Nous sortons d’une décennie passionnante pour les marchés privés. Pendant longtemps, ces placements non cotés en bourse étaient l'apanage des investisseurs professionnels ou institutionnels, qui investissaient souvent dans des fonds fermés avec un horizon de placement à très long terme. Mais cette classe d'actifs a depuis évolué. L'intérêt croissant d'un groupe d'investisseurs de plus en plus diversifié a contribué à l'émergence de nouvelles structures de fonds ouvertes. Ces fonds ouverts, également appelés fonds semi-liquides ou fonds Evergreen (ou Evergreens pour faire court), ont transformé le paysage des marchés privés et rendu cet univers d'investissement accessible à un public plus large. En Europe, par exemple, l'ELTIF (European Long-Term Investment Fund) est en train de s'imposer comme un véhicule d'investissement semi-liquide qui permet également aux clients privés d'accéder aux marchés privés. Une raison suffisante pour examiner de plus près les caractéristiques des Evergreens.
Depuis un certain temps déjà, les banques et les gérants de fortune proposent à leurs clients fortunés, classés comme professionnels ou semi-professionnels, des placements sur les marchés privés sous forme de fonds fermés. Au cours d'une phase de souscription définie, ces clients pouvaient alors acquérir des parts et étaient ensuite plus ou moins liés pour la durée du fonds. À la fin de la phase de placement, le fonds était clôturé et aucune autre part n'était émise pour de nouveaux investisseurs. Ce cadre quelque peu rigide a contribué à l'émergence des Evergreens. Bien que leur définition ne soit pas toujours uniforme, les fonds «evergreen» permettent généralement de nouveaux apports de capitaux à intervalles réguliers (sous forme de nouveaux investisseurs ou d'augmentations) et, sous certaines conditions, des rachats réguliers de parts, c'est-à-dire des ventes. Il n'y a donc plus de durée fixe, même si un engagement à long terme est recommandé.
Avec la suppression des appels de fonds, la performance de l'investissement devient automatiquement un rendement pondéré dans le temps et n'est plus un taux de rendement interne.
Cette construction a des implications intéressantes du point de vue des investisseurs: il n'y a par exemple plus d'appels de fonds (capital calls) auxquels les investisseurs doivent répondre rapidement et pour lesquels ils doivent trouver entre-temps des alternatives d'investissement rentables. Cela permet de réduire ou d'éviter l'effet dit «courbe en J». Cela signifie que le problème des rendements négatifs au tout début d'une période d'investissement est atténué. Dans de nombreux cas, le portefeuille est (presque) entièrement investi sur les marchés privés dès le premier jour. Pour cela, il est essentiel que le gérant d'actifs utilise des outils appropriés, par exemple sous la forme de transactions sur le marché secondaire (secondaries) ou d'investissements parallèles à un fonds (co-investissement) au début de la période d'investissement. Une alternative consiste à utiliser le bilan propre du gérant d'actifs. Dans le cadre de solutions de type «warehouse», une partie du portefeuille investi peut ainsi être intégrée dans le véhicule.
Avec la suppression des appels de fonds, la performance de l'investissement devient automatiquement un rendement pondéré dans le temps et n'est plus un taux de rendement interne. Elle devient ainsi comparable à la performance des investissements liquides pour les investisseurs. En outre, les investisseurs peuvent investir non seulement à des moments précis de levée de fonds, mais aussi régulièrement, généralement à la fin de chaque trimestre. Dans le même temps, lorsque des besoins en capitaux apparaissent, des fenêtres s'ouvrent régulièrement pour le rachat d'actifs illiquides. Toutefois, cela s'accompagne généralement de conditions supplémentaires. Il s'agit par exemple de périodes de conservation minimales (lock-up period), de délais de préavis et/ou de restrictions de rachat en termes de volume (gating). Les investisseurs doivent donc considérer les rachats comme une possibilité prévue, mais non comme une garantie. Néanmoins, la liquidité améliorée des fonds Evergreen par rapport aux fonds fermés facilite l'allocation dynamique d'une exposition aux marchés privés.
Une fois que les investisseurs ont opté pour un placement semi-liquide, la question se pose de savoir à quoi peut ressembler cette solution. Les solutions multi-actifs permettent une large diversification sur les marchés privés. En investissant dans de nombreux segments, zones géographiques, secteurs et millésimes, elles offrent un potentiel de rendement sur tous les domaines d'investissement des marchés privés et garantissent ainsi des portefeuilles équilibrés, flexibles et adaptables activement aux opportunités changeantes du marché. Les solutions multi-actifs peuvent donc constituer pour les clients un «guichet unique» qui couvre l'ensemble du marché privé dans un seul produit. Il existe par exemple des portefeuilles multi-marchés privés «evergreen» qui couvrent une grande partie de l'univers des marchés privés investissables grâce à des investissements dans le capital-investissement, la dette et les actions d'infrastructures ainsi que le crédit privé sans effet de courbe en J.
Les fonds semi-liquides sur les marchés privés présentent de nombreux aspects attractifs pour les investisseurs. Il est toutefois important de noter qu'ils ne remplacent pas les fonds fermés, pour lesquels il existe toujours une demande, notamment de la part des investisseurs institutionnels, mais qu'ils les complètent. De ce point de vue, les fonds Evergreen constituent un élargissement important de l'éventail des options disponibles dans le segment des marchés privés.