Le Ministère public de la Confédération (MPC) enquête contre quatre personnes liées à l’oligarque russe Suleyman Kerimov. Dans ce cadre, le Seco a bloqué de manière superprovisionnelle 1,3 milliard, a-t-il indiqué revenant sur des informations du quotidien Le Temps.
Comme le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) l’indique mercredi sur son site internet, la valeur des avoirs gelés en Suisse à la suite des sanctions édictées à l’encontre de la Russie se montait au 13 août à 7,1 milliards de francs. S’y ajoutent 17 biens immobiliers, des voitures de sport et de luxe, des œuvres d’art, du mobilier et des instruments appartenant à des personnes physiques, entreprises ou entités frappées par les sanctions.
Le montant des avoirs gelés ne permet pas de mesurer l’efficacité des sanctions, précise toutefois le Seco. Il livre uniquement un instantané. La somme peut dépendre des fluctuations boursières et il arrive aussi que des avoirs gelés préventivement soient ensuite libérés parce qu’un examen en profondeur a permis de conclure qu’ils ne tombaient pas sous le coup du gel des avoirs et des ressources économiques, précise le Seco sur son site.
Procédure pénale
Lorsque l’importance particulière de l’infraction le justifie, le Seco peut demander le soutien du MPC. Dans le cas présent, il lui a demandé l’ouverture d’une procédure d’investigation après des recherches préliminaires vastes, a indiqué ce dernier à Keystone-ATS, revenant sur les informations du Temps.
Suite à un examen approfondi, le MPC a considéré que les faits qui lui ont été dénoncés relevaient de sa compétence et a ouvert la procédure pénale en question en novembre 2023, précise-t-il. L’enquête est dirigée à l’heure actuelle contre quatre personnes physiques et contre inconnu pour soupçon d’infraction à la loi sur les embargos, en relation avec la situation existant en Ukraine et pour suspicion de blanchiment d’argent, écrit-il.
Dans le cadre de la procédure pénale dirigée par la Task-Force constituée en relation avec la situation en Ukraine, le MPC et Fedpol ont effectué, en collaboration avec les polices cantonales correspondantes, un total de huit perquisitions dans les cantons de Lucerne, Zoug et Nidwald.
Dans ce contexte, aucune arrestation n’est survenue. Et la présomption d’innocence s’applique, comme toujours, précise le MPC. Ce dernier et le Seco poursuivent leurs procédures respectives et, «pour des raisons tactiques liées à l’enquête, ne s’expriment pour le moment pas davantage sur le fond», relève le Ministère public.
Kerimov, les Etats-Unis et la Suisse
Si le MPC ne donne aucune précision sur le nom des personnes impliquées, de précédentes informations du Trésor américain font état de relations entre Suleyman Kerimov et la Suisse. En annonçant en novembre 2022 une nouvelle salve de sanctions visant à perturber les chaînes d’approvisionnement de l’appareil militaire russe et des réseaux financiers liés au Kremlin, des entités en Suisse étaient concernées.
Les sanctions visaient notamment la société russe d’électronique Milandr et des sociétés-écrans en Arménie, à Taïwan et en Suisse liées à l’entreprise russe, indiquaient alors le département du Trésor américain et le département d’Etat.
Washington annonçait aussi avoir sanctionné des membres de la famille de l’oligarque russe, lui-même déjà visé par des sanctions américaines, dont l’une de ses filles, Gulnara Kerimova, qui possédait quatre agences immobilières en France, dont l’une dirigée par un Suisse, qui s’est trouvé également sanctionné par les Etats-Unis.
Deux autres sociétés holding basées en Suisse et liées à Andreï Grigoryevich Gurïev, ancien sénateur russe proche de Vladimir Poutine, étaient également visées.
En juin 2022, alors que Washington gelait déjà un milliard de dollars d’une société basée aux Etats-Unis et contrôlée par Suleyman Kerimov, une enquête des autorités américaines révélait que M. Kerimov a utilisé une série complexe de structures légales et d’hommes de paille pour dissimuler ses intérêts dans Heritage Trust», une société implantée dans le Delaware.
Le milliardaire Suleyman Kerimov a déjà été sanctionné avant la guerre en Ukraine en 2018, par les Etats-Unis pour blanchiment d’argent présumé. Il fait à présent partie des oligarques russes sanctionnés par plusieurs pays dont la Suisse et par l’Union européenne à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.