USA: la Fed ne juge pas les initiatives politiques, elle «s’adapte», selon Austan Goolsbee

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«Le travail d’une banque centrale c’est de surveiller et de s’adapter aux conditions, quelles qu’elles soient, et il y a des réformes politiques qui changent ces conditions», remarque le président de la Fed de Chicago.

La banque centrale des Etats-Unis doit adapter sa politique monétaire aux conséquences des décisions de pouvoir exécutif, «quelles qu’elles soient», remarque un de ses responsables dans un entretien mercredi avec l’AFP, tout en défendant l’indépendance de l’institution.

En cinq semaines, depuis son investiture, le président américain Donald Trump a annoncé une vague de nouvelles taxes sur les produits importés, poussé vers la sortie des dizaines de milliers de fonctionnaires ou encore exigé de la banque centrale, la Réserve fédérale (Fed), qu’elle baisse ses taux d’intérêt pour soutenir l’économie, sans succès néanmoins.

«Le travail d’une banque centrale, le travail de la Fed, c’est de surveiller et de s’adapter aux conditions, quelles qu’elles soient, et il y a des réformes politiques qui changent ces conditions», remarque auprès de l’AFP le président de la Fed de Chicago, Austan Goolsbee.

M. Goolsbee fait cette année partie des responsables qui se réunissent toutes les six semaines à Washington pour fixer le niveau des taux directeurs de la banque centrale.

Et, traditionnellement, ces responsables se gardent de commenter les initiatives des politiques.

«Il ne s’agit pas de dire que telle idée est bonne ou mauvaise», reprend M. Goolsbee, qui a été conseiller économique de l’ex-président démocrate Barack Obama.

«Si les parlementaires, le président, veulent des droits de douane, ils peuvent imposer des droits de douane. S’ils veulent diminuer les impôts, réduire les dépenses publiques... Tout ce qu’ils décident de faire, pour nous cela fait partie du contexte global de l’économie», ajoute-t-il.

«Nous devons nous contenter de réfléchir à des scénarios incluant des baisses de dépenses, d’impôts, de nouveaux droits de douane, mais encore une possible chute des cours de matières premières en cas de résolution du conflit en Ukraine. (...) Tous ces facteurs ont potentiellement un impact sur l’inflation et l’emploi», au coeur du mandat de la Fed.

«Nous sommes la main qui ne tremble pas, et le calme dans la tempête», illustre M. Goolsbee.

«Que les choses se stabilisent»

Les droits de douane sont au coeur de la politique économique et diplomatique de Donald Trump: il a déjà relevé de 10% ceux sur les produits chinois, a promis 25% pour ceux en provenance du Canada et du Mexique, cible aussi des secteurs spécifiques comme l’acier, l’aluminium, les automobiles, les médicaments...

Mercredi, il a annoncé vouloir imposer 25% de surtaxes sur les produits de l’Union européenne, sans donner de date.

La majorité des économistes s’attendent à ce que cela entraîne un regain d’inflation, alors que le pouvoir d’achat était eu coeur de la campagne du milliardaire républicain.

Tout l’enjeu pour les responsables de la politique monétaire sera d’évaluer si l’impact des nouvelles taxes sur les prix est transitoire, observe Austan Goolsbee, à la tête d’une Fed couvrant cinq Etats du Midwest, le coeur battant de l’industrie automobile américaine.

Pour cela, explique-t-il, il faut multiplier les entretiens avec des experts sectoriels, des chefs d’entreprise et autres acteurs de l’industrie «plutôt que d’avoir à attendre un mois ou un trimestre la sortie de données officielles».

Austan Goolsbe cite l’exemple d’un fabricant de sièges de voitures qui s’inquiète de surcoûts et se demande s’il sera en mesure de les répercuter à ses acheteurs.

Pour l’heure, selon lui, l’économie américaine est toujours «en bonne voie» pour revenir à la cible d’inflation de la Fed, qui est de 2%.

L’indice privilégié par l’institution est actuellement à +2,6% en rythme annuel, loin du record de +7,2% de juin 2022. Le chiffre pour janvier est publié vendredi.

Le président de la Fed de Chicago «continue à penser que d’ici 12 à 18 mois, les taux d’intérêt de la Fed», qui guident le coût des crédits des entreprises et particuliers, «pourraient être nettement plus bas qu’aujourd’hui».

Lors de sa dernière réunion en janvier, la Fed a laissé ses taux inchangés, dans une fourchette comprise entre 4,25% et 4,50%

A court terme, il faut «que les choses se stabilisent un peu» avant de baisser davantage les taux, estime le responsable.

Interrogé sur les pressions de la Maison Blanche pour aller plus vite, il souligne que «des économistes de tous bords» s’accordent à dire que l’indépendance d’une banque centrale «est extrêmement importante, ce qui veut dire que le gouvernement en place ne peut pas dire à la banque centrale comment fixer ses taux».

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