Un monde en recomposition, des horizons à bâtir

Adrien Dumas & Marcelo Preto, Mandarine Gestion

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Dans un monde fragmenté, de nouvelles dynamiques s’installent, porteuses d’innovation, de souveraineté et d’élan.

 

Une guerre commerciale multipolaire

Depuis la présidence Trump, les Etats-Unis ont amorcé une rupture avec le multilatéralisme commercial. La guerre tarifaire sino-américaine a ouvert la voie à un tournant protectionniste généralisé. D. Trump a annoncé un programme de tarif universel de 10% sur l’ensemble des importations américaines. Le «Liberation Day» vise à réorganiser les chaînes de valeur vers les Etats-Unis sur une base politique plutôt qu’économique. Cette fragmentation croissante du commerce mondial s’accompagne d’une multiplication des «mini-blocs» économiques. La logique des alliances évolue désormais autour de considérations de sécurité technologique, de souveraineté énergétique ou de stabilité des approvisionnements critiques. La guerre commerciale n’est plus une rivalité sino-américaine: elle devient une reconfiguration globale des flux, dans laquelle la coopération est subordonnée à des rapports de puissance. Le commerce devient un outil d'influence et la politique industrielle un instrument central dans la nouvelle géoéconomie multipolaire.

La guerre en Ukraine, catalyseur d’un cycle de reconstruction

La guerre en Ukraine a déjà causé plus de 500 milliards de dollars de dommages directs aux infrastructures selon la Banque mondiale et les besoins de reconstruction sont estimés à plus de 1000 milliards sur dix ans. Les secteurs les plus impliqués incluent le bâtiment, l’énergie, les télécoms et la santé. Les entreprises du BTP, les producteurs de matériaux, ainsi que les équipementiers d’énergie sont bien positionnés pour bénéficier de cette demande cyclique. Les Etats-Unis, qui ont engagé plus de 70 milliards d’aide depuis 2022, souhaitent aussi peser dans la reconstruction. Leurs entreprises (ingénierie, infrastructures, technologies duales) cherchent déjà à capter des contrats clés. Et l’Europe voit une opportunité stratégique: intégrer l’Ukraine pour sécuriser ses chaînes d’approvisionnement, notamment en métaux critiques. Mais la faible visibilité sur l’issue du conflit freine pour l’instant le déploiement effectif des plans.

Deepseek et l’éveil de l’écosystème IA en Chine

L’émergence de Deepseek a relancé le débat sur la soutenabilité économique des investissements massifs consentis par les géants occidentaux (OpenAI, Meta, Google). Certains y voient un signal d’alerte: les rendements des LLM à grande échelle pourraient peiner à justifier les dizaines de milliards investis. Ce constat mérite toutefois d’être nuancé. Les hyperscalers continuent de déployer des budgets record (Microsoft 80 milliards de dollars en capex IA, Meta 68 milliards) et bénéficient d’effets de levier uniques (cloud, puces, data, intégration produit) que les challengers ne peuvent égaler. La dynamique enclenchée par Deepseek a agi comme un réveil en Chine, catalysant une mobilisation du secteur tech national longtemps en retrait sur l’IA générative. Malgré les restrictions d’accès aux puces américaines, ces groupes ont réussi à entraîner des modèles compétitifs, optimisés sur architecture locale. L’IA n’est donc plus un monopole transatlantique : elle devient un thème véritablement global, avec la Chine désormais pleinement engagée dans la course.

L’intelligence artificielle face au mur énergétique

Le déploiement massif de l’IA générative engendre une explosion de la demande énergétique. Microsoft prévoit d’investir 80 milliards de dollars sur un an pour construire de nouveaux centres de données dédiés à l’IA. Meta a revu à la hausse son budget d’investissement pour 2025 à 64-72 milliards, soit +83% par rapport à 2024. Ces infrastructures, très énergivores, exercent une pression croissante sur les réseaux électriques. Selon les projections de l’AIE, la consommation électrique des datacenters mondiaux pourrait tripler d’ici 2030, en partie à cause des modèles IA. Dans ce contexte, des gagnants émergent au sein des utilities, des équipementiers en refroidissement et des fournisseurs de GPU. Mais ce boom soulève aussi des défis de durabilité, de localisation des ressources et de coordination entre tech et utilities. L’IA ne redéfinit pas seulement les usages: elle redessine aussi la carte énergétique mondiale.

La renaissance du nucléaire

La montée en puissance de l’IA a bouleversé les équilibres énergétiques mondiaux, en créant une demande inédite en électricité bas-carbone, stable et abondante pour alimenter les centres de données. Après plus d'une décennie de désinvestissement, le nucléaire connaît un renouveau: les Etats relancent des programmes (Etats-Unis, France, Corée), les marchés revalorisent les acteurs existants et de nouveaux projets émergent autour du SMR. Le nucléaire coche toutes les cases: faible empreinte carbone, souveraineté technologique, production continue. Ce retour est aussi stratégique, dans un monde marqué par les tensions sur les approvisionnements énergétiques (Ukraine, Moyen-Orient, rareté du gaz). Ainsi, loin d’être un reliquat du passé, le nucléaire devient une clé de voûte de l’ère post-carbone.

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