BCE, une dernière baisse avant une pause

Eric Vanraes, Eric Sturdza Asset Management

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Chronique des taux d’ESAM (Eric Sturdza Asset Management).

 

La Fed sous pression

La BCE a baissé ses taux et Donald Trump va, une fois encore, saisir l’occasion pour inciter fortement la Fed à faire de même. Pourtant, Jerome Powell risque bien de rester fidèle à sa conduite. Les chiffres d’inflation publiés fin mai avaient beau être encourageants avec un indice PCE et un Core PCE légèrement meilleurs qu’attendu à respectivement 2,1% et 2,5%, cela risque de ne pas suffire. Pourtant, nous devrions théoriquement nous attendre à une inflexion plus dovish nous préparant à un futur geste accommodant dans un futur proche. La faute à l’économie qui commence à ralentir et même ralentir sérieusement si l’on en croit l’OCDE qui s’attend désormais à un petit 1,6% pour l’année 2025 alors que leur prévision s’élevait encore à 2,2% en mars. Les chiffres de l’emploi de vendredi étaient plutôt neutres même si les marchés obligataires ont réagi négativement à leur annonce. Les créations d’emplois étaient certes un peu supérieures aux attentes mais compte tenu de la forte révision à la baisse du chiffre du mois précédent, nous avons du mal à comprendre. A croire que les investisseurs ont surtout retenu la progression du Average Hourly Earnings à 3,9%, ce qui rendrait la réaction du marché plus compréhensible. Il s’agit plutôt, à notre avis, d’une réaction qui s’inscrit dans un contexte qui faisait craindre le pire après des indicateurs d’emploi ADP inquiétants avec 37'000 créations de postes seulement, le chiffre le plus faible depuis mars 2023.

Cela signifie tout de même que la Fed devra tôt ou tard songer à baisser légèrement ses taux et désormais, tout accès de fièvre du 10 ans au-dessus de 4,6% sera sans doute une opportunité de remettre enfin un peu de duration. Le sujet est délicat et comme nous le faisions remarquer à quelques investisseurs cette semaine, il ne faut pas craindre d’être parfois incohérents car les marchés sont actuellement dominés par les interventions d’un président américain qui ne craint pas de l’être. C’est une situation inconfortable pour nous mais la gestion active se prête bien à ce genre de marchés. Il va falloir saisir la bonne opportunité lorsque les marchés vont changer de sujet d’inquiétude principal, passant de l’inflation à la récession. Les tweets vengeurs d’Elon Musk vont rajouter de l’huile sur le feu puisque ce dernier prévoit désormais récession et faillite si Donald Trump s’entête dans sa politique actuelle. Ambiance …    

Peut-on blâmer la BCE d’envisager une pause?

La baisse était attendue, le discours qui a suivi un peu moins. Regardons les chiffres froidement: l’inflation est enfin passée sous la barre des 2%, à 1,9% et la croissance attendue reste faible mais pas catastrophique puisque 0,9%, c’est toujours 1% au-dessus de la récession. Nous trouvons donc tout à fait logique que la BCE donne désormais du temps au temps. Les droits de douane risquent en effet de faire vaciller cette projection de 0,9% et en cas de besoin, l’institution de Francfort réagira en conséquence. L’équation est simple: en arrondissant les chiffres on a 1% de croissance et 2% d’inflation avec un taux de dépôt désormais à 2%. Cela semble approprié dans la mesure où l’incertitude autour de la guerre des droits de douane se maintient à un niveau élevé. Cette dernière peut tout à fait refaire passer l’inflation au-dessus de 2% et dans ce cas la pause est indispensable. Elle peut également plonger le vieux continent en récession et dans ce cas, si l’inflation ne repart pas, il faudra envisager des baisses supplémentaires.

Les taux européens sont donc assez intéressants en ce moment. Dans notre gestion en dollars, nous sommes en train d’investir en emprunts 3-5 ans en euros avec couverture de change, ce qui nous permet d’engranger des rendements supérieurs de 50 à 70 points de base supérieurs à ceux offerts par les emprunts de qualité similaire libellés directement en dollars. Cela permet également de proposer de la diversification car l’hostilité des investisseurs vis-à-vis des US Treasuries grandit jour après jour. Il s’agit sans doute d’un problème de fond qui n’est pas près de se régler à court terme. Après l’échec du DOGE, l’administration américaine, Scott Bessent en tête, va devoir trouver de nouveaux arguments pour rassurer les acheteurs de dette souveraine US et en attirer de nouveaux pour prendre le relais de ceux qui ne reviendront pas de sitôt. Nous ne serions pas étonnés de revoir prochainement un acheteur connu, le fameux QE comme Quantitative Easing, que la Fed sera probablement contrainte de remettre en œuvre. Si tel devait être le cas, il serait amusant de voir comment concilier le retour du QE avec la nomination de Kevin Warsh à la tête de la Fed pour remplacer Jerome Powell dans un an. Rappelons en effet que Kevin Warsh avait démissionné de la Fed avec fracas en mars 2011 sur fond de profond désaccord avec Ben Bernanke au sujet de la poursuite du QE!

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