2025, année charnière pour les banques centrales

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

La Fed se prend pour la BCE…qui se prend pour la Fed

Nous avons récemment fait le bilan 2024 de l’activité des banques centrales, nous n’allons pas revenir dessus. Cependant, la baisse de taux «petit bras» de la BCE la semaine dernière nous semble l’occasion de revenir sur ce que nous nommerons les erreurs de politique monétaire commises depuis la rentrée de septembre. La palme revient bien entendu à la Fed qui nous dit que tout est sous contrôle alors qu’elle a opté en septembre pour un «jumbo rate cut» qui s’est avéré injustifié. C’est comme si elle refusait de constater l’évidence: la fin de 2024 et sans doute l’année 2025 seront marquées par un retour d’inflation significatif aux Etats-Unis. Rien de grave, bien sûr mais suffisant pour faire déraper les taux longs US. Ils se sont en effet retendus d’environ 80bp depuis ce fameux «jumbo rate cut» et ce n’est sans doute qu’un début.

Christine Lagarde a eu beau s’exprimer en termes dovish à Vilnius hier matin, cela n’a pas suffi à atténuer notre déception. S’il fallait résumer la situation, nous dirions qu’en septembre la Fed a baissé de 50bp au lieu de 25 et qu’à présent la BCE baisse de 25bp au lieu de 50. Nous espérons que la baisse de taux XXL de la BNS servira de «wake up call» à nos voisins de Francfort. Nos banquiers centraux ont frappé fort pour trois raisons et demi. Premièrement une inflation très faible, ensuite une croissance qui s’essouffle et enfin une situation qui risque de ne pas s’améliorer car nous allons finir par nous retrouver impactés par les problèmes économico-politiques de nos deux grands voisins.

Le spread de la France peut s’écarter marginalement, ce n’est pas si grave. En cas d’avis de tempête, il restera la BCE et son TPI.

La dernière demi-raison c’est évidemment la force du CHF mais comme nous l’avions précédemment évoqué, tout le monde sait désormais qu’une baisse de taux a une influence très limitée sur l’affaiblissement de notre monnaie. A la limite, parler est plus efficace: comme par exemple évoquer un éventuel recours aux taux négatifs. Pour revenir à la zone euro, Madame Lagarde sait que la BCE doit passer à la vitesse supérieure. Elle l’a admis hier en reconnaissant que le niveau actuel des taux directeurs est encore en territoire restrictif.

Quelques mots sur l’Asie pour terminer ce panorama: si les Japonais sont allés trop vite en besogne en remontant leurs taux trop rapidement au point de peser sur l’activité économique, les Chinois ne vont pas assez vite et manquent singulièrement de talent pour communiquer avec les marchés qui s’impatientent. La BoJ va sans doute retenir la leçon et calmer ses ardeurs hawkish tandis que la PBoC va utiliser prochainement l’artillerie lourde pour que les marchés cessent en 2025 d’évoquer le fameux risque de «japonisation de l’économie chinoise».    

Bayrou accueilli à Matignon par un Aa3

La France avait convaincu S&P de donner un peu de temps au temps mais elle n’a pas pu ou pas su empêcher Moody’s de la dégrader d’un rang, de Aa2 à Aa3. Est-ce vraiment important? La plupart du temps, ce sont les marchés qui donnent la réponse car in fine ce sont toujours eux qui ont raison. Avant le downgrade de Moody’s, le spread France-Allemagne était redescendu à 75bp et lundi matin, il repassait à 80bp. Cinq petits points de base, ce n’est pas ce que l’on peut appeler un camouflet et François Bayrou peut se permettre provisoirement de conserver sa bonhomie légendaire. Pour l’instant, les emprunts d’état français ne sont pas en danger. Certes, le rendement de l’OAT 10 ans est symboliquement passé au-dessus de son homologue grec mais il ne s’agit pas d’une tendance de fond. Il y a parfois de petites exagérations qui, comme des réactions épidermiques, ne durent pas très longtemps. Le spread d’un «low AA» ne peut pas se retrouver structurellement plus large que celui d’un «high BB».

Le spread de la France peut donc s’écarter marginalement, ce n’est pas si grave. En cas d’avis de tempête, il restera la BCE et son TPI (Transmission Protection Instrument) qui n’est ni plus ni moins qu’un QE sur mesure pour tirer les mauvais élèves d’une mauvaise passe. Nous ne sommes pas (encore?) inquiets car le 10 ans allemand pourrait repasser bientôt sous la barre des 2%. Nous pourrions alors envisager une situation dans laquelle le rendement de l’OAT se stabilise aux alentours de 3%, l’écartement de spread étant «compensé» par une détente du taux du Bund.

Notre dernière chronique de l’année 2024 est terminée. En vous remerciant pour votre fidélité, nous vous souhaitons de bonnes fêtes de fin d’année et vous donnons rendez-vous le mardi 7 janvier pour de nouvelles aventures. Sauf événement majeur à commenter, nous ferons le point sur nos black swans de 2024 publiés il y a un an et vous dévoilerons nos black swans 2025.

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