Acheter des obligations en euros et les swapper en dollars?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Une opportunité d’investissement à saisir

Il n’y a rien de magique, la stratégie est extrêmement simple. Depuis quelques semaines, voire quelques mois, nous favorisons dans notre gestion les crédits investment grade en dollars à maturité courte (2-3 ans) qui offrent un rendement aux alentours de 3,5%. Couplée à une dose homéopathique de Treasuries à 30 ans, cette stratégie nous parait la plus adaptée au contexte économique et financier actuel. Mais il y a mieux, pour les investisseurs qui le peuvent bien entendu. Compte tenu du différentiel de taux ente l’Europe et les Etats-Unis (comprenez entre BCE et Fed), la couverture de change pour passer de l’euro au dollar atteint des proportions gigantesques. Par conséquent, des fenêtres d’investissements s’ouvrent pour nous proposer des arbitrages intéressants. Dans l’univers des maturités 2021-2022, quelques émissions en euros swappées en dollars arrivent à offrir des rémunérations de 25 à 30 points de base supérieures à leurs homologues en US dollars (27 bp exactement concernant Coca-Cola par exemple).

Le risque global des marchés augmente et les taux longs US représentent
une «assurance-vie» appréciable en période d’incertitudes.

Il s’agit donc d’une piste à explorer afin d’optimiser le rendement d’un portefeuille basé en dollars, ce qui apparaît comme le seul défaut de cette stratégie. Cette dernière ne répond pas, en effet,  à la question que se posent les investisseurs institutionnels, à savoir comment faire pour générer des rendements obligataires décents en franc suisse (à risque égal bien entendu). Sur le marché des US Treasuries proprement dit, la semaine a été volatile, au gré des rebonds des marchés actions après une semaine difficile. Le 30 ans, qui s’était stabilisé autour de 3,32% au début de la semaine est retourné vers 3,40% mais sans jamais les atteindre (3,39% au plus haut vendredi après-midi). Nous maintenons notre conviction que le risque global des marchés augmente et que les taux longs US représentent une «assurance-vie» appréciable en période d’incertitudes. Sont venus se rajouter à la liste des risques que nous avions identifiés il y a une semaine, l’affaire Khashoggi ainsi qu’un PIB chinois décevant à +6,5% au troisième trimestre (contre 6,8% au premier trimestre et 6,7% au deuxième trimestre). C’est le plus bas niveau atteint depuis 2009 dans un contexte d’intensification de la guerre commerciale entre Washington et Pékin. Le risque de hard landing augmente mais la relance budgétaire et la politique monétaire de la PBoC (voire un ajustement du renminbi) devraient nous éviter une catastrophe.

Italie: verdict vendredi pour le rating S&P

La nouvelle était anticipée par la plupart des investisseurs : Moody’s a abaissé d’un cran la note de l’Italie, de Baa2 à Baa3. En revanche, la surprise est venue de la perspective assignée à la nouvelle note. Beaucoup craignaient une perspective négative, synonyme de risque de basculer dans la catégorie spéculative à moyen-terme, mais Moody’s a assorti cette nouvelle note Baa3 d’une perspective stable. Donc, sauf accident ou aggravation sensible de la situation économique et politique transalpine, pas de «junk» à l’horizon (en tout cas chez Moody’s).

Le tabou de la critique virulente d’une banque centrale indépendante
a été brisé récemment outre-Atlantique.

Bien entendu, le soulagement s’est immédiatement traduit dans les rendements de la dette italienne et le taux à 2 ans, qui avait flirté avec 1,70% vendredi matin, retombait à 0,85% hier matin. Toutefois, la semaine risque d’être longue puisque Standard & Poor’s doit nous livrer ses conclusions vendredi concernant la note souveraine italienne. A priori, le suspens devrait être moins insoutenable car la note S&P actuelle s’élève à BBB stable. Au mieux, la perspective stable pourrait être abaissée à négative et au pire, la note pourrait être alignée sur celle de Moody’s avec un BBB- identique à Baa3. Cela dit, il est peu fréquent qu’une agence de rating abaisse la notation d’un émetteur dont la perspective est stable…Si vendredi soir l’Italie se retrouve notée Baa3/BBB-, ce ne sera donc pas la fin du monde et la BCE ne changera pas d’un iota sa politique vis-à-vis de Rome.

Le jour où toutes les grandes agences de notations placeront le rating italien en catégorie spéculative, nous devrons nous reposer la question. Et à ce moment-là, la plus grande menace qui planera sur les BTP sera surtout le retrait de la dette italienne de tous les grands indices obligataires investment grade, forçant de facto de très nombreux investisseurs à liquider leurs positions. Dans ce contexte, la réunion de la BCE jeudi sera peut-être intéressante mais rien n’est moins sûr. Mario Draghi aura intérêt à éviter le sujet pour ne pas être taxé d’ingérence ou pour ne pas jeter de l’huile sur le feu. D’autant plus que le tabou de la critique virulente d’une banque centrale indépendante a été brisé récemment outre-Atlantique. Messieurs Salvini et di Maio ne se priveraient pas de désigner un bouc émissaire idéal, compatriote de surcroît. Nous en saurons plus (ou pas) jeudi après-midi, sans oublier de jeter un œil sur l’indice Ifo dans la matinée. Bonne semaine.

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