Réclamations à l’encontre des dirigeants – Etat du marché

Sophie Di Meglio, Swiss Risk & Care

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Comme ailleurs, les CEO suisses sont exposés à des risques plus récents liés aux défis technologiques, à la protection des données, et au climat.

Selon une enquête de la RTS, le nombre de plaintes contre les managers d’entreprises allemandes a explosé, la Suisse étant encore relativement épargnée. Un constat qu’il nous a semblé nécessaire de contextualiser. 

Dès 2017, face à une dégradation de leurs résultats techniques, les acteurs majeurs de l’assurance ont commencé à prendre des mesures correctives pour restaurer leur rentabilité, certains marchés et certaines branches ayant souffert plus que d’autres. Le phénomène s’est accéléré en 2018 et 2019 notamment en Europe.

Le marché Nord-Américain assiste à une réduction des capacités de souscription,
à la révision des primes à la hausse, voire à des restrictions de couverture.

La branche risques financiers dans laquelle s’inscrit l’assurance responsabilité des dirigeants (D&O) est souvent perçue comme une branche autonome, mais sa gouvernance et ses pratiques sont finalement dictées par sa relation avec le marché plus large de l’assurance non-vie.

Une forte hausse des réclamations en Amérique du Nord

L’Amérique du Nord, qui domine le marché de l’assurance responsabilité civile, a subi une augmentation de la fréquence et de l’intensité des réclamations notifiées au titre des contrats D&O. Parmi les causes: la hausse du coût des frais de défense, la complexité croissante des réclamations, le développement d’enquêtes réglementaires et d’actions transfrontalières, le nombre record de US Securities Class Actions, ou encore, le développement de réclamations en lien avec le mouvement #MeToo, sans compter les risques cyber qui constituent une nouvelle cible dans les réclamations à l’encontre des dirigeants.

Quand on pense qu’une personne qui se foule une cheville se voit octroyer des dommages-intérêts à hauteur de plus de 8 millions de dollars pour avoir glissé devant l’entrée d’un immeuble privé mal déneigé, on imagine ce à quoi les entreprises et leurs dirigeants peuvent être exposés pour des problématiques plus complexes de responsabilité civile.

Pour l’assurance responsabilité des dirigeants, la gravité
des 50 plus grandes réclamations a doublé en 8 ans.

Face notamment à une accélération du nombre de réclamations en responsabilité civile, de l’augmentation du montant des dommages-intérêts, de deux ans de catastrophes naturelles importantes aux Etats-Unis, le marché Nord-Américain assiste à une réduction des capacités de souscription, à la révision des primes à la hausse, voire à des restrictions de couverture.

Concernant plus spécifiquement l’assurance D&O, une étude réalisée par A.J. Gallagher en 2015, membre de notre réseau, a montré que la gravité des 50 plus grandes réclamations avait doublé en 8 ans, passant de moins de 100 millions de dollars par réclamation en 2006 à 200 millions en 2014 et 2015.

Mêmes tendances pour l’Europe

En Europe, on observe une évolution des régimes de recours collectifs, une pression réglementaire accrue, un examen plus attentif et plus approfondi des faits et gestes des dirigeants d’entreprises. C’est le cas en particulier en Allemagne où la structure du Conseil d’administration à deux niveaux favorise le déclenchement d’actions en responsabilité par le Conseil de surveillance de l’entreprise contre le Directoire en raison d’une prétendue violation de ses obligations. 

En Allemagne, l’augmentation des affaires dites
de «responsabilité interne» concernerait 80% des notifications.

L’Allemagne fait partie des pays les plus exposés en termes de réclamations à l’encontre de dirigeants. Selon AGCS (Allianz Global Corporate Solutions), l’augmentation des affaires dites de «responsabilité interne», suite à enquête réglementaire ou poursuites pénales de la société contre ses administrateurs, concernerait 80% des notifications. A titre d’exemple, le Conseil de surveillance de Siemens a poursuivi son Conseil d'administration après avoir conclu un accord de 1,6 milliard de dollars avec les procureurs américains et allemands en 2008. L'entreprise s’est ensuite retournée contre 11 anciens cadres supérieurs et membres du Conseil de surveillance pour manquement aux obligations de surveillance liées aux allégations de corruption. Siemens aurait conclu un accord de 100 millions d’euros avec ses assureurs D&O.

La Suisse moins impactée?

Les dirigeants d’entreprises suisses exposées à l’international évoluent déjà dans un environnement de contrôle accru des autorités réglementaires. Ces contrôles se traduisent par une multiplication des enquêtes au cours desquelles les dirigeants sont entendus, y compris en Suisse, ce qui fait d’ailleurs l’objet de nombreuses notifications auprès des assureurs D&O. Et comme ailleurs, les dirigeants d’entreprise suisses sont exposés à des risques plus récents liés aux développements et défis technologiques, à la protection des données, et aux changements climatiques.

Les entreprises d’envergure internationale se trouvent déjà confrontées en Suisse à des réductions de capacité et à l’augmentation de prime en D&O mais également sur d’autres couvertures risques financiers, telles que cyber et fraude. Ce phénomène de durcissement de marché est donc aujourd’hui général, avec un degré de durcissement qui diffère selon les régions et pays.