La Grande-Bretagne a-t-elle pu éviter une crise financière?

Steven Bell, Columbia Threadneedle Investments

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Tout nouveau chancelier doit gagner en crédibilité auprès des marchés financiers. Kwasi Kwarteng a pris un très mauvais départ à cet égard.

Les politiques britanniques sont confrontés à trois problèmes majeurs: une inflation élevée et des déficits budgétaires et extérieurs excessifs. Et tout cela sur fond de faiblesse politique.

Commençons toutefois par la volte-face concernant les taux d'imposition plus élevés. Cela réduira la détérioration prévue du déficit budgétaire, mais ce n'est qu'une maigre consolation. Le chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng a chiffré les coûts à seulement 2 milliards de livres. Il doit encore convaincre l'Office for Budget Responsibility (OBR) qu'il a un plan pour ramener le déficit budgétaire sur une trajectoire durable, malgré l'annulation de certaines hausses d'impôts prévues précédemment. Cela ne sera pas facile.

Les finances publiques s'étaient déjà détériorées avant le budget critiqué de Kwasi Kwarteng. Son plan visant à limiter les dépenses en espèces sonnantes et trébuchantes et à permettre à l'inflation de faire pression sur les dépenses en termes réels ne sera pas facile après 12 ans de gouvernement conservateur. La tentative de réduire les taux d'imposition plus élevés au milieu d'une crise du coût de la vie a été un désastre politique. Cela rend la réduction des dépenses sociales encore plus difficile. Il sera donc difficile de convaincre l'OBR de soutenir son plan. Difficile, mais pas impossible.

D'autres fluctuations en perspective

La première victime sera l'investissement public. Il est plus facile d'annuler les plans de construction d'un nouvel hôpital ou d'une école que de réduire les dépenses courantes. Et il y a quelques bonnes nouvelles pour les finances publiques. L'emploi continue de progresser au Royaume-Uni, ce qui est une bonne nouvelle pour les recettes fiscales et le financement des allocations de chômage. Il est vrai que le rythme de l'amélioration avait ralenti, probablement parce que les entreprises et les consommateurs étaient tous deux effrayés par la perspective d'une énorme augmentation des factures d'énergie cet hiver. Le plafond de prix d'urgence a dissipé ces craintes.

Le plafond des prix permettra également de contenir l'inflation, ce qui signifie une augmentation moins importante des cotisations de sécurité sociale et des paiements moins élevés pour les obligations d'Etat indexées. Le risque de récession a également diminué grâce au programme d'allègement massif annoncé par l'Allemagne - le plus grand marché d'exportation de la Grande-Bretagne en Europe.

Mais Kwasi Kwarteng aura aussi besoin de la chance de son côté. Le plan visant à limiter la facture énergétique annuelle moyenne à 2’500 livres est le bienvenu. Cela a permis d'éviter une augmentation estimée à 3’000 livres de la facture énergétique des ménages, ce qui aurait été inabordable pour beaucoup, si ce n'est la plupart. Toutefois, le gouvernement reste avec une facture illimitée qui dépend principalement du prix du gaz sur le marché. Ce prix est toujours très élevé, mais il a baissé malgré les craintes, non encore confirmées, d'actes de sabotage russes sur les lignes d'approvisionnement. Un hiver chaud et venteux, non seulement au Royaume-Uni et en Europe, mais aussi en Asie, serait utile.

L'Allemagne agit sur les coûts de l'énergie

Le nouveau plan audacieux du gouvernement allemand sera également utile. Les détails ne sont pas encore connus, mais les coûts en pourcentage du PIB sont au moins aussi élevés qu’au Royaume-Uni, et nous pensons que les ménages allemands auront des factures légèrement moins élevées que les ménages britanniques. Une grande différence réside dans le fait qu'apparemment, seuls les 75 premiers % d'une facture seront très bon marché par rapport à la consommation antérieure, tandis que le reste aura un prix marginal beaucoup plus élevé. Ce sera une grande incitation à réduire la consommation et contribuera à faire baisser les prix de gros du gaz pour tous, y compris pour le Royaume-Uni. En effet, c'est un plan intelligent.

Un énorme déficit de la balance des paiements courant

Des prix du gaz plus bas contribueraient également à résoudre l'autre problème majeur du Royaume-Uni, à savoir le déficit massif de la balance courante, qui a atteint un niveau record au cours des trois premiers mois de cette année. Il s'est quelque peu amélioré au cours des trois mois suivants, mais il reste énorme. Les intérêts sur les intérêts augmentent, et la situation va encore empirer avant de s'améliorer. La facture du gaz importé représente une charge supplémentaire. En outre, dans le cadre de l'accord de sortie, la Grande-Bretagne verse tous les trois mois 2,5 milliards de livres à l'UE. Le déficit de la balance des paiements courants pourrait atteindre le chiffre vertigineux de 10 % du PIB pendant l'hiver. Cela ne manquera pas d'inquiéter les marchés financiers et les agences de notation.

La crédibilité sera déterminante

Tout nouveau chancelier doit gagner en crédibilité auprès des marchés financiers. Kwasi Kwarteng a pris un très mauvais départ à cet égard. La semaine dernière, la Banque d'Angleterre a dû intervenir pour mettre fin au cercle vicieux des obligations d'Etat à long terme et a clairement indiqué qu'une forte hausse des taux directeurs était imminente. Nous en arrivons ainsi à la prochaine crise du gouvernement britannique - la baisse des prix de l'immobilier.

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