V.I.S.A.: un nouveau régime de marché?

Vincent Manuel, Indosuez Wealth Management

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Les taux longs n’attendent ni la Fed ni la réponse des économistes et ont commencé à se repentifier depuis l’été dernier.

Au vu des excellents résultats d’entreprises publiés ces dernières semaines pour le quatrième trimestre, nul besoin a priori de s’interroger sur l’origine de l’euphorie sur les marchés actions de ce début d’année.

Pourtant il semble que les marchés financiers de manière plus globale soient déterminés par d’autres facteurs ces temps-ci. C’est le syndrome V.I.S.A.: Vaccin / Inflation / Stimulus / Accomodation

Une reprise plus forte devrait se traduire
par une décrue rapide du chômage.
  • Vaccin: c’est aujourd’hui le rythme différencié des campagnes de vaccination qui détermine la perspective de croissance des premiers mois de 2020, avec un net avantage pour les Etats-Unis et le Royaume Uni, et une zone euro en retrait.
  • Inflation: les investisseurs sont passés en quelques mois de la crainte de la récession à la crainte d’une reprise de l’inflation, alimentant la remontée des taux longs. Au risque d’en faire un peu trop sans doute: après tout, au-delà des effets de base à court terme que nous anticipions, le chômage reste élevé et les pressions déflationnistes de la décennie précédente n’ont pas disparu, mais un nouvel équilibre de politique économique peut changer la donne.
  • Stimulus: en effet, nous nous dirigeons avec plus de certitude vers un accord sur une relance budgétaire massive aux Etats Unis, ceci dans une économie déjà en phase de rebond et en passe de relever le challenge de la vaccination avant la mi année; un contexte qui conduit autant à rehausser les anticipations de croissance qu’à laisser craindre un excès de soutien budgétaire.
  • Accommodation: la situation actuelle est inhabituelle avec d’un côté un rebond très rapide de l’économie américaine mais de l’autre une FED qui entend prolonger sa posture accommodante jusqu’en 2023. La vraie crainte des marchés serait donc que la reprise se transforme en surchauffe conduisant la FED à abandonner sa politique de taux zéro.

Derrière cet acronyme se profile peut-être un changement de régime, du moins un nouvel équilibre déterminé par la politique économique la plus procyclique que l’on ait connue dans une économie déjà censée croitre de 6% cette année. Au fond, nul ne sait dire aujourd’hui si cette reprise peut conduire à une accélération plus rapide et plus durable des salaires et de l’inflation. Une certitude cependant: une reprise plus forte devrait se traduire par une décrue rapide du chômage, ce qui peut reposer la question de la normalisation des taux courts par la FED, qui écarte pour le moment cette perspective.

Les effets positifs à court terme sur la croissance pourraient
être neutralisés à terme par une normalisation monétaire.

La question que se posent les économistes aujourd’hui consiste donc à évaluer les risques qui se profilent vers le soutien budgétaire que tous appelaient de leurs vœux, mais dont les effets positifs à court terme sur la croissance pourraient être neutralisés à terme par une normalisation monétaire.

De leur côté les taux longs n’attendent ni la FED ni la réponse des économistes et ont commencé à se repentifier depuis l’été dernier. Il y a deux découvertes derrière cette pentification. Premièrement un rappel douloureux plus qu’une découverte: la FED ne contrôle pas tout et surtout pas les taux à 10 ans. Deuxièmement, que les taux longs traduisent non seulement les anticipations d’inflation (qui pourraient se stabiliser) mais également la vigueur de la reprise (qui est boostée par le stimulus).

Ce qui pose une équation complexe pour les investisseurs: garder des obligations qui commencent à plafonner, ou les vendre pour acheter des actions plus volatiles et dont certaines ne sont pas immunes face à la remontée des taux? Est-il encore temps de se couvrir ou bien existe-t-il des styles actions qui bénéficient de ce contexte de reflation?

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