La croissance pour Helvetia mais pas à tout prix

Philippe Rey

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La préservation d’une solide solvabilité et la focalisation sur la gestion des marges sont deux axes essentiels pour le groupe, selon la CFO Annelis Lüscher Hämmerli.

Une croissance rentable et une capitalisation durablement forte soutiendront la progression future des dividendes pour le groupe d’assurances Helvetia. Ce dernier renforce ses positions en Suisse et en Europe, ainsi que dans des niches sélectives et l’assurance en ligne avec Smile. Entretien avec Annelis Lüscher Hämmerli, la directrice financière du groupe basé à Saint-Gall.

Helvetia reste-t-il sur la voie qui lui permettra d’atteindre ses objectifs 20,25, vu un contexte économique et géopolitique plus difficile qu’en 2021?

Le groupe demeure en ligne avec ses objectifs d’ici à 2025, soit un rendement du capital propre de l’ordre de 8% à 11%, un ratio combiné (ndlr: frais de gestion et coûts des sinistres rapportés aux primes) net de 92% à 94% dans les affaires non vie, une marge sur les nouvelles affaires dans l’assurance vie et prévoyance comprise entre 2% à 3% ainsi que des revenus issus des commissions et services supérieurs à 350 millions de francs.

Quel est l’impact de l’inflation sur le bilan et les coûts du groupe?

Une remontée des taux d’intérêt nous est favorable d’un point de vue économique, en permettant de réinvestir à des rendements plus élevés les capitaux à l’actif du bilan. Helvetia accroît par ailleurs son efficience, avec pour objectif d’ici 2025 des gains de 100 millions de francs. 39 millions ont déjà été atteints l’an dernier. Nous procédons constamment à des adaptations, afin de maintenir nos marges. En agissant à la fois sur les revenus, sur la qualité du rendement des primes d’assurance encaissées et sur les coûts. Et tout en portant une attention particulière à l’évolution de l’inflation et à celle des catastrophes naturelles.

Une grande part des actifs immobiliers du groupe se situe en Suisse et se compose en premier lieu d’habitations, un marché sur lequel l’offre et la demande jouent un rôle en plus des taux d’intérêt.
La marge de solvabilité SST (Swiss Solvency Test) du groupe s’est élevée au 1er janvier 2022 à 260% contre 193% un an plus tôt. Résiste-t-elle bien dans le contexte actuel?

C’est le cas. Une remontée des taux d’intérêt est plutôt positive en ce qui concerne les placements obligataires et autres titres à revenu fixe, alors que les garanties et le taux d’intérêt technique ont été graduellement abaissés dans les affaires vie et prévoyance. En revanche, l’effet est négatif s’agissant des actions et autres placements proches. Par ailleurs, une stabilité reflète les placements dans l’immobilier. Une grande part des actifs immobiliers du groupe se situe en Suisse et se compose en premier lieu d’habitations, un marché sur lequel l’offre et la demande jouent un rôle en plus des taux d’intérêt.

Les taux SST de 275% en vie et de 321% en non vie, de même qu’un capital supportant le risque de 11,7 milliards de francs au début de 2022, laissent penser que Helvetia s’avère plutôt surcapitalisé…

Conserver une marge de sécurité en la matière est nécessaire, en particulier vis-à-vis des clients institutionnels. Car ceux-ci doivent avoir confiance dans la capacité d’un assureur à procurer une sécurité financière et à pouvoir couvrir des sinistres importants. Les problèmes actuels, à savoir l’inflation, les perturbations des circuits d’approvisionnement, dont ceux de l’énergie, la guerre en Ukraine et le risque de récession, plaident pour le maintien d’une solvabilité robuste.

Helvetia vise des versements de dividendes attractifs et stables. Quid des rachats d’actions?

L’objectif premier est de verser chaque année un dividende pérenne dont le montant absolu augmente ou qui est pour le moins stable. Helvetia conserve une solide capacité économique à payer des dividendes. Cette capacité se montait à 0,8 milliard de francs au 1er janvier 2022. Quant à un rachat d’actions, c’est une alternative que nous devons comparer à d’autres en matière de croissance organique ou de croissance externe. Notre but est d’allouer le capital le mieux possible, afin d’obtenir le meilleur risque-rendement.

Les specialty lines, ainsi que la réassurance active s’avèrent également attractifs sur des marchés qui continuent de se durcir.
A cet égard, l’acquisition de l’assureur Caser en Espagne est-elle un bon investissement?

Nous avons payé un prix raisonnable: une fois la valeur nette des actifs, donc sans goodwill. De plus, Caser dispose d’un excellent management, tout en possédant un bon pricing power (ndlr: un pouvoir de fixation des tarifs), à l’image de Helvetia en Suisse. Ce rachat a permis de renforcer la position du groupe en Espagne et d’appartenir désormais au «top ten» sur ce marché. Notre stratégie d’acquisitions n’a pas changé. Nous restons ouverts à des opportunités sur nos différents marchés, dont l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, mais de manière ciblée et disciplinée. Helvetia demeure aussi intéressé à acquérir du savoir-faire, c’est-à-dire à reprendre des équipes de spécialistes, notamment dans les domaines de la réassurance active et des assurances de spécialités ou sur-mesure (specialty markets), qui comprennent entre autres les segments engineering, transport et art.

Quels sont les meilleures possibilités de croissance organique en ce moment?

L’assurance directe en ligne Smile en Suisse et l’activité B2B2C constituent deux axes porteurs. Les specialty lines, ainsi que la réassurance active s’avèrent également attractifs sur des marchés qui continuent de se durcir. Et qui comportent des cycles semblables. Nos affaires specialty markets, des niches par excellence, notamment en France où Helvetia se révèle assureur numéro deux sur la branche maritime et transport, se caractérisent par une bonne diversification géographique; ce qui est bénéfique du point de vue de la solvabilité économique.

Vous voulez multiplier l’offre d’assurances en ligne au moyen du modèle d’affaires numérique de Smile. Pourquoi l’Autriche après la Suisse?

L’internationalisation de Smile, qui est devenue une marque life style, doit s’effectuer de manière rentable en Europe en visant une position de leader. Or l’Autriche est un marché que nous considérons comme moins intense en termes de concurrence en ligne que l’Allemagne par exemple. Nous voulons croître avec ce modèle d’affaires mais de manière disciplinée. Sans perdre de vue que le ratio combiné net de Smile a atteint en Suisse près de 90% en moyenne durant la période 2016-2021.

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