Une inflation sous contrôle

Salima Barragan

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«L’inflation des pays émergents est descendue de 6% à 4%», estime Anujeet Sareen de Brandywine Global, une filiale de Legg Mason.

 

Afin de sélectionner les marchés obligataires porteurs, Anujeet Sareen, gestionnaire de portefeuilles obligataires chez Brandywine Global, une filiale de Legg Mason, compare les taux d’intérêts réels des divers marchés: «Le but n’est pas de savoir à combien ils sont, mais où ils vont». L’inflation des marchés émergents, dans une phase précoce de leur cycle économique, est orientée à la baisse. Aussi, certaines devises, fortement sous-évaluées, offrent des opportunités de plus-value sur la dette souveraine libellée en devise locale.

Une croissance globale chahutée

L’expansion économique, qui est survenue après une crise financière particulièrement sévère, semble inhabituelle. Aujourd’hui, cette croissance globale est pressée par deux forces antagonistes – les allégements fiscaux américains d’un côté et la décélération de l’immobilier chinois de l’autre – dont les cycles respectifs diffèrent dans leur longueur. «Le cycle immobilier chinois, un cycle court, affecte l’économie de la Chine qui recherche de la croissance tout en évitant la spéculation», explique Anujeet Sareen. A contrario, le cycle économique américain est plus long. «Cette année, nous sommes arrivés à différentes phases des cycles rendant la divergence des tarifs encore plus grande», poursuit-il.

Le spécialiste prévoit que Trump poursuivra sa politique
commerciale de la même façon que le dossier mexicain.

Le spécialiste prévoit que Trump poursuivra sa politique commerciale de la même façon que le dossier mexicain: «Trump parle beaucoup et s’est montré particulièrement agressif avec la Chine. Cela dit, son administration compte poursuivre les discussions et il aura également le support des démocrates qui craignent l’émergence de la Chine comme puissance globale. Cet autorité centrale pose des défis à long terme mais les tarifs ne vont pas impacter davantage les marchés à court terme car la Chine attend les élections de mi-mandat pour savoir à quel congrès elle aura affaire».

Éviter les obligations de haute qualité….

Aux États-Unis, la plus grand partie de la hausse des taux d’intérêt a été intégrée par des marchés qui s’attendent à franchir le seuil de 3%. La Réserve Fédérale a encore un peu de marge pour relever un peu son taux directeur: « La Fed l’a augmenté de 2% mais nous devons le comparer à l’inflation. En termes réels, elle est proche de zéro et les dernières trois récessions américaines n’ont pas été déclenchées avant ce que le taux directeur réel ait atteint les 3% » explique Anujeet Sareen pour qui, il n’est pas très clair à quel point la politique monétaire américaine est si restrictive. «Le rendement du bon du trésor américain à 10 ans a atteint sa juste valeur alors qu’en Europe et aux Royaume-Unis, nous devons nous attendre à des hausses», estime-il. Il évite ces titres de haute qualité et a des positions courtes sur la dette souveraine européenne. Aussi, les valorisations de la dette privée ne lui semblent pas attrayantes: «Nous sommes moins intéressés à investir sur ce segment car il n’y a plus beaucoup de valeur. Les écarts de crédit sont serrés. Le crédit aux entreprises et les effets de leviers augmentent, ce qui réduit la qualité globale», explique le gérant pour qui, les seule valeurs sûres dans le crédit restent les obligations d’institutions financières.

…Et favoriser la dette émergente en devises locales

Sur les marchés émergents, l’inflation devrait rester atténuée pour des raisons cycliques et structurelles. La question est de déterminer à quel point ces économies sont en-dessous de leur potentiel. «L'inflation est à la baisse également parce que la plupart de ces économies sont précoces dans leur cycle et ont beaucoup de capacités inutilisées. Les pressions inflationnistes sont donc modérées et nous pensons qu’elles vont se maintenir à ces niveaux», estime le gérant. Par exemple, au Brésil, le taux de chômage est à son maximum et la marge des capacités inutilisées empêchent tout pression sur les salaires. Sans croissance significative du crédit, les moteurs typiques de l'inflation sont absents. «Le cas du Brésil où l’inflation est de 2,8% est un cas cyclique mais la plupart des marchés ont des politiques désinflationnistes et, hormis en Argentine et en Turquie, nous avons observé ce phénomène global de baisse de l’inflation structurelle», précise-il.

Anujeet Sareen favorise les obligations souveraines
dont la devise locale est sous évaluées.

Dans ce contexte, Anujeet Sareen favorise ainsi les obligations souveraines dont la devise locale est sous évaluées. Ces pays ont généralement d’importants déficits extérieurs et sont tributaires des financements étrangers ainsi que de l’environnement global. Le risque de financement reste un facteur prépondérant dans sa sélection des titres. «Notre considération principale est le niveau des taux d’intérêt réels. L’année passée, inflation était en moyenne autour de 6% et est redescendu à 4%. Elle est plus basse parce que ces pays sont également plus bas dans leur cycle économique», analyse-t-il. Ainsi, les écarts de crédit réels sont plus attrayants sur les marchés émergents que sur ceux du G3. «Les spread sont autour de 11% à 12% pour une inflation en-dessous de 6%», explique le gérant qui compare ces rendements avec ceux du Bund allemand. Les écarts de crédit restent historiquement larges. «Il y a de la marge pour un resserrement. Les courbes de taux de ces marchés sont incroyablement pentues et elle vont s’aplatir», rajoute-il.

Anujeet Sareen détient un part importante d’obligation souveraine mexicaine: «L’histoire de sa devise est phénoménale et elle se traite dans le bas de la marge. La situation fiscale est bonne et le rendement du 30 ans est juste en dessous de 8% ce que représente un 4% en rendement réel». Il est aussi exposé à certains petits marchés asiatiques, dont l’Indonésie et la Malaisie: «Les taux en Indonésie sont proches de 9%. Ce pays reste stable et son nouveau gouvernement éradique la corruption».

La duration actuelle de son fonds Brandywine Global Opportunistic Fixed Income est de 3 ans, soit la plus basse depuis sa création. La duration peut fluctuer entre 1 et 10 ans..

Anujeet Sareen est gestionnaire de portefeuille pour le secteur mondial des titres à revenu fixe et les stratégies connexes de la société. Avant de se joindre au cabinet en 2016, Anujeet était directeur général des titres à revenu fixe mondiaux et stratège macroéconomique mondial, ainsi que président du Currency Strategy Group de Wellington Management à Boston. Au cours de sa carrière de 22 ans à Wellington (1994-2016), il a occupé divers postes tout en cultivant une vaste expérience en gestion de titres à revenu fixe et de devises. Anujeet est titulaire d'un CFA® et d'un B.A. en informatique de l'Université Brown.