Perspectives 2023 pour le multi-actif

Olivier Van Haute, DPAM

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L’année s’annonce être en deux temps: premier semestre obligataire et second, actions européennes.

CORRELATIONS ACTIONS-OBLGATIONS

Le portefeuille classique 60/40 devrait faire face à sa plus mauvaise performance annuelle depuis plusieurs décennies. Le choc mondial de l’inflation en a été le principal responsable. Les corrélations actions-obligations sont devenues positives pour la première fois depuis plus d'une décennie.

Dans cette situation inhabituelle où tant les actions que les obligations perdent de la valeur, l'effet de diversification d'une stratégie multi-actifs n'a pas eu l’impact prévu. Alors, à quoi s’attendre pour les corrélations actions-obligations à l'avenir? Pour essayer d’anticiper, il faudra utiliser un modèle basé sur trois variables: le régime d'inflation actuel, le régime de production et le régime de politique monétaire. La variable clé pour 2023 sera donc l'évolution de l'inflation. Si l'inflation continue de baisser pour atteindre 5-6%, il se peut que les corrélations redeviennent négatives. Ce qui rendrait à nouveau attractifs les fonds multi-actifs.

CONTEXTE DE CROISSANCE RALENTIE

Cette année sera en deux temps. Au premier semestre, une légère récession en Europe et un ralentissement de la croissance aux États-Unis sont attendus. Cette situation pourrait éventuellement se transformer en une stabilisation et une reprise du marché au second semestre. À court terme, il faudra chercher des opportunités sur les marchés des obligations, car ils offrent des rendements attrayants dans cet environnement de croissance ralentie. Quatre classes d'actifs clés qui pourraient surprendre à la hausse cette année:

LES BONS DU TRESOR AMERICAIN

Le rapport risque/rendement est attrayant. Le seul bémol est la force du dollar américain. Les marchés s'attendent à ce que les taux directeurs américains culminent à environ 5% au deuxième trimestre 2023. Cependant, même si les taux américains à 10 ans augmentent encore de 1% par rapport à leurs niveaux actuels, il ne faudra qu'un peu plus d'un an pour récupérer les pertes subies, étant donné les rendements élevés des bons du Trésor actuellement. En revanche, si les taux se stabilisent aux niveaux actuels ou baissent encore, cela pourrait constituer une opportunité de revenu intéressante avec des rendements attrayants. Si la Fed signale qu'elle est prête à stabiliser les hausses de taux avant la BCE, cela pourrait entraîner une nouvelle dépréciation du dollar. Toutefois, compte tenu de la forte incertitude économique, le dollar ne devrait pas beaucoup se déprécier en 2023.

En moyenne, les banques centrales des marchés émergents ont procédé à un resserrement plus agressif que celles des marchés développés.
HAUT RENDEMENT À COURT TERME

Bien qu’il faille être prudents à l'égard du high yield dans son ensemble, auquel il faudrait préférer l’investment grade, sur le spectre à court terme (1-3 ans), il offre certaines opportunités. De nombreuses entreprises ont pu se refinancer à des taux d'intérêt attractifs en 2020 et 2021, de sorte que le «mur des échéances» est un gros défi pour 2025 et 2026. Les obligations high yield à court terme se négocient actuellement à un rendement maximal de 6,6%, ce qui offre un carry intéressant. Les spreads sont élevés, à 450 points de base, et couvrent déjà un cycle de défaut supérieur à la moyenne. Si les spreads devaient se resserrer, cela pourrait fournir un rendement supplémentaire.

DETTE EMERGENTE

La dette émergente a été confrontée à des sorties record cette année, les investisseurs recherchant des valeurs refuges dans un contexte d'inquiétude face à la force du dollar américain et au risque de défauts dans des pays tels que le Sri Lanka, la Russie, le Liban, la Biélorussie et le Suriname. Toutefois, cela représente une dernière opportunité pour les investisseurs obligataires, car la dette émergente offre actuellement un carry attractif de 5% au-dessus des Bunds. Cela s'explique notamment par le fait que de nombreuses banques centrales émergentes ont des fondamentaux plus solides que leurs homologues des marchés développés, car elles ont commencé à resserrer leur politique monétaire plus tôt dans le cycle. En moyenne, les banques centrales des marchés émergents ont procédé à un resserrement plus agressif que celles des marchés développés, et nombre d'entre elles ont déjà largement achevé leur cycle de resserrement alors que les prévisions d'inflation commencent à baisser. Outre ce carry attractif, la dette émergente offre également une faible corrélation avec les taux européens, à seulement 9,7%. Cela en fait un complément précieux à une stratégie multi-actifs bien diversifiée. Cependant, il est important de rester sélectif, certains pays d'Europe de l'Est et d'Amérique latine étant particulièrement attrayants, tandis que la prudence est de mise sur les marchés frontières tels que le Sri Lanka. Le plus grand risque pour les perspectives de la dette émergente est, bien sûr, le dollar américain et les devises émergentes, mais l'environnement devrait être favorable à ces dernières en 2023.

ACTIONS EUROPÉENNES ET PETITES CAPITALISATIONS

Si l'on considère les actions dans le cadre d'une stratégie multi-actifs, il faut rester prudents à court terme. Les attentes actuelles en matière de bénéfices sont encore trop optimistes, et nous n'avons pas encore assisté à une capitulation en termes de positionnement. À court terme, il faut surveiller la résilience des marges, les dividendes et la solidité des flux de trésorerie. Par conséquent, en termes d'allocation régionale, il y a une légère préférence pour les actions américaines à court terme, et ce, malgré des valorisations élevées en termes absolus et relatifs, car les entreprises américaines présentent les marges les plus élevées et le levier opérationnel le plus faible de toutes les régions. En outre, les perspectives de l'économie américaine sont meilleures et le pic d'inflation devrait être derrière nous. De plus, la structure du marché des actions américaines est plus orientée vers les valeurs défensives et de croissance, qui devraient surperformer en cas de ralentissement. Toutefois, au cours de l’année, les marchés actions pourraient atteindre leur point le plus bas lorsque les incertitudes liées à la récession s'estomperont et que le cycle de resserrement monétaire prendra fin. C’est pourquoi il faudrait tendre vers cette classe d'actif au cours du deuxième semestre, étant donné leurs faibles valorisations et leur nature plus cyclique.

Plus en détail, les petites capitalisations, qui ont considérablement sous-performé les grandes capitalisations en 2022, pourraient offrir de belles opportunités. Les petites capitalisations sont généralement plus cycliques et plus axé sur les marchés domestiques que les grandes capitalisations. Dès lors, elles ont tendance à sous-performer lorsque la croissance ralentit et que les indices PMI baissent. Et il y aura très probablement une nouvelle baisse au premier trimestre, car les prévisions de bénéfices continuent d'être revues à la baisse. Compte tenu de leur forte sous-performance, il se peut qu’elles intègrent déjà une grande partie de ce ralentissement. De plus, les petites capitalisations surperforment généralement les grandes capitalisations en phase de reprise. En anticipant une décélération de l'inflation en 2023 et de moindres incertitudes liées à la récession vers le second semestre de l'année, cela devrait créer un environnement favorable à leur surperformance. À court terme, toutefois, il faudrait se concentrer sur la solidité des bilans et des flux de trésorerie, et se méfier des entreprises qui ont des frais élevés en termes de personnel ou de taux d’intérêt.

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