Régime de «licence FinTech»

Pierre-Olivier Etique, FBT Avocats

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La nouvelle catégorie d'autorisation bancaire est entrée en vigueur. Une étape importante dans la modernisation de la réglementation suisse.

 

Le nouveau régime entré en vigueur au 1er janvier vise en premier lieu les entreprises innovantes en matière financière (entreprises dites «FinTech»); il est cependant plus généralement ouvert aux entreprises du secteur financier, quel que soit leur modèle d’affaires, le législateur ayant adopté une approche neutre du point de vue technologique.

Lorsque leur modèle d’affaires repose sur l’acceptation de dépôts du public, ces entreprises peuvent désormais collecter jusqu’à 100 millions de francs de dépôts, ou faire appel au public aux fins de les obtenir, dans un cadre réglementaire assoupli. L’acceptation de dépôts sera certes soumise à une exigence de licence, mais à des conditions d’autorisation significativement allégées par rapport aux établissements bancaires («licence bancaire light» ou «licence FinTech»).

Les dépôts des clients ne doivent être ni investis, ni rémunérés.

Toutefois, une restriction importante est imposée aux candidats à la licence FinTech: les dépôts des clients ne doivent être ni investis, ni rémunérés. L’interprétation de cette condition peut soulever des difficultés en pratique. Le Département Fédéral des Finances en a précisé la portée: tant que les dépôts n’ont pas été restitués aux clients ou transférés conformément à leur destination, ceux-ci doivent être conservés «de manière à ce que les clients ne courent si possible aucun risque». Au-delà des obligations de ségrégation relative à ces dépôts, ces derniers doivent ainsi être liquides, de sorte qu’ils puissent être restitués ou transférés «dans un délai adéquat».

Ces contraintes limitent fortement le champ d’application de la nouvelle licence FinTech. Cette dernière devrait principalement concerner les entreprises proposant des services d’intermédiation et de conseil dans le domaine du financement participatif (« crowdfunding »), ainsi que les prestataires offrant des services de paiement.

La licence FinTech introduit des allégements réglementaires significatifs par rapport au régime de licence bancaire ordinaire. Les principaux allégements sont d’ordre financier et touchent les points suivants:

  • Le capital-actions minimum (entièrement libéré et maintenu en permanence) s’élève à 3% des dépôts acceptés, mais au moins à 300'000 francs (il est de 10 millions de francs au minimum pour les banques);
  • L’entreprise n’est pas soumise à des exigences de fonds propres;
  • La présentation et la révision des comptes s’effectuent selon les prescriptions ordinaires applicables aux sociétés commerciales et non selon la législation bancaire.
Les dépôts ne seront pas privilégiés en cas de faillite de l'entreprise.

En outre, à la différence d’un établissement bancaire, l’entreprise ne doit pas obligatoirement justifier d’un conseil d’administration majoritairement indépendant par rapport à la direction. Une telle exigence ne sera imposée que si «la nature et l’ampleur des activités» le requièrent, ce qui offre davantage de flexibilité à l’entreprise dans la définition de sa gouvernance.

Ces allégements s’accompagnent d’un niveau de protection moindre pour les déposants, dès lors que leurs dépôts ne seront pas privilégiés en cas de faillite de l’entreprise (ce dont les déposants doivent être informés préalablement à leur investissement).

Pour le surplus, les entreprises souhaitant opérer sous la licence FinTech sont soumises à des conditions largement similaires, dans leur formulation, à celles applicables aux banques. Leur mise en application dépendra en définitive étroitement du modèle d’affaires de l’entreprise.

Perspectives

La licence FinTech constitue la troisième mesure destinée à adapter la réglementation bancaire suisse aux besoins des entreprises FinTech. Elle emboîte le pas aux allègements réglementaires introduits le 1er août 2017 sous la forme 1) d’une extension à 60 jours du délai de détention applicable aux comptes d’exécution (non considérés comme dépôts au sens de la Loi sur les banques) et 2) de la création d’un espace d’innovation («sandbox») permettant aux entreprises, sous certaines conditions, d’accepter un nombre illimité de dépôts du public d'un montant total n’excédant pas 1 million de francs, sans aucune exigence de licence. D’autres modifications, visant en particulier les crédits participatifs, sont déjà prévues pour cette année.

La licence FinTech représente un signal positif du législateur en faveur du développement de nouveaux modèles d’affaires. Il est toutefois à craindre que le nouveau régime d’autorisation ne bénéficie en définitive qu’à un nombre limité d’acteurs, compte tenu des restrictions mises à l’utilisation des dépôts.

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