Réformes de la gouvernance d’entreprise au Japon

Daryl Liew, SingAlliance

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Ces dernières années, le Japon a entrepris d’importantes réformes de la gouvernance d’entreprise afin d’accroître la transparence, la responsabilité et les droits des actionnaires.


Traditionnellement, les entreprises japonaises étaient caractérisées par le modèle keiretsu, un réseau de sociétés à actionnariat croisé qui réduisait la concurrence mais favorisait la stabilité à long terme. Cependant, ce système a nui à la transparence et à la création de valeur pour les actionnaires, contribuant à la stagnation économique des années 1990.

Les réformes des entreprises japonaises ont commencé avec l’introduction du code de gouvernance d’entreprise en 2002. Ce code fournissait des lignes directrices volontaires pour améliorer les pratiques de gouvernance, en mettant l’accent sur la transparence, les droits des actionnaires et l’indépendance des administrateurs. En 2015, le code de gouvernance d’entreprise a été révisé pour exiger des entreprises qu’elles nomment au moins deux administrateurs indépendants et qu’elles divulguent leurs pratiques de gouvernance d’entreprise. En complément, le Stewardship code introduit en 2014, encourageait les investisseurs institutionnels à s’engager activement auprès des entreprises afin d’assurer une meilleure gouvernance et de protéger les intérêts des actionnaires.

Les changements tangibles ont mis du temps à se concrétiser jusqu’à l’initiative de la Japan Exchange Group (JPX) en 2024 consistant à nommer publiquement les entreprises ne respectant pas les standards du Code de gouvernance d’entreprise. Cette stratégie de «naming and shaming» vise à responsabiliser les entreprises en créant un risque de réputation pour celles qui ne divulguent pas leurs plans d’amélioration de la valeur actionnariale. Cette mesure a eu un certain succès , puisque de plus en plus d’entreprises japonaises annoncent désormais des plans visant à augmenter les rendements pour les actionnaires. Il en a résulté une amélioration du rendement des fonds propres (ROE) et une progression des valorisations comptable (price-to-book).

En août 2023, le Japon a également révisé ses lignes directrices en matière de fusions et acquisitions (F&A), en restreignant certaines tactiques de défense et en avertissant les entreprises que les offres crédibles doivent être examinées dans l’intérêt des actionnaires. Cela a significativement transformé le paysage des F&A au Japon, les entreprises se montrant plus réceptives à l’activisme actionnarial et aux investissements étrangers.

Un exemple marquant est celui de Seven & I Holdings, la maison-mère de Seven-Eleven Japan, qui a fait l’objet en 2024 d’une offre de rachat par Alimentation Couche-Tard, L’exploitant canadien des magasins de proximité Circle K. Bien que cette offre ait été perçue comme une opportunité de rationaliser ses activités, elle a été rejetée par la famille fondatrice Ishida, réticente à céder le contrôle de l’entreprise. Cette tentative de rachat a néanmoins déclenché une restructuration majeure de Seven & I, avec la nomination d’un nouveau PDG chargé de superviser la cession des actifs sous-performant, la cotation de ses activités américaines et un rachat d’actions. Reste à voir si ces initiatives mèneront à une réévaluation de l’entreprise et à une éventuelle augmentation du prix de l’offre de Couche-Tard.

Un autre événement marquant fut le récent échec de la tentative de fusion entre Honda et Nissan. Les deux constructeurs, confrontés à des difficultés financières et à une concurrence chinoise croissante, ont envisagé une fusion pour réduire leurs coûts et stimuler l’innovation. Cependant, l’opération a échoué en raison de désaccords sur la gouvernance et sur le contrôle. Honda n’a pas voulu renoncer à son indépendance, soulignant les difficultés à concilier les réformes de gouvernance avec la culture d’entreprise traditionnelle japonaise.

Après une performance relativement solide en 2023 et 2024, l’indice Nikkei affiche une baisse de 2,4% depuis le début de l’année, sous-performant la plupart des marchés développés, en partie à cause de la force du yen. Le Nikkei se négocie à un ratio cours/bénéfice estimé pour l’exercice 2026 de 18,4x, avec un ROE de 10,4%, inférieurs à ceux du S&P500 (20,5x; 19,4%). Les progrès continus en matière de gouvernance d’entreprise pourraient améliorer la rentabilité et fournir de nouveaux éléments favorables à une réévaluation positive du marché.

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