L’avantage est aux métaux industriels

Nitesh Shah, ETF Securities

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Les matières premières regagnent progressivement du terrain mais les tensions géopolitiques pourraient rendre leur évolution volatile.

 

Les matières premières ne sont pas une classe d'actifs homogène et les performances de chaque sous-secteur peuvent varier considérablement. Ce devrait être le cas en 2018 aussi. Bénéficiant de leur cyclicité, les métaux industriels pourraient prendre l’avantage. En revanche, la hausse des taux d'intérêt pourrait peser sur le cours de l'or, même si, par ailleurs, il est susceptible de bénéficier de son rôle d'actif refuge. Les cours du pétrole ayant probablement atteint un sommet, le secteur de l'énergie pourrait tirer la performance du groupe matières premières vers le bas, si la prime géopolitique actuelle venait à disparaître.

Métaux industriels

Pour la plupart des métaux industriels, l’offre est déficitaire alors que la demande reste soutenue par la croissance économique. L’amélioration des marges bénéficiaires des entreprises d’exploitation minière devrait permettre à ces dernières de réinvestir mais l’équilibre entre offre et demande ne pourra être atteint que d’ici quelques années. Entre temps, le marché restera tendu.

«Il est peu probable que Freeport investisse
des sommes importantes dans cette mine.»

En ce qui concerne le cuivre, sa production a été limitée l'an dernier du fait que les deux premiers producteurs mondiaux, Escondida au Chili et Grasberg en Indonésie, ont connu des ruptures d'approvisionnement. Chez Escondida (44 jours de grève en 2017), le conflit salarial n’étant toujours pas résolu, il n’existe aucune garantie que les négociations actuelles débouchent sur un accord amiable d’ici à l’expiration du contrat entre salariés et employeurs en juillet 2018.

Quant à Grasberg, sa production a cessé. Bien que Freeport Mc Moran, le propriétaire majoritaire de la mine ait accédé à la demande du gouvernement indonésien de céder 51% de sa participation dans la mine locale, les conditions de financement de cet échange ne sont pas claires. Quoi qu'il en soit, il est peu probable que Freeport investisse des sommes importantes dans cette mine, compte tenu de son expérience récente en matière de droits de propriété.

Le nickel bénéficie de la vigueur du cycle mais aussi des changements structurels de la demande, notamment celle émanant des batteries destinées aux véhicules électriques. En 2016, la flotte de véhicules électriques approchait les 2 millions d’unités et, selon l’AIE, elle pourrait évoluer vers les 9 à 20 millions d’unités d’ici 2020 puis passer à 40 à 70 millions dès 2025. Selon le Centre commun de recherche de la Commission européenne, la cathode nickel-manganèse-cobalt (NMC), déjà la plus utilisée dans les batteries lithium-ion, devrait connaître un fort développement. Sa demande devrait passer de 40 000 tonnes en 2015 à 192 000 tonnes en 2025 (sa part au marché des matériaux pour batteries passant de 29% à 48%). De plus, les proportions égales de nickel, manganèse et cobalt utilisées pour cette cathode pourraient évoluer vers un rapport 80/10/10 en faveur du nickel. Cette transition peut être en bonne partie expliquée par la relative rareté du cobalt et les perturbations potentielles de son approvisionnement. En effet, 60% du cobalt mondial provient de la République démocratique du Congo, un pays relativement instable sur les plans politique et économique.

«Le pétrole se négocie actuellement à l'extrémité supérieure
de ce que nous considérons comme une fourchette de fluctuation viable.»

Bien que la menace de guerres commerciales et de mise en place de sanctions ait pesé sur les perspectives de croissance la demande de métaux industriels et ainsi nui aux performances de certains d’entre eux ces dernières semaines, toute interruption des échanges commerciaux impliquerait aussi par des tensions sur l'offre comme cela est déjà le cas pour l'aluminium.

Énergie

Le cours du pétrole a fortement rebondi par rapport à son plus bas de 2016, à 28 dollars/baril. Mais à son niveau actuel de 74 dollars/baril (20/04/2018), il est sont encore loin de son sommet de 115 dollar/baril touché en 2014. Il est néanmoins peu probable qu'il s’en approche à nouveau ces prochaines années. En effet, le pétrole se négocie actuellement à l'extrémité supérieure de ce que nous considérons comme une fourchette de fluctuation viable, en l'absence de nouveaux chocs au niveau de l’offre. Le niveau actuel des cours incitant les Etats-Unis à augmenter leur production, le potentiel de hausse de cours est limité. De plus, lors de sa réunion de juin prochain, l’OPEP devrait donner des indications sur les moyens qu’elle entend mettre en œuvre pour ajuster son offre en 2019. Il est donc probable qu'il y aura une pression à la baisse sur les cours.

A l’heure actuelle le pétrole bénéficie d’une une prime géopolitique et des sanctions contre l'Iran et la Russie pourraient se traduire par un resserrement du marché bien plus important que ce qui est anticipé actuellement. D’un autre côté, il est évident que le risque géopolitique peut s’évanouir aussi vite qu'il s’est manifesté, ce qui pourrait faire disparaître la prime sur le pétrole. Toutefois, si les risques se cristallisaient avec la mise en œuvre effective de sanctions, les cours pourraient reprendre le chemin de la hausse.

Métaux précieux

L'or a été l'un des principaux bénéficiaires de l'accroissement récent du risque géopolitique et il a donc joué son rôle de valeur refuge. Cependant, en l’absence de ce type de risque, l'or se négocierait à un niveau bien inférieur aux de 1342 dollars/once actuels (20/04/2018). De plus, les taux d'intérêt américains étant à la hausse, ils pèseront sur les cours du métal jaune. En l'absence de risque géopolitique, nous estimons que l'or pourrait reculer jusqu’à 1280 dollars/once à fin 2018.

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