Le défi de la stagflation

Salima Barragan

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«Les banques centrales ne peuvent pas imprimer du gaz», ironise Lyndon Man d’Invesco.

Allons-nous rentrer dans le cercle vicieux d’une inflation galopante conjuguée à un ralentissement? Lyndon Man, gestionnaire de portefeuilles chez Invesco estime que «plus l'inflation reste élevée, plus le marché va devancer les banques centrales et les amener à renforcer leur discours hawkish». Cependant, leurs politiques monétaires s’avéreraient insuffisantes pour dompter le renchérissement dans la mesure où il ne résulte pas d’une simple surchauffe de la conjoncture: «Les gouvernements ne peuvent pas réparer les chaines logistiques et les banques centrales ne peuvent pas imprimer du gaz», ironise-t-il. Entretien.

Quel est, selon vous, l'impact du choc inflationniste?

Les pressions actuelles ne correspondent pas à une inflation saine qui pourrait simplement être contrôlée par un resserrement des politiques monétaires. Telle qu’un renchérissement plus élevé qui proviendrait de salaires supérieurs alimentés par une croissance au-dessus de la tendance. Est-ce que l'augmentation des taux permet d'ajuster la hausse considérable du prix du gaz naturel? En d'autres termes, les gouvernements ne peuvent pas réparer les chaines logistiques et les banques centrales ne peuvent pas imprimer du gaz. Au contraire, ce type d'inflation agit comme une taxe sur le consommateur et réduit son pouvoir d'achat, ce qui est négatif pour la croissance et désinflationniste à moyen et long terme. Elle représente un défi pour la reprise mondiale.

Comment analysez-vous les politiques plus hawkish des banques centrales?

Jusqu'à ce que le renchérissement atteigne un pic, elles vont adopter un ton plus agressif qui consiste en des taux plus élevés pour gérer – voire supprimer- les attentes d'inflation qui, si elles ne sont pas contrôlées, augmenteront les probabilités d’une récession. En fait, les banques centrales cherchent à gagner du temps lorsqu'elles voient les prix culminer, afin de normaliser leur politique, plutôt que de risquer de durcir excessivement les conditions et de devoir les assouplir peu après. Le problème est que plus l'inflation reste élevée, plus le marché va devancer les banques centrales et les amener à renforcer leur discours hawkish.  

Lorsque la stagflation se concrétisera, les actifs sensibles à la duration et de haute qualité surperformeront, tandis que les segments les plus risqués ainsi que les marchés émergents sous-performeront.
Le monde peut-il supporter des taux d’intérêt plus élevés?

Le tableau à long terme demeure celui d'une stagnation séculaire, compte tenu des tendances structurelles liées à la démographie, des perturbations et surtout de l'endettement, car la dette mondiale est insoutenable par rapport aux niveaux de croissance. Elle se situe actuellement autour de 250%. Le monde, surendetté, est donc vulnérable à des taux plus élevés. Toutefois, même si ce n'est pas le cas à court terme, le contexte actuel de stagflation signifie non seulement une inflation significative, mais aussi un ralentissement de la croissance, en raison d’une dégradation de la consommation qui est désinflationniste, et d’un durcissement des conditions monétaires. Cela suggère que nous entrons dans les dernières phases du cycle économique qui voit généralement les revenus fixes, c'est-à-dire les obligations d'État et les crédits de haute qualité, surperformer les classes d'actifs plus risquées comme les actions.

Quelles sont vos perspectives sur le crédit pour le second semestre?

Lorsque la stagflation se concrétisera, les actifs sensibles à la duration et de haute qualité surperformeront, tandis que les segments les plus risqués ainsi que les marchés émergents sous-performeront.

Cela dit, certaines poches risquées comme la dette subordonnée bancaire affichent déjà des valorisations de récession, ce qui, pour les investisseurs sensibles à la valeur, représente une opportunité attrayante dans une perspective de portage.

Un dernier mot sur le crédit en Chine?

En Chine, la PBoC se distingue des autres banques centrales développées par son cycle d'assouplissement. Si la croissance devait être mise à mal au premier semestre 2022, nous prévoyons un rebond lors de la seconde partie de l'année, grâce à la combinaison de mesures fiscales et monétaires, contrairement à de nombreux marchés  occidentaux. Les valorisations des obligations IG chinoises offrent toujours une amélioration décente des spreads par rapport à d'autres régions.

Le marché de l'immobilier physique en Chine continue de se détériorer, car les nouvelles fermetures dues au COVID-19 dans le cadre de la politique du «zéro COVID» constituent des obstacles supplémentaires aux ventes de biens immobiliers. Cependant, les décideurs chinois font preuve de fermeté en proposant des programmes plus souples. En mai, ils ont abaissé le Loan Prime Rate. Le taux hypothécaire pour les acheteurs d'un premier logement a aussi été réduit. Les régulateurs chinois ont également annoncé un projet pilote qui vise à utiliser des swaps de défaut de crédit et des warrants d'atténuation du risque afin d’aider certains promoteurs privés à retrouver des canaux de refinancement onshore. Pour l'avenir, nous prévoyons de nouvelles divergences au sein du secteur immobilier chinois. Les obligations de haute qualité devraient générer des rendements décents à moyen terme grâce aux valorisations actuelles, tandis que les valeurs les plus faibles pourraient continuer à faire l'objet de titres négatifs.