L’annonce par Donald Trump d’une baisse des prix des médicaments aux Etats-Unis secoue l’industrie pharmaceutique qui, sans certitudes sur le contenu et la nature du plan américain, se perd en conjectures.
Que s’est-il passé depuis l’annonce de Trump?
Le président américain a annoncé lundi un plan pour baisser les prix des médicaments sur ordonnance aux Etats-Unis pour les aligner sur les prix les plus bas pratiqués ailleurs dans le monde.
L’objectif ambitieux de réduire les prix de 50 à 80% a fait tituber les actions de grands groupes pharmaceutiques quelques heures lundi mais le secteur, considéré comme défensif en raison de la demande stable pour les traitements médicaux, a depuis repris du poil de la bête.
Ce qui n’a pas été le cas des «Pharmacy Benefit Managers», des intermédiaires comme CVS Health, Cigna ou UnitedHealth qui négocient les prix des médicaments aux Etats-Unis avec les fabricants et sont souvent critiqués pour leur manque de transparence dans la fixation des prix et les remises obtenues.
UnitedHealth a subi un revers mardi à Wall Street après avoir annoncé suspendre ses prévisions annuelles en raison d’une hausse brutale des coûts médicaux et le départ de son patron Andrew Witty pour «raisons personnelles» entraînant dans son sillage l’ensemble des acteurs de l’assurance-santé.
Pour Kathleen Brooks, directrice de la recherche du courtier XTB, «les perspectives des actions pharmaceutiques dépendent entièrement de Donald Trump en ce moment», ce qui fait de la santé «le nouveau secteur à risque».
A quoi peut-on s’attendre?
«Aujourd’hui, on n’a que très peu de visibilité sur les segments qui seront impactés par la mesure de Donald Trump, quel type de médicament ou quel type d’assurance», observe Oscar Haffen Lamm, expert en santé chez Bryan Garnier.
L’’assurance-santé publique des plus de 65 ans, «Medicare», sera-t-elle seule concernée ou également le programme public d’assurance santé pour les Américains aux revenus modestes Medicaid? Les médicaments de tous les citoyens sont-ils visés?
Les spécialistes du secteur se demandent aussi comment sera calculé l’objectif de prix attribué aux médicaments sélectionnés et si des médicaments seront exemptés.
«Avant de savoir ça, on ne peut pas vraiment prédire l’impact qu’aura la mesure sur le marché pharmaceutique,» observe M. Haffen Lamm.
Mais, poursuit-il, «comme 50% du chiffre d’affaires en volumes de ventes est réalisé aux Etats-Unis, une réduction des prix sur le marché américain entraînerait logiquement une diminution de la valeur économique de l’industrie pharmaceutique à l’échelle mondiale».
En attendant plus de détails, «cela pourrait signifier que les importations pharmaceutiques aux États-Unis seraient soumises à des plafonnements de prix pour les consommateurs, plutôt qu’à des droits de douane, ce qui pourrait représenter une mauvaise nouvelle pour les revenus futurs des entreprises pharmaceutiques», abonde Kathleen Brooks.
Quel impact pour l’Europe?
Contrairement au Vieux Continent où les prix sont négociés par les gouvernements, aux Etats-Unis, les prix des médicaments sont fixés librement par les entreprises pharmaceutiques qui pratiquent des prix parmi les plus élevés au monde au motif qu’elles financent l’innovation.
Pour rééquilibrer l’écart de prix de part et d’autre de l’Atlantique, un scénario possible serait «de faire augmenter les prix des nouveaux médicaments qui seront lancés en Europe», esquisse M. Haffen Lamm.
Mais il n’est pas exclu non plus, selon lui, que les assureurs-santé, ce qu’on appelle «les middlemen ou PBM» portent à eux seuls le chapeau et «doivent peut-être payer».
Pour le professeur Wolfgang Greiner, titulaire de la chaire d’économie de la santé et gestion de la santé à l’Université de Bielefeld (Allemagne), «si les États-Unis ne prennent plus en charge une grande partie des coûts de recherche et développement, il faudra que quelqu’un d’autre le fasse».
Aux Etats-Unis, les prix des médicaments sont si élevés que «cela devra de toute manière être modifié d’une manière ou d’une autre, que ce soit au cours de cette législature ou d’une autre», estime-t-il.
Pour l’heure, «la mise en oeuvre de ce que Trump envisage (la diminution des prix de 80%) nécessiterait plus qu’un décret présidentiel - elle requerrait une décision du Congrès, laquelle serait probablement contestée en justice», affirme M. Haffen Lamm.