Vers des portefeuilles plus diversifiés et dynamiques

Frédéric Leroux, Carmignac

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Il convient de rester à l’écart des zones menacées par l’inflation structurelle pour se renforcer sur celles qui s’en affranchissent ou qui en profiteront.

Depuis le premier pic d’inflation de l’ère post Covid en octobre 2022, la hausse des prix est passée en moyenne de 9% à 3% des deux côtés de l’Atlantique. Ce net reflux voulu par les Banques centrales a cependant conduit à une divergence marquée entre obligations et actions. L’évolution relative de ces deux classes d’actif illustre la fin de la désinflation des décennies passées, qui les avait si amplement favorisées, et nous invite à diversifier et à dynamiser nos portefeuilles en anticipation des prochains épisodes inflationnistes.

Les taux des emprunts d’Etat, après une baisse en début d’année favorisée par la mini crise financière américaine, n’ont eu de cesse de monter d’avril à octobre 2023 en dépit de la confirmation d’une tendance désinflationniste forte. Les obligations ont suivi les hausses successives des taux directeurs décidées par les Banques Centrales plutôt que les promesses de taux futurs plus bas préannoncés par une inflation en baisse depuis un an. Les marchés de taux apprennent à vivre avec l’inflation et avec sa gestion par les grands argentiers mondiaux, qui ont découvert à leurs dépens que c’est désormais l’inflation plus qu’eux-mêmes qui décide du niveau des taux directeurs.

L’ère de l’argent peu cher laisse place à un environnement économique où l’emprunteur doit faire preuve de vertu pour espérer bénéficier d’un argent pourtant plus cher. 

Cet environnement nouveau pour la majorité des épargnants et des investisseurs s’ajoute désormais à la réticence des prêteurs internationaux à financer les déficits américains. Ce scepticisme à l’égard de la gestion des comptes publics couplé à la rigueur monétaire explique pourquoi les taux à 10 ans américains sont passés d’avril à octobre de 3,3% à 5% alors qu’en parallèle l’inflation baissait de 5% à 3,2%. L’ère de l’argent peu cher laisse progressivement place à un environnement économique où l’emprunteur doit faire preuve de vertu pour espérer bénéficier d’un argent pourtant plus cher. Toutes choses égales par ailleurs, les taux seront plus hauts, l’investissement plus faible, la productivité moins vigoureuse et les pics inflationnistes plus récurrents.

Le marché des actions s’est comporté plus positivement que celui des taux d’intérêt depuis le pic d’inflation d’octobre 2022. Après le massacre des valeurs de croissance l’année dernière sous l’effet de la forte hausse des taux obligataires, la désinflation régulière de 2023 a réveillé chez certains l’espoir d’un retour progressif au régime d’inflation faible, de taux durablement bas et de valorisations financières élevées qui prévalait dans la décennie passée. Ce cocktail avait outrancièrement pénalisé les valeurs cycliques et favorisé les valeurs de croissance, qui ont donc repris des couleurs depuis que l’inflation reflue.

Mais il fallait que ces sociétés soient très internationales et surtout très robustes pour tirer amplement parti de la désinflation de 2023 car celle-ci s’accompagne d’une perspective claire de ralentissement économique tout en n’ayant entraîné que depuis très récemment le retournement à la baisse des rendements obligataires. Ces rares sociétés sont rassemblées aux Etats-Unis sous l’appellation des «Sept Magnifiques» (Apple, Microsoft, Amazon, Google, Meta, Nvidia, Tesla), sept valeurs qui expliquent à elles seules la quasi totalité de la hausse de l’indice Standard and Poor’s 500 composé des 500 plus grosses capitalisations américaines. Les secteurs défensifs, pourtant capables de résister au ralentissement économique ou les secteurs très cycliques comme les ressources naturelles ont souffert, en termes relatifs à tout le moins. La hausse du marché des actions américaines n’est donc due qu’à une concentration aussi extrême que dangereuse des investissements de portefeuilles, et témoigne d’un marché investi par nécessité plus que par conviction, sous la dictature des indices boursiers. Afin de garder le contact avec l’indice mondial des actions, les gérants d’actifs sont en effet souvent largement investis sur ces sept valeurs malgré leur vulnérabilité avérée à une remontée des taux d’intérêt.

Le réalisme grincheux des marchés obligataires et l’optimisme hyper sélectif des marchés d’actions renforcent la nécessité d’une diversification des portefeuilles: rester à l’écart des zones menacées par l’inflation structurelle (principalement les pays développés de l’Ouest) pour se renforcer sur celles qui s’en affranchissent (l’Asie du Sud-Est) ou qui en profiteront (les pays riches en matières premières, le Japon). Au-delà du redéploiement des capitaux depuis les Etats-Unis vers le reste du monde et des valeurs de croissance vers les thématiques plus «value», le style de gestion doit aussi s’adapter. Le retour de l’inflation recréé la cyclicité économique qui impose de la mobilité. Si les plus belles sociétés, aux valorisations suffisamment raisonnables pour résister à des taux d’intérêt tendanciellement plus élevés, pourront être conservées, il convient de mettre en œuvre en parallèle pour le reste du portefeuille une gestion cyclique de tous les styles de valeurs: vendre les sociétés de croissance avant la prochaine vague d’inflation pour acheter les actions cycliques et sous-valorisée, puis inverser l’exercice à l’approche du prochain pic de désinflation. La fin des taux bas redonne tout son intérêt à la gestion active de nos portefeuilles!

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