Une interminable attente

Pierre Mouton, NS Partners

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Après la correction des excès des années 2020 et 2021, il est temps de retrouver le sens des vraies valeurs.

En 2022, les marchés financiers n’ont offert que peu de répit aux investisseurs. De fait, alors que les trois-quarts de l’année sont quasiment écoulés, force est de constater que les voies permettant de dégager des performances positives à ce stade étaient bien étroites, en particulier pour les portefeuilles basés en monnaies fortes telles que le dollar ou le franc suisse. De plus, pour la première fois depuis de nombreuses années, les obligations, quelles qu’elles soient, n’ont pas du tout joué leur rôle de contrepoids lors des périodes de volatilité sur les bourses. En fin de compte, l’une des seules manières d’obtenir des résultats corrects a été d’être massivement surexposé en actions des ressources naturelles, en particulier le pétrole, ce qui n’est jamais facile compte tenu de la volatilité importante de ces actifs.

Les causes de ces difficultés sont connues de tous et le conflit en Ukraine n’en est pas la première. En effet, l’inflation, les taux d’intérêt et les politiques des banques centrales sont au cœur des préoccupations, avec pour le moment bien peu de visibilité sur l’ampleur et l’étendue des resserrements monétaires, leur efficacité pour faire baisser l’inflation, leur impact sur les parties longues des courbes de taux et leur éventuel rôle de déclencheur d’une récession.

Le Covid: l’élément déclencheur des aberrations des marchés…

Si l’on procède à une recherche plus approfondie des racines de nos tourments actuels, on aboutit inévitablement au Covid. En effet, c’est l’éruption de l’épidémie au début 2020 qui a provoqué une réaction sans précédent des banques centrales, qui a déclenché à son tour les excès que nous payons aujourd’hui: des taux courts et longs anormalement bas, l’envolée des valorisations et de folles spéculations. Avec le recul, il est facile de constater la chose suivante: qu’il s’agisse des taux négatifs, des actions qui se traitent à 50 ou 100 fois le chiffre d’affaires, de la frénésie sur les cryptomonnaies, des Spacs, des Meme Stocks et de l’emballement pour tout ce qui touche les véhicules électriques (rappelons-nous que la capitalisation boursière de Rivian a atteint 155 milliards de dollars en 2021, pour un chiffre d’affaires de 60 millions !), rien de tout cela n’est normal. Et ce qui n’est pas normal sur les marchés financiers finit toujours par se… normaliser.

Ce serait une erreur de ne rester investi que sur les grands gagnants de la période Covid, qui actuellement déçoivent, en attendant des jours meilleurs.
… et de l’inflation

L’autre conséquence de la crise du Covid, dont nous devons payer la facture aujourd’hui, se trouve du côté de l’inflation. En effet, les difficultés de production et de transport qui existent dans plusieurs points-clés de l’économie sont sans aucun doute liés aux confinements (qui ne sont d’ailleurs pas terminés en Chine) et aux problèmes de main d’œuvre. De fait, de nombreux travailleurs potentiels ne sont, pour diverses raisons, toujours pas réapparus sur le marché du travail. A ce facteur de réduction de l’offre, il faut en ajouter un autre du côté de la demande: le besoin ressenti par les consommateurs de « vivre », à savoir de dépenser l’argent qu’ils n’avaient pu dépenser pendant pratiquement une année entière, manne qui s’est encore accrue grâce à la prodigalité de la plupart des gouvernements dans le monde. La demande a ainsi dans bien des cas dépassé l’offre, ce qui a invariablement un effet inflationniste.

Les envolées finissent par retomber

L’histoire nous enseigne que si les causes peuvent différer, les conséquences, elles, ne changent pas: les envolées spéculatives se terminent toujours mal. Ainsi, nous observons aujourd’hui que de nombreuses poches du marché actions ont déjà subi des corrections significatives, même si, malheureusement, les valorisations y demeurent encore souvent excessives. La normalisation des valorisations est un long et douloureux processus: il suffit de se rappeler que ce n’est qu’en 2017 que Microsoft, malgré toutes ses qualités, a retrouvé son niveau de l’an 2000, ou encore qu’une action ayant perdu 90% de sa valeur a d’abord commencé par perdre 80%, puis a encore chuté de 50% par la suite. Il faut donc s’attendre à ce que, dans de nombreux cas, le retour sur Terre soit brutal.

La mer qui recule laisse apparaître des trésors

Toutefois, de véritables opportunités se révèlent lorsque la marée descendante entraîne tout dans son reflux. En effet, il existe aujourd’hui bon nombre de titres de qualité qui s’échangent à moins de 15 fois les bénéfices, à moins de 7 fois le cash-flow ou à une fraction de la valeur comptable, et qui de plus restituent à leurs actionnaires une partie de leur profitabilité sous forme de dividendes et de rachats d’actions. Avantage supplémentaire, ces entreprises raisonnablement valorisées sont nettement moins fragiles face à la hausse des taux que celles qui traitent encore au-delà de 25 fois les bénéfices et on en trouve dans pratiquement tous les secteurs, ce qui permet de diversifier les expositions.

La gestion active doit tirer profit de ces opportunités dans l’optique de la performance sur la durée. En effet, ce serait une erreur de ne rester investi que sur les grands gagnants de la période Covid, qui actuellement déçoivent, en attendant des jours meilleurs. Ceci est non seulement vrai à propos des actions richement valorisées, mais également en ce qui concerne des emprunts gouvernementaux qui offrent aujourd’hui des rendements historiquement bas, car l’attente de l’embellie peut s’avérer interminable.

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