Un marché exponentiel

Salima Barragan

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Carmignac mise sur les changements disruptifs des nouvelles technologies. Le point avec le gérant de fonds émergents David Park.

Le secteur de la technologie au sein de pays émergents évolue vite. Très vite. Alors qu’il représentait 6% de l’indice MSCI emerging markets en 1998, cette proportion est passée à 28%, soit plus du quadruple. Alors que durant la même période mais sur une échelle mondiale, il n’a progressé que de 5% dans l’indice MSCI world. Aujourd’hui, 54% de l’indice MSCI china est représenté par des sociétés issues de la nouvelle économie: des sociétés issues des mondes de la consommation discrétionnaire, de la santé et, bien sûr, de la technologie. Il y a dix ans, ces sociétés n’en représentaient que 4%. Le fonds Carmignac Emergents est exposé à 41% sur ce marché exponentiel. Un pari important mais qui est justifié par les changements disruptifs de ces nouvelles technologies. Le point avec David Park, gérant et expert sur l’Asie.

Quand le virtuel remplace le physique

Les pays émergents se sont longtemps spécialisés dans la production de matériel hardware à faible coût. La seule limite se bornant à la miniaturisation des composants. Mais très vite, ils se sont aussi tournés vers la conception de software à l’instar de la Silicon Valley. Dans ce domaine, les applications sont illimitées. Les pays émergents ont aussi engendré leurs mastodontes technologiques tels que Tencent (réseau social) et Alibaba (e-commerce). L’évolution des dépenses en recherche et développement en Chine sont les plus élevées : 6,8% par an sur 20 ans contre 0,6% par an aux États-Unis sur la même période 

Pour David Park, l’émergence de ces technologies a profondément modifié le commerce. Et les asiatiques s’y adaptent particulièrement bien. En Chine par exemple, les paiements se font majoritairement via les smartphones. La monnaie disparait des rues de Beijing. Les bureaux virtuels disparaissent aussi pour laisser place à des postes de travail virtuels moins onéreux et particulièrement pertinents dans les grandes métropoles. «Avec le e-commerce, les sociétés s’affranchissent des coûts considérables liés aux infrastructures. Ce marché est moins utilisateur de capital ce qui lui laisse de amples ressources pour investir dans la R&D. les cashflows sont plus élevés et les bilans sont exempts de dettes», explique David Park.

«Le pourcentage du e-commerce vis-à-vis de la distribution classique
est encore très bas, ce qui offre du potentiel.»

Pour le gérant, la création d’un écosystème pour le consommateur à des implications sociales majeures. «Les entreprises tentent d’amener leur négoce au sein de la vie sociale des consommateurs. Tencent arrive en première ligne avec ses applications WeChat pour la messagerie instantanée et TenPay pour les paiements. Ils vont aussi se diversifier dans les services financiers. Cette plateforme qui est orientée sur la culture et la langue chinoise uniquement va devoir rivaliser avec les plateformes internationales telles que Instagram et YouTube», souligne David Park qui estime que nous arrivons à une ère de transition où les consommateurs et entreprises sont reliés par des liens virtuels. «Non seulement ce phénomène de grandeur d’échelle élève les barrières d’entrées, mais procure aussi une dimension défensive au marché», rajoute-il.

Comment jouer la tech dans les pays émergents?

David Park s’applique à identifier les secteurs sous-pénétrés car il vise la croissance sur le long terme. «Le pourcentage du e-commerce vis-à-vis de la distribution classique est encore très bas, ce qui offre du potentiel», explique David Park

La zone Latam est porteuse avec Mercado Libre, la plateforme leader dans le e-commerce sur le continent. Cette compagnie est en phase de début de croissance. «La valorisation de cette société à 100 milliards de dollars est si basse qu’elle pourrait bien devenir une cible de M&A par des sociétés telles que Alibaba ou Amazon qui souhaiteraient ainsi avoir un pied dans cette vaste région», analyse le gérant.

«Je m’intéresse aussi de près aux sociétés qui bénéficient de participations stratégiques des trois grands acteurs en Chine. Cela leurs permet d’avoir un trafic augmenté et surtout elles ne vont pas être tuées par ces derniers», poursuit-il. VIP Shop, détenu pas Tencent, qui offre des ventes flash ou des articles de déstockage fait actuellement un tabac et il prévoit que ce type de société prendront une part significative du e-commerce.

Dans l’espace de petites et moyennes capitalisations, la société chinoise 58.com propose une plateforme d’annonces classées. Bien que ce type de service n’ait pas de barrière à l’entrée très élevée, elle a l’avantage de la taille critique. « Si la Chine redirige son économie vers les services, les emplois vont devenir plus spécifiques et cela va accélérer la demande pour les annonces d’emplois facilement consultables depuis un téléphone mobiles », explique le gérant. En règle générale, les annonceurs changent leur façon de précéder. Innocean Worldwide, une petite société coréenne, offre des services de publicité digitale sélective en fonction des besoins du consommateur. C’est-à-dire que selon le profil de l’utilisateur, la société est capable de faire apparaitre une publicité soit pour un SUV 4X4 pour le père de famille, ou un roadster décapotable pour le célibataire. Derrière ces prouesses marketing, se cache la monétisation effrayante du big data. Mais cela est un autre débat.