
C’est maintenant ou jamais pour l’Europe.
Nous sommes à un moment où l’Europe doit réinventer son identité dans un monde nouveau, dans lequel elle est livrée à elle-même. Nous devons décider si nous voulons prendre la responsabilité de notre avenir ou laisser d’autres décider à notre place. Il est absolument crucial que l’Allemagne utilise sa marge budgétaire significative pour se réarmer et améliorer ses infrastructures. Si cela se produit, les perspectives de rendement pour l’Europe dans les années à venir pourraient s’avérer positives.
La possibilité d’un nouvel avenir fort pour l’Europe contraste fortement avec l’image qu’elle a renvoyée au cours des 15 dernières années. Durant cette période, nous avons économisé au maximum pour sauver le secteur bancaire et l’euro – qui était également remis en question au début de la dernière décennie. Après la crise financière, le secteur bancaire a dû augmenter sa base de capital et réduire ses prêts. En parallèle, nous avons délocalisé une grande partie de notre production industrielle vers la Chine. Ce faisant, nous avons affaibli le soutien à notre propre système politique. Mais aujourd’hui, les responsables politiques européens semblent comprendre dans quelle direction l’Europe doit aller – et ce nouveau cap entraînera de nouveaux besoins d’investissement.
Cette nouvelle voie consiste à réduire notre dépendance envers les États-Unis en matière de défense, à sécuriser notre approvisionnement énergétique de manière indépendante vis-à-vis de la Russie et des États-Unis, et à diminuer notre dépendance vis-à-vis de la Chine pour la chaîne de valeur industrielle. Par exemple, nous devons développer notre propre infrastructure pour les semi-conducteurs et rapatrier notre production industrielle – non pas sous forme de main-d’œuvre manuelle comme auparavant, mais sous forme de production automatisée, qui génère à son tour de nombreux emplois dans les services.
Il a fallu 20 ans pour démanteler notre propre chaîne de valeur, sous prétexte de main-d’œuvre bon marché. Mais aujourd’hui, 1) cette main-d’œuvre bon marché n’existe plus, et 2) nous ne pouvons pas nous permettre de nous retrouver dans une situation où l’approvisionnement est interrompu ou où la société est paralysée parce qu’un porte-conteneurs s’échoue dans le canal de Suez. Reconstituer cette chaîne de valeur et rendre l’Europe plus autonome prendra une génération entière. Mais c’est notre seule option. Et si cette spirale négative peut être brisée, les perspectives pour l’avenir de l’Europe, ainsi que pour les investissements dans la région, restent encourageantes.
Cette transformation doit également intégrer les objectifs dits d’inclusion sociale, qui figuraient parmi les plus de 170 recommandations formulées par l’ancien Premier ministre italien et président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, dans son récent rapport sur le renforcement de la compétitivité européenne. Une croissance basée uniquement sur la hausse des prix des actions et de l’immobilier n’est plus durable. La croissance doit aussi comporter une dimension sociale, qui réduise les inégalités et améliore le bien-être de tous les Européens – sinon, nos systèmes de protection sociale ne survivront pas.
Il est compréhensible que les évolutions actuelles suscitent des inquiétudes. Cependant, l’histoire économique récente montre que les périodes de tension peuvent être porteuses de transformations positives. Alors qu’au sommet d’un cycle économique, la tendance est à la continuité, les phases de crise – comme celle de 2008 – ont souvent déclenché des réformes profondes. Aujourd’hui, le système bancaire européen est considérablement renforcé et a démontré à plusieurs reprises sa résilience. Cela constitue une base solide pour relever les défis actuels – et laisse entrevoir un potentiel favorable pour les investissements à long terme en Europe.