Un «Fossil-Free Lunch» à la carte

Tatjana Puhan, TOBAM

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Les critères ESG sont devenus une considération de plus en plus importante depuis plusieurs années.

Les objectifs sont variables selon les investisseurs: demande accrue de contrôle des risques - les risques E, S et G en faisant partie ; ou objectif d’alignement d’intérêt sur le plan moral et éthique. Quelle que soit leur motivation, il est clair que de plus en plus d’investisseurs passent d'objectifs purement axés sur le risque et le rendement à des objectifs intégrant la durabilité de leurs investissements.

Toutefois, les implications de l'intégration de cette dimension de l'investissement dans la construction des portefeuilles sont, d'un point de vue académique, loin d'être concluantes. La possibilité que des politiques d'exclusion très strictes ou d'intégration plus ambitieuse entraînent des changements importants dans le profil rendement/risque des portefeuilles est depuis longtemps une préoccupation majeure.

Comment, dès lors, les investisseurs peuvent-ils s'assurer que leurs critères de durabilité et leurs objectifs de rendement/risque sont-ils respectés?

En 2008, Choueifaty et Coignard  ont défini l’approche de Diversification Maximale appuyé sur le concept de théorie moderne du portefeuille établi par l'économiste, lauréat du prix Nobel d’économie: Harry Markowitz. Utilisant des techniques mathématiques, l'approche est une méthode d'allocation basée sur le risque. Elle cherche à optimiser un portefeuille en maximisant le nombre de facteurs de risque effectifs indépendants auxquels il peut éventuellement être exposé.

Cette démarche peut s’avérer particulièrement difficile pour la gestion
indicielle ou les gérants sensibles aux indices de référence.

Le résultat est un «portefeuille le plus diversifié possible» (Most Diversified Portfolio, MPD). Grâce à cette méthodologie, tous les actifs de l'univers d'investissement du dit-portefeuille sont effectivement représentés, car le portefeuille est construit sur la base de la corrélation entre les actifs. Par exemple, un portefeuille MDP basé sur l'univers d'investissement S&P 500 pourrait n'être investi que dans 50 actions, tout en obtenant une diversification maximale car les 450 actions restantes de l’univers d’investissement de départ sont plus corrélées au portefeuille que celles qu'il contient réellement. Ainsi, un portefeuille MDP n’a pas besoin de détenir un titre en particulier, pour être exposé à son «risque / opportunité».

Il s'agit là d'une caractéristique essentielle, car elle rend l'approche de Diversification Maximale particulièrement adaptée à une politique d'investissement SRI sans renoncer à une prime de marché significative.

Prenons comme exemple, une stratégie investie sur l’univers global des titres à haut rendement (Global High Yield) où l’on chercherait à exclure tous les combustibles fossiles, représentant ainsi environ 20% de l'univers d'investissement. Cette démarche peut s’avérer particulièrement difficile pour la gestion indicielle ou les gérants sensibles aux indices de référence.

En appliquant ce processus d’investissement à un portefeuille «non contraint» Anti-Benchmark High Yield (c'est-à-dire sans exclusion des combustibles fossiles), et à un portefeuille «contraint» Anti-Benchmark High Yield (avec les exclusions appliquées), nous constatons que la tracking error entre les deux portefeuilles est relativement faible en comparaison à la tracking error observée pour les deux portefeuilles Anti-Benchmark par rapport à l'indice de référence.

L’industrie de la gestion d’actifs cherche des nouvelles façons de répondre
aux différentes exigences des acteurs de la gestion responsable.

En outre, les portefeuilles «contraint» et «non contraint» conservent une corrélation presque parfaite sur la période, malgré la part active importante (active share) de 31% entre les deux portefeuilles.

Si l'on examine les caractéristiques de performance et de volatilité, les deux portefeuilles ont affiché une performance brute plus élevée et une volatilité plus faible que l'indice de référence.

Nous observons le même résultat sur l’univers des marchés actions émergents où les entreprises de combustibles fossiles restent une composante relativement importante.

Qu'est-ce que cela signifie pour les stratégies ISR à l'avenir?

Les investisseurs considèrent de plus en plus la durabilité comme un élément clé de la construction des portefeuilles. L’industrie de la gestion d’actifs cherche des nouvelles façons de répondre aux différentes exigences des acteurs de la gestion responsable.

Nos recherches montrent comment des politiques de SRI très restrictives peuvent effectivement être mises en œuvre avec une approche de Diversification Maximale sans avoir d'impact significatif sur le risque ou le rendement.  

Le seul «free lunch» pour reprendre la célèbre expression d’Harry Markowitz  pour décrire la diversification peut ainsi s’accommoder en régime sans énergie fossile.