Rally de fin d’année sur les taux?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Le S&P en zone à risque, les taux n’en profitent pas

La semaine dernière, écourtée par Thanksgiving, n’a pas été de tout repos pour les actions américaines. La clôture hebdomadaire s’est établie à 2'632 points, un niveau dangereux en termes d’analyse technique, juste 100 points au-dessus du fameux 2'532 points du 9 février. Dans un environnement post-mid terms, dominé par les tensions commerciales avec la Chine et les premiers signes d’inquiétudes sur la croissance US en 2019-2020, les marchés de taux n’ont pas vraiment réagi, avec un 30 ans Treasury stable autour de 3,31% et un 10 ans à 3,06%. Il faut dire que les marchés obligataires avaient anticipé le phénomène, passant de 3,25% à 3,05% en un peu plus de deux semaines. 

Aujourd’hui, les yeux sont braqués sur les chiffres de l’emploi début décembre, mais surtout sur la réunion de la Fed du 19 décembre prochain. S’il y a quasi-unanimité pour estimer que les Fed Funds seront portés à 2,5% (fourchette haute), des voix s’élèvent pour envisager une «pause». 

Le mot-clé du prochain FOMC sera l’expression «data dependent».

Nous sommes persuadés que le mot-clé du prochain FOMC sera l’expression «data dependent». Ce terme que la Fed avait retiré pourrait réapparaître et dans ce cas, en fonction des statistiques économiques en début d’année, la hausse suivante, prévue le 20 mars, pourrait être reportée sine die. Dans ce cas, le 10 ans pourrait repasser sous le niveau de 3% et le 30 ans vers 3,15%. En revanche, l’inversion de courbe tant attendue pourrait ne pas avoir lieu. 

Si les marchés reconsidèrent le nombre de hausses de taux de la Fed à la baisse pour 2019 ou si les fameux dot plots confirment que l’incertitude gagne les membres du FOMC, alors nous assisterons également à un rally de la partie courte de la courbe. Il faut donc peut-être en profiter (si la liquidité du marché le permet) pour investir dans des crédits de qualité A qui procurent un rendement à deux ans de 3,5%. 

Toutefois, il s’agira de ne pas trop prendre de risques de crédit car l’une des informations cruciales envoyées par les marchés en novembre concerne l’écartement des spreads de crédit, y compris investment grade. L’indice CDX IG a dépassé le niveau de 80 bp, ce qu’il n’avait pas fait depuis novembre 2016. Le CDS (Credit Default Swap) de General Electric a atteint 266 bp lundi 19 novembre (contre 71 le 1er octobre), preuve que la gestion «buy and hold» n’existe plus, remplacée au minimum par «buy and watch». Le CDX High Yield a grimpé à 417 points vendredi. Deux mois plus tôt, le vendredi 21 septembre, il cotait 316! 

Les investisseurs qui estiment que le high yield US est un des principaux indicateurs avancés de la situation économique et du comportement futur des marchés actions – et ils sont nombreux – vont rajouter ce signal négatif dans leur tableau de bord. Il se pourrait alors que, contrairement à la tradition, le fameux rally de fin d’année concerne cette-fois-ci les Treasuries.

Adieu croissance allemande, bonjour Brexit

Une croissance trimestrielle confirmée à -0,2%, une croissance annuelle à 1,1% (corrigée, ou non, des variations saisonnières), l’économique allemande montre des signes d’essoufflement, la faute aux exportations. L’indice IFO d’hier a confirmé le début de spleen du climat des affaires outre-Rhin en passant de 102,8 à 102. Cela ne va pas arranger les affaires politiques de Madame Merkel mais le plus à plaindre est sûrement Mario Draghi. 

L’eurozone devra trouver une solution magique.

L’inflation tant attendue n’est pas au rendez-vous et voilà que c’est désormais la croissance qui pique du nez au moment où la BCE va démarrer sa normalisation monétaire en arrêtant son Quantitative Easing fin décembre. Si la croissance vient à ralentir, la Fed aura au moins dans sa boîte à outils un taux directeur d’environ 2,5%-3% mais l’eurozone devra trouver une solution magique puisqu’au niveau des taux directeurs, elle sera démunie avec un taux refi à 0% et un taux de dépôt à -0,4%. 

Heureusement, de bonnes nouvelles du côté de l’Italie ont rassuré les marchés obligataires européens: le 10 ans BTP, qui s’élevait encore à 3,70% mardi dernier est redescendu à 3,40% vendredi puis à 3,20% hier matin. Sur la courbe allemande, il ne s’est pas passé grand-chose à l’instar de la courbe des US Treasuries. Le Bund est passé de 0,36% à 0,34% la semaine dernière avec un pic à 0,40% le lundi matin et un plus bas à 0,33% vendredi après-midi. Les spreads de crédit investment grade iTraxx se sont stabilisés autour de 80 bp dans un marché corporate qui voit la liquidité fondre dans la perspective de la fin de l’année. 

La nouvelle importante du week-end est évidemment l’accord sur le Brexit. Ce n’est qu’un début mais il s’agissait de trouver un compromis qui ne remette pas en cause le processus fragile qui se terminera fin mars. La fin de semaine sera riche en statistiques économiques: croissance française jeudi, inflation belge, espagnole et surtout allemande vendredi après-midi, venant après les chiffres de l’emploi le matin.

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