Un début d’année très risqué sur les marchés des hedge funds

Jean-Baptiste Berthon, Lyxor Asset Management

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La pandémie, qui tarde à se transformer en endémie, restera une source d'incertitude dans les secteurs les plus exposés, et donc de risques pour les gestionnaires.

Le retour à la «normale» de notre économie est retardé par différents chocs, dont la persistance de difficultés d'approvisionnement, la crise énergétique en Europe et l'incertitude croissante quant à la trajectoire de l'inflation à moyen terme, qui réduit fortement la visibilité concernant les politiques monétaires. La hausse des contaminations par le variant delta en Europe, suivie de l'émergence du variant omicron ont également mis à mal la reprise. Deux autres chocs sont venus de la Chine: d'une part la décélération de son économie et d'autre part les difficultés rencontrées par le secteur immobilier.

Des entraves à l'amélioration des conditions de création d'alpha

L'incertitude croissante à l'égard de l'inflation est à l'origine de rotations d'actifs retorses. Les tendances séculaires post-pandémie, privilégiées dans les cœurs de portefeuille, sont plus volatiles, les investisseurs s'étant à nouveau focalisés sur la recrudescence des cas de Covid et la crise des énergies fossiles. Face à la re-corrélation des actifs aux tendances macroéconomiques, les facteurs idiosyncrasiques tendent à passer au second plan. Enfin, la moindre visibilité sur le plan macroéconomique retarde l'activité des entreprises, ce qui limite les catalyseurs de prix.

Il ne s'agit là que d'un retard. La plupart des chocs évoqués ci-dessus devraient se résorber en 2022, tandis que le regain de volatilité fait apparaître de nouvelles opportunités. Nous sommes toujours en phase de transition vers un milieu de cycle, atypique toutefois. Primo, ce milieu de cycle pourrait être marqué par un changement de paradigme d'inflation, soutenu par un plus grand pouvoir de négociation des travailleurs, la transition énergétique, l'accent mis par la Chine sur la croissance durable et davantage d'effet tampon dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises. À leur tour, les banques centrales devront opérer des choix plus délicats entre inflation et croissance. Secundo, les politiques auront davantage d'impact, en termes de dépenses budgétaires, de régimes d'imposition et de travail, de changement climatique, d'inégalités sociales, de protection des entreprises stratégiques et de réglementations. Tertio, la transition énergétique sera probablement au cœur des débats, ce qui aura des répercussions en termes de dépenses d'investissement, de fiscalité et dans la gestion de portefeuilles. Enfin, les mesures de relance massives déployées dans le cadre de la pandémie ont maintenu un taux de défaillance des entreprises à un niveau artificiellement bas, ce qui signifie que le cycle redémarre sans remise à zéro des entreprises non rentables et des dettes non viables. La dégradation des finances publiques signifie également qu'elles feront moins facilement face à des chocs supplémentaires et qu'elles seront plus vulnérables vis-à-vis des taux sur le long terme.

La transition énergétique sera à la fois source d'opportunités et de risques en raison de valorisations peu efficientes et de l'engorgement des positions.
Des répercussions positives sur la création d'alpha, mais aussi des risques plus élevés

La pandémie, qui tarde à se transformer en endémie, restera une source d'incertitude dans les secteurs les plus exposés, et donc de risques pour les gestionnaires. L'orientation des marchés devrait, selon nous, davantage être dictée par les fondamentaux traditionnels des économies, et ce d'autant plus dans un contexte de rendements modestes. La croissance, l'inflation, la productivité et l'endettement vont donc avoir plus d'influence sur les prix des actifs, qui évolueront dans une plus large mesure au gré de leurs fondamentaux, ce qui constitue un facteur particulièrement favorable à la génération d'alpha. À mesure que la liquidité mondiale diminuera, les anomalies de trading et de valorisation seront moins nombreuses et l'allocation du capital sera plus efficiente, ce qui devraient également soutenir l'alpha. Les inégalités en termes de rythmes d'inflation et des mesures des banques centrales devraient alimenter des disparités entre les régions et les actifs, créant ainsi de nombreuses opportunités relatives. Cependant, l'inflation et un cycle économique plus volatil exigeront des compétences tactiques et de gestion du risque, ce qui limitera l'alpha. En outre, l'implication croissante du politique dans l'économie constituera un obstacle majeur à la génération d'alpha. La transition énergétique sera à la fois source d'opportunités et de risques en raison de valorisations peu efficientes et de l'engorgement des positions.

Un contexte source d’opportunités mais aussi de risques

Le contexte d'alpha prévu pour 2022 devrait être favorable à la stratégie L/S Equity dans la mesure où les fondamentaux devraient davantage dicter l'orientation des actions que les multiples de valorisation. Après une brève pause, la profusion de fusions et acquisitions hostiles et le nombre limité d'abandons d'opérations devraient soutenir la stratégie Merger Arbitrage, le risque principal demeurant un contrôle réglementaire accru. À 5%, les spreads de transactions moyens dépassent toujours largement les rendements du crédit IG ou des dividendes d'actions. Ces spreads intègrent des probabilités implicites de réalisation prudentes. Les stratégies Special Situations devraient également bénéficier des restructurations et d'une forte augmentation des ventes d'actifs. Toutefois, dans un contexte de croissance et de liquidité plus modérées, leurs opportunités pourrait prendre plus de temps à aboutir. Si les stratégies L/S Credit paraissent attrayantes par rapport aux véhicules longs, il faudra privilégier les gérants EM Credit qui profiteront des divergences entre les conditions macroéconomiques et les stratégies de sortie des banques centrales. Les gérants FI Relative Value bénéficieront des écarts entre les taux mais l'inconstance des marchés obligataires nous amène à adopter un positionnement neutre plus prudent. Les stratégies «top-down» ont tendance à être à la peine à tous les tournants du cycle économique, mais elles prospèrent généralement par la suite. Les fondamentaux économiques de milieu de cycle plus traditionnels, la modération de la liquidité et les disparités régionales devraient profiter à la stratégie. Les incertitudes quant au rythme de l'inflation et des mesures des banques centrales devraient être d'importantes sources d'opportunités et de risques. Enfin, les phases de milieu de cycle ont tendance à être moins favorables aux CTA, en raison de la directionnalité moins marquée du marché. Ces stratégies risquent d'être pénalisées par des retournements de marché modestes mais plus fréquents, dus au plus grand nombre d'actifs évoluant dans un couloir étroit. Mais nous n'en sommes pas encore là.

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