Chronique des taux de la banque Sturdza du 6 mars

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Risque de «short squeeze» et taux réels.

Allemagne: tout ça pour ça!
Italie: comme d’habitude…

Commençons par la bonne nouvelle: le SPD a accepté de gouverner en coalition avec la CDU de Madame Merkel et les 66% de oui donnent une belle légitimité à ce résultat. Mais pourquoi avoir perdu cinq mois? Nul ne le sait mais Monsieur Schulz a peut-être une réponse. En Italie, les urnes ont rendu leur verdict et comme souvent, il y a surtout des perdants. Aucune majorité claire ne se dégage et les partis traditionnels ont volé en éclats. Le marché obligataire italien n’a pas été vraiment chahuté par ces incertitudes. Le 10 ans BTP a démarré l’année à environ 2,10%, il est descendu jusqu’à 1,90% le 23 janvier pour remonter aux alentours de 2% fin janvier puis évoluer dans un couloir étroit 1,95%-2,05% depuis. Les marchés sont donc persuadés que, comme d’habitude, une solution «à l’italienne» sera trouvée et que, comme d’habitude, en cas de nécessité, la Banque Centrale Européenne fera tout son possible pour éviter une crise de taux des pays périphériques. Dans ce contexte, notons d’ailleurs que l’adjudication de Bonos espagnols s’est déroulée sans encombre la semaine dernière. Pour terminer notre tour d’horizon périphérique (qu’on nommait à la fin du vingtième siècle les pays «Club Med»), saluons la progression impressionnante des taux portugais. Il y a un an, le 10 ans italien s’élevait à 2,17% et son homologue portugais à 3,96% soit 179 points de base au-dessus du BTP. Aujourd’hui, après un rally impressionnant, le 10 ans portugais s’affiche à 1,95% soit 4 points de base au-dessous des 1,99% du BTP italien!

«Les marchés sont persuadés que, comme d’habitude,
une solution «à l’italienne» sera trouvée»
Le 10 ans italien à 2%, le 10 ans US à 2,8%

La question suivante nous est fréquemment posée: comment un pays noté BBB peut-il émettre de la dette à un taux bien inférieur à celui d’un grand pays noté AAA? La réponse est simple: leurs emprunts ne sont pas libellés dans la même devise. Si les taux de certains pays périphériques de la zone euro se traitent bien au-dessous des US Treasuries, c’est parce que le Bund 10 ans ne s’élève qu’à 0,60% et qu’ils évoluent en «spread» par rapport à ce taux de référence. A la notion de risque de taux, il faut ajouter le risque d’évolution des monnaies. Par conséquent, afin de comparer ce qui est comparable, prenons les deux emprunts italien et portugais émis en US dollar à échéance entre 5 et 10 ans disponibles sur le marché et vérifions si leur taux est inférieur à celui des emprunts du Trésor US. L’Italie 6,875% septembre 2023 affiche un rendement de 3,48% soit 83 points de base supérieur au 2,65% du Treasury 1,375% septembre 2023. Le Portugal 5,125% octobre 2024 vaut 3,92%, 117 points de base au-dessus du Treasury 2,25% octobre 2024. L’Italie et le Portugal sont donc plus risqués que le Etats-Unis. CQFD.

Attention au «short squeeze»

Nous avons, comme la plupart de nos confrères, protégé nos portefeuilles contre l’évolution défavorable du taux Bund à 10 ans. Force est de constater que le mouvement tant attendu de  0,80% à 1% s’est transformé en rally de 0,80% à 0,60%. Il s’agit toujours, à notre avis, d’un mouvement temporaire mais l’histoire nous rappelle que quand 90% d’un marché est short, le retour de manivelle peut être violent. Ce phénomène de « short squeeze » peut survenir à tout moment dans un monde où l’analyse technique est désormais apprivoisée par la majorité des gérants traditionnels et dans des marchés qui peuvent soudainement être dominés par le trading automatique. Nous devons donc tous rester attentifs et ne pas hésiter à éventuellement mettre en place des tactiques à court terme qui vont à l’encontre de nos convictions. Ceci est sans doute valable également pour le 10 ans US mais probablement dans une moindre mesure car les avis commencent à être partagés.

«L’histoire nous rappelle que quand 90% d’un marché est short,
le retour de manivelle peut être violent.»
Les taux réels en question

Le spectre de l’inflation hante de nouveau nos esprits. Tout a commencé le vendredi 2 février avec la publication d’une inflation salariale à 2,9%. Vendredi prochain, nous aurons un début de réponse à la question qui nous taraude tous: s’agit-il d’un ajustement temporaire ou d’un changement de régime? Rendez-vous donc vendredi à 14h30. D’ici-là, rappelons-nous que les deux sujets qui dirigent les marchés depuis un mois, à savoir l’inflation et le niveau des taux, n’en font qu’un: les taux réels. Suivons donc de très près l’évolution des taux réels, à travers notamment les break-evens des TIPS aux Etats-Unis car ces derniers seront sans nul doute le paramètre majeur qui décidera de l’évolution de tous les marchés en 2018 et sans doute au-delà.