Universités américaines: feu vert aux cessions

Jeffrey Diehl, Adams Street Partners

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Sous la pression réglementaire, les universités américaines désinvestissent massivement du private equity, ouvrant une fenêtre rare sur le marché secondaire.

©Keystone

 

Alors que les droits de douane ont dominé l’actualité, ils n’ont pas provoqué de tensions majeures sur les portefeuilles de private equity ni sur leurs investisseurs. En revanche, quatre propositions sans précédent émanant du gouvernement fédéral américain visant les universités créent une pression notable sur les fonds de dotation, historiquement parmi les plus grands allocataires en private equity. En conséquence, ces institutions cherchent à raccourcir la duration et à accroître la liquidité de leurs portefeuilles, notamment en revendant une partie de leurs investissements en private equity sur le marché secondaire.

Sous la menace réglementaire

La campagne de réélection de Donald Trump a promis de réformer les universités américaines, les accusant de ne pas protéger suffisamment la liberté d’expression, d’assurer la sécurité des étudiants, ni de garantir un débat politique équilibré et respectueux.

Peu après son entrée en fonction, son administration a proposé quatre mesures concrètes:

  1. Augmenter le taux d’imposition sur les revenus des grands fonds de dotation universitaires, de 1,4% jusqu’à potentiellement 21%, voire révoquer leur statut d’exonération fiscale.
  2. Réduire le plafond des subventions fédérales à la recherche pouvant être allouées aux frais généraux, de 60% à 15%.
  3. Faire supporter aux universités les pertes liées aux défauts de remboursement de prêts étudiants.
  4. Geler immédiatement les financements fédéraux, les réduire et scruter les financements étrangers, tant que les universités n’acceptent pas de répondre à une série d’exigences.

Les fonds de dotation cherchent à raccourcir la duration et améliorer la liquidité de leurs portefeuilles d’investissement.

Certaines universités poursuivent le gouvernement fédéral concernant la quatrième proposition, mais son issue reste incertaine. Il est également difficile de dire lesquelles de ces mesures seront effectivement mises en œuvre. Toutefois, ces propositions génèrent une incertitude considérable – voire de la panique – chez les dirigeants universitaires. En prévision du pire, ces derniers réduisent leurs dépenses, émettent de la dette, sollicitent des dons non affectés et puisent davantage dans leurs fonds de dotation.

Une opération complexe

Pour répondre à cette pression, les fonds de dotation cherchent à raccourcir la duration et améliorer la liquidité de leurs portefeuilles d’investissement. La tâche est délicate, car beaucoup ont adopté le modèle d’allocation d’actifs popularisé par David Swensen, ancien Chief Investment Officer de Yale. Ce modèle privilégie une forte exposition à des actifs illiquides, notamment le private equity. Aujourd’hui, environ 50% des 40 milliards de dollars du fonds de dotation de Yale sont investis en private equity. D’autres universités n’atteignent pas un tel niveau, mais leurs portefeuilles sont néanmoins significatifs. Or, le private equity vient de traverser trois années consécutives de faible liquidité cyclique.

Ces institutions font appel à des intermédiaires spécialisés pour vendre une partie de leurs actifs. D’après Bloomberg, Harvard vend actuellement 1 milliard de dollars de participations, et le Wall Street Journal rapporte que Yale cherche à céder jusqu’à 6 milliards de dollars de ses actifs en private equity. D’autres envisagent des démarches similaires pour faire face aux incertitudes réglementaires.

Vers un changement structurel?

En plus de quarante années d’expérience dans le marché secondaire du private equity, le seul précédent à une telle pression de liquidité sur les fonds de dotation remonte à la crise financière mondiale. La différence notable aujourd’hui est que ce mouvement pourrait ne pas être simplement cyclique, mais structurel : une réduction durable de l’exposition des fonds de dotation au private equity.

Nombre de gestionnaires de fonds ayant levé des capitaux importants auprès des dotations redoutent désormais un trou majeur dans leur base d’investisseurs à venir, à un moment où la faible liquidité actuelle frustre déjà bon nombre d’investisseurs.

Des contraintes côté acheteurs

En période de stress, les vendeurs cherchent généralement à céder leurs fonds les plus qualitatifs, afin de limiter les décotes par rapport à la valeur nette d’inventaire (VNI). Or, ces fonds sont souvent gérés par des sociétés exigeant une approbation préalable pour toute cession de parts entre investisseurs, limitant ainsi le champ des acheteurs potentiels. Ces restrictions visent à conserver le contrôle sur la base d’investisseurs.

Les vendeurs doivent donc s’adresser à des acheteurs approuvés, capables de conclure rapidement et d’offrir une visibilité transactionnelle.

De plus, les gestionnaires de fonds préfèrent généralement que les acheteurs sur le marché secondaire soient aussi des investisseurs primaires actifs dans leurs nouveaux millésimes, ce qui réduit leur dépendance future au marché. Cela donne un avantage concurrentiel aux sociétés secondaires qui investissent déjà dans les fonds concernés, face aux acteurs purement secondaires.

Une opportunité attrayante

Les investisseurs souhaitant tirer parti de cette situation doivent déjà être investis dans un fonds secondaire encore en période d’investissement, ou identifier des fonds secondaires ouverts à de nouveaux investisseurs. Etant donné la discrétion dont disposent les gestionnaires pour approuver ou refuser les cessions, il est essentiel de privilégier les fonds secondaires ayant une activité LP active et une forte corrélation avec les portefeuilles des fonds de qualité mis en vente.

Les investisseurs capables d’accéder à ce type de véhicules se trouvent en position idéale pour profiter de cette opportunité d’achat potentiellement très attrayante.

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