Le marché du haut rendement à la lumière du COVID-19

Communiqué, La Française

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Il semble que le retour à une activité normale ne puisse être envisagée avant des mois, voire des trimestres.

© Keystone

A ce jour, près de 2 millions de personnes ont été testées positives au COVID-19 et le nombre de décès dépasse les 120'000 dans le monde. Les mesures de distanciations sociales semblent porter leurs fruits avec un ralentissement de la progression du virus en Europe et même aux Etats-Unis qui devient le pays le plus touché. Reste certains pays émergents qui inquiètent comme la Turquie, l’Inde ou le Brésil qui pourraient voir les nouveaux cas et nombre de décès progresser rapidement.

L’Europe et les Etats-Unis se projettent désormais dans les stratégies de déconfinement et il semble que le retour à une activité normale ne puisse être envisagée avant des mois, voire des trimestres.

LE COÛT ECONOMIQUE DE CETTE CRISE SANITAIRE

L’exercice est rendu encore plus difficile par la nature du choc inédit ainsi que le calendrier et les modalités de sortie du confinement. A mesure que le confinement s’étend, les prévisions concernant l’importance de la récession s’aggravent. Pour 2020, le FMI anticipe une récession de plus de 7,5% pour l’Europe, de 5,9% pour les Etats-Unis et de 3% au niveau mondial. Pour 2021, ce dernier prévoit une croissance de +4,7% pour l’Europe et les Etats-Unis et de 5,8% au niveau mondial.

Une chose est sure, le monde sera en récession profonde. Selon les systèmes sociaux nationaux et l’ampleur des politiques de soutien, les dettes publiques amortiront plus ou moins le choc mais les ménages et les entreprises ne seront pas épargnés.

LES BANQUES CENTRALES

Les banques centrales sont allées au-delà des actions prises lors des précédentes crises. Des mesures spectaculaires ont notamment été initiées par la Fed qui a augmenté son programme d’achat sur le marché secondaire («secondary market corporate credit facility»). L’investissement initial de 20 milliards de dollars sur les programmes primaires et secondaires a été ainsi augmenté à 75 milliards de dollars (source: FMI, avril 2020).

  • Les obligations notées BBB-/Baa3 au 22 mars 2020 et dont les notations se sont dégradées à BB-/Ba3 sont désormais éligibles aux achats de la Fed.
  • Les ETFs High Yield, initialement exclus, sont désormais éligibles si l’objectif du fonds est d’avoir une exposition aux marchés des obligations High Yield américaines. Cette annonce, bien qu’elle n’élimine pas les risques de défaut des sociétés américaines fragiles (B et CCC) reste très positive pour le marché du crédit en éliminant le risque majeur de dégradation des émetteurs BBB («fallen angels») et cantonnera une hausse généralisée des taux de défaut.
UN MARCHé HIGH YIELD SOUS TENSION

Les actifs risqués sont fortement pénalisés par la crise actuelle et en particulier le marché du High Yield très dépendant des données macroéconomiques et du niveau de solvabilité des émetteurs. Les spreads sur l’indice High Yield Global (source: BofAML, avril 2020) se sont écartés de plus de 400 pbs depuis début février. Les marchés émergents et américains ont été plus significativement impactés avec un écartement des spreads de l’ordre de 430 pbs et 550 pbs respectivement. Par ailleurs, les émetteurs les moins bien notés (B et inférieur) ont été naturellement plus touchés avec notamment un écartement des spreads de plus de 500 pbs pour le «B» contre 380 pbs pour le «BB».

L’inversion des courbes, avec la hausse anticipée des taux de défaut, a également accentué la sous-performance des obligations court-terme par rapport aux émissions plus longues. Cette inversion des courbes s’applique également aux émetteurs BB et Investment Grade.

Récemment, l’annonce de la banque centrale américaine de procéder à des achats de dettes High Yield a provoqué un rebond significatif des valorisations.

DES DéEFAUTS à VENIR … ET DES OPPORTUNITéS

Les défauts sont pour l’heure contenus, ils sont cependant attendus en hausse

Il ne fait aucun doute que les taux de défaut vont augmenter à moyen terme versus le niveau actuel de 2% (source des défauts: BofAML, mars 2020). Toute la question est de savoir de combien?

De notre point de vue, la hausse des défauts ne sera pas aussi violente et homogène qu’anticipée par les agences de notations dont les plus pessimistes tablent sur 18% sur les 12 prochains mois (source: S&P et Moody’s, mars 2020). Nous pensons que la hausse des défauts sera plus modérée car les besoins de refinancement des entreprises sont plus faibles que lors des précédentes crises (2001 et 2008, source: BofAML, mars 2020)  surtout en Europe et parce que les mesures de soutien des gouvernements et des banques centrales ont été plus rapides et plus ciblées. Ce constat doit toutefois être nuancé selon les zones géographiques.

Ainsi:

  • Nous pensons que les émergents (qui affichent actuellement le taux de défaut le plus faible, en dessous de 1%) seront les plus impactés (notamment l’Amérique Latine et le Moyen-Orient) compte tenu du poids du secteur énergétique dans ces régions, des déséquilibres budgétaires et des besoins importants de refinancement en dollar dont le coût a significativement augmenté.
  • Nous estimons que le marché du High Yield américain sera aussi impacté en raison de son exposition aux secteurs de l’énergie et de la consommation cyclique.
  • Le marché européen devrait être moins affecté par sa plus faible exposition aux secteurs de l’énergie, des loisirs et du voyage (5%) et par des mesures de soutien plus larges.
  • De manière plus globale, les émetteurs de grandes tailles en Europe et aux Etats-Unis devraient bénéficier des mesures de soutien des gouvernements et des banques centrales (cas de la Fed plus haut), ce qui pourrait limiter la propagation et les hausses massives des défauts dans ces 2 zones contrairement aux pays émergents.
Capter les opportunités

Les problèmes de liquidité qui ont amplifié la baisse des marchés ainsi que la probable vague de dégradation de sociétés de notation Investment Grade à High Yield («fallen angels») qui commence à affecter les facteurs techniques en apportant des flux supplémentaires sur le marché du High Yield (le premier trimestre 2020 a connu le plus important volume de «fallen angels» jamais enregistré) créent cependant des opportunités intéressantes, en particulier sur les émetteurs européens et américains de bonne qualité.