Une proposition législative américaine envisage la constitution d’une réserve stratégique fédérale d’un million de bitcoins. Initié à l’origine en juillet 2024 et réactivé en mars 2025 sous l’impulsion de la sénatrice Cynthia Lummis et du représentant Nick Begich, le projet «BITCOIN Act» prévoit l’acquisition et la conservation sécurisée de ce crypto-actif sur au moins deux décennies. L’objectif principal affiché est la diversification des réserves nationales américaines dans un contexte économique incertain.
Contexte politique et financier
Lummis, devenue présidente du sous-comité bancaire du Sénat sur les actifs numériques en janvier 2025, bénéficie d’un soutien politique renforcé depuis l’élection de Donald Trump, ce dernier ayant clairement affiché des positions pro-crypto durant sa campagne de 2024.
Au printemps 2025, les Etats-Unis détiennent déjà environ 213'000 bitcoins provenant principalement de saisies judiciaires, pour une valeur avoisinant 20 milliards de dollars. Le BITCOIN Act implique donc l’acquisition de près de 787'000 bitcoins supplémentaires, soit un investissement d’environ 75 milliards de dollars au cours actuel, mais qui serait amené à fortement évoluer.
Impacts macroéconomiques potentiels
La protection contre l’inflation grâce à l’offre limitée du bitcoin constitue un argument majeur pour ses défenseurs, ainsi que la diversification des réserves nationales face aux incertitudes économiques mondiales et le positionnement avantageux que cela donnerait aux Etats-Unis dans l’économie numérique mondiale. La valorisation potentielle de ces actifs pourrait s’avérer bénéfique pour alléger la dette nationale qui dépasse désormais 35'000 milliards de dollars.
Cependant, la volatilité importante de bitcoin pourrait affecter considérablement le bilan fédéral: une telle initiative envoie un signal ambigu concernant la confiance dans le dollar comme monnaie de réserve internationale. Mais les coûts liés à la sécurisation d’une telle réserve seraient substantiels, sans compter le possible détournement de ressources financières que d’autres priorités économiques nationales réclament.
Consécration et parallèle avec l’or
Cette mesure finirait de donner ses lettres de noblesse à bitcoin comme actif financier majeur, après l’introduction des ETF en bourse en janvier 2024. Cette reconnaissance institutionnelle marquerait l’aboutissement d’un processus de légitimation entamé depuis plusieurs années et consoliderait définitivement son statut dans l’écosystème financier mondial.
Le parallèle avec les réserves actuelles fédérales en or est à souligner. Comme l’or, le bitcoin offre une protection contre l’inflation et une indépendance vis-à-vis des politiques monétaires conventionnelles. Les deux actifs partagent une rareté intrinsèque, bien que celle du bitcoin soit programmée mathématiquement plutôt que physiquement limitée. Toutefois, la jeunesse relative et la volatilité de bitcoin ne lui permettent pas encore de s’arroger un titre de réserve de valeur établie comme l’or.
En ce qui concerne le marché des crypto-actifs, un tel choc de demande pourrait tirer massivement les cours à la hausse, et se conjuguerait avec la reconnaissance institutionnelle de la valeur de l’actif.
Perspectives et défis
Même si aucune décision définitive n’a encore été prise, l’achat massif de bitcoins nécessiterait probablement un financement via la réévaluation des certificats d’or détenus par la Fed ou d’autres mécanismes budgétaires, ce qui pourrait entraîner à court terme une volatilité accrue sur les marchés financiers. Pour être viable, cette initiative nécessite donc un cadre réglementaire solide, une stratégie d’acquisition progressive pour minimiser l’impact sur les cours, et des protocoles de sécurité robustes pour protéger les actifs numériques contre les cyberattaques.
Si elle est correctement mise en œuvre, elle pourrait positionner les Etats-Unis comme leader dans l’intégration des actifs numériques aux réserves stratégiques nationales, créant potentiellement un précédent pour d’autres économies majeures.