Blanchiment d’argent: le Conseil fédéral veut serrer la vis

AWP

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Berne veut un registre fédéral des ayants droit économiques pour les sociétés présentes en Suisse.

La Confédération doit serrer la vis en matière de blanchiment d’argent. Le Conseil fédéral veut un registre fédéral des ayants droit économiques pour les sociétés présentes en Suisse. Les avocats et les notaires sont aussi concernés par ce durcissement des règles.

Un dispositif performant de lutte contre la criminalité financière est indispensable pour garantir la bonne réputation et le succès de la place financière et économique suisse, a dit mercredi en conférence de presse la ministre des finances Karin Keller-Sutter.

Dans le monde entier, les sociétés sont utilisées de manière abusive par des criminels. La Suisse n’est pas épargnée, des «trous» existent dans le dispositif helvétique, a rappelé la conseillère fédérale.

Les autorités de poursuite pénale doivent pouvoir déterminer plus rapidement et de manière plus fiable qui se cache en réalité derrière une structure juridique.

Registre fédéral

Le projet de loi sur la transparence des personnes morales du Conseil fédéral mis en consultation jusqu’à fin novembre prévoit un registre. Les sociétés devront établir et vérifier l’identité de leurs ayants droit économiques (personne ou entité qui détient au moins 25% du capital ou des voix, ou à défaut un membre de l’organe de direction).

Elles devront ensuite transmettre ces informations à l’Office fédéral de la justice, chargé de tenir le registre, qui ne sera pas public. L’accès sera réservé aux autorités, et aux intermédiaires financiers soumis à la loi sur le blanchiment d’argent.

Plus de 550’000 personnes morales sont concernées, PME et associations ou fondations comprises. Pour ces dernières, une procédure simplifiée est prévue. Une nouvelle autorité, rattachée au Département des finances (DFF), effectuera des contrôles sur les informations du registre. Elle pourra sanctionner les infractions.

Avocats sous la loupe

Un autre point du projet devrait être plus controversé. Le Conseil fédéral veut introduire une obligation de diligence pour les avocats, les notaires ou les comptables qui exercent des activités de conseil juridique particulièrement risquées. Par exemple lors de la création de sociétés ou de transactions immobilières.

Cette mesure, qui existe aujourd’hui seulement pour les acteurs du secteur financier, avait été écartée par le Parlement lors de la précédente révision de la loi sur le blanchiment, la droite n’en voulant pas.

Concrètement, l’identité du client devra être vérifiée. S’il s’agit d’une société, il faudra aussi identifier son ayant droit économique ainsi que l’objet et le but de la transaction. Si le client ou la transaction présentent un profil de risque «particulièrement élevé», l’origine des fonds devrait être examinée. Toutes ces démarches devront être documentées.

Secret professionnel maintenu

Comme aujourd’hui, les avocats ne seront toutefois pas tenus de communiquer au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS) les renseignements qu’ils ont obtenus de leurs clients, si ces informations sont couvertes par le secret professionnel et ne concernent pas des transactions financières. Actuellement, il est très rare que des avocats fassent une annonce auprès du MROS.

Le respect de ces nouvelles obligations sera surveillé par un organisme d’auto-régulation. Le Conseil fédéral entend introduire la possibilité pour le DFF de prononcer des sanctions pécuniaires pour les cas graves.

Sanctions à surveiller

D’autres mesures sont encore prévues, notamment pour contrer le contournement ou la violation des sanctions internationales. Elles ont pour but d’inciter les intermédiaires financiers concernés à prévenir les infractions. La Suisse a été régulièrement accusée de servir de place de contournement des sanctions prises contre la Russie.

Les négociants en métaux précieux sont aussi concernés. Les paiements en espèce supérieurs à 15’000 francs seront désormais soumis à une obligation de diligence (contre 100’000 francs aujourd’hui).

Dans le commerce des biens immobiliers, les obligations de diligence relevant de la loi sur le blanchiment vaudront pour tous les paiements en espèces, quel que soit le montant.

Toutes ces mesures répondent aux normes internationales et aux recommandations émises par le Groupe d’action financière, dont la Suisse fait partie. Elles sont aussi des revendications de longue date des ONG anti-corruption et de la gauche.
 

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