Après la Fed, retour aux fondamentaux

Eric Vanraes, Eric Sturdza Asset Management

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Chronique des taux d’ESAM (Eric Sturdza Asset Management).

 

Une semaine chargée

Nous souhaitions mettre en avant une semaine qui s’annonçait riche en chiffres macroéconomiques mais, comme nous en avons pris l’habitude depuis le 2 avril, les nouvelles concernant des accords commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine ont fait passer tout le reste au second plan. Les marchés actions retrouvent un second souffle, l’or rebaisse légèrement et les marchés de taux repartent en processus de correction. Il s’agit d’une excellente nouvelle car de nouvelles opportunités d’investissement s’offrent à nous. Si on nous avait dit fin avril qu’on pourrait engranger du 4% avec du 2 ans Treasury, nous serions restés circonspects. Mais le FOMC est passé, Chinois et américains vont trouver un terrain d’entente (c’est le marché qui le dit, pas nous) et ceux qui prédisaient quatre baisses de taux en 2025 il y a un mois se demandent s’il y en aura déjà une. Le 2 ans s’affiche aujourd’hui au prix du 10 ans les 4 et 7 avril derniers. Les taux plus longs sont moins intéressants et nous souhaiterions voir le 10 ans franchir à la hausse le niveau de 4,5%. Comme le plus souvent, le «sweet spot» est sans doute le 5 ans puisqu’il va se comporter à peu près comme du 2 ans, mais avec une duration de 4,5 au lieu de 1,9. A quoi bon, en effet, avoir une bonne idée si elle est invisible dans les performances?

Jay Powell a validé sans le nommer le scénario de stagflation.

Revenons à notre première intention: attirer votre attention sur les chiffres de la semaine. Après une semaine marquée par des chiffres de l’emploi en trompe-l’œil, nous allons commencer avec le CPI cet après-midi, attendu stable à 2,4% (Core à 2,8%). Nous poursuivrons jeudi avec des ventes au détail attendues en baisse ainsi que PPI en décrue de 2,7% à 2,5% (de 3,3% à 3,1% pour le Core). Nous en aurons fini avec les hard data pour passer aux soft (indices de sentiment) avec Philly Fed business outlook toujours attendu en négatif mais beaucoup moins catastrophique qu’il y a un mois. Enfin, vendredi, les indices de l’Université du Michigan devraient remonter très légèrement.  

Une Fed droite dans ses bottes

Jay Powell a validé sans le nommer le scénario de stagflation. Il a en effet souligné que le risque de remontée simultanée du chômage et de l’inflation a augmenté tout en admettant que ce risque ne s’est pas encore matérialisé. En rappelant que la Fed a un double mandat (inflation maîtrisée et plein emploi) et que par conséquent elle surveille de près l’évolution de l’inflation et de la croissance, il justifie la position de la banque centrale. Ce que voit la Fed, c’est une économie qui ne ralentit pas, tout du moins d’après les hard data. Ce sont seulement les indices de sentiment (soft data) qui suggèrent un ralentissement et historiquement, il est déjà arrivé que hard et soft data n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Si l’inflation Core envoie de bons signaux de décrue, les incertitudes liées à la politique de droits de douane sont tellement grandes qu’elles effacent les effets positifs constatés récemment, poussant la Fed à adopter une position de «wait and see». Enfin, concernant les taux, les niveaux actuels sont appropriés et la Fed veut se donner du temps pour avoir une vision plus claire de la situation. Dans ces conditions, le FOMC n'est pas en mesure de dire aujourd’hui s’il sera nécessaire de baisser les taux cette année.

Nous serions tentés de dire «Powell-Trump, 1-0 à la mi-temps» car la Fed a visiblement tenu à montrer au monde entier qu’elle restait indépendante. Le gros enseignement à tirer de cette séquence qui a combiné FOMC et statistiques macroéconomiques majeures, c’est que les marchés de taux respirent un peu plus. Nous étions très mal à l’aise le mois dernier avec des taux trop bas incompatibles avec une remontée d’inflation inévitable. Nous allons bientôt arriver à la mi-année et nous demandons ce que va nous réserver le second semestre. La réponse qui nous vient immédiatement est la suivante: lorsque Jerome Powell martèle «je ne sais pas», pour qui nous prenons-nous si nous affirmons que nous savons? La stagflation est là et à court terme ce sera sans doute avec une dominante «craintes inflationnistes». Il va donc falloir évaluer le risque de changement de sentiment des marchés au profit d’un scénario «ralentissement suffisamment fort pour régler le problème d’inflation de lui-même». Cela signifie donc que les récentes tensions sur les taux US sont à considérer. Et comme nous l’avons évoqué plus haut, un 5 ans à 4,1% mérite toute notre attention. Le «sweet spot» est de retour.

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