la présidente de l’Association de la crypto-vallée, à l’AFP.

Le secteur se prépare à composer avec davantage de réglementation, les autorités de surveillance étant en train de durcir le ton.

D’après Darko Stefanoski, partenaire chez la société d’audit et de conseils EY, la Suisse est toutefois déjà sur «la bonne voie», la Finma, le gendarme suisse des marchés, ayant très tôt fixé des règles.

«Cela donne une sécurité aux entreprises, aux marchés et aux clients. Parce que les règles sont claires», souligne-t-il. La réglementation dans d’autres pays va encore apporter davantage de clarté, ce qui sera «bon pour la crypto-vallée», selon lui.

Pour Réda Aboutika, analyste chez X-Trade Brokers, «un vent glacial a soufflé sur toute l’industrie», mais ces secousses «ont peut-être été un mal nécessaire qui va permettre un assainissement du secteur», juge-t-il.

A lire aussi...