Thèmes du moment ou thèmes d’avenir?

Luke Barrs, Goldman Sachs Asset Management

3 minutes de lecture

Les investisseurs doivent distinguer les opportunités à court terme des thèmes d’investissement durables.

Compte tenu de l’impact marqué des modes de vie de la génération Y (les «Millennials») sur la société, les investisseurs doivent distinguer les opportunités «du moment» des transformations à long terme qui vont reconfigurer l'avenir post-COVID-19.

Les technologies ont permis à la société tout entière de traverser la crise et les modes de vie des «Millennials» (comme le télétravail, les jeux en ligne et les livraisons à domicile) ont entraîné une accélération prononcée de la demande réelle et des taux d'adoption des innovations technologiques. Les baby-boomers tout comme les enfants ont été contraints d'adopter les nouvelles technologies et de s'adapter rapidement à de nouveaux processus et plates-formes qu'ils auraient hésité à adopter dans d’autres circonstances. La montée en puissance du télétravail a généralisé l'utilisation des outils collaboratifs, la télémédecine a fait une vraie percée et l'apprentissage en ligne a connu un essor sans précédent, diffusant ainsi les habitudes des «Millenials» dans toutes les sphères de la société.

Malgré la persistance de la pandémie, toutes les tendances qui ont été accélérées par la crise ne deviendront pas nécessairement des thèmes d'investissement à long terme. Il est donc crucial que les investisseurs soient attentifs aux tendances dominantes et qu’ils distinguent les thèmes séculaires et durables des opportunités qui sont susceptibles de disparaître lorsque la population reprendra une vie un tant soit peu ordinaire, que les économies se redresseront et que de nouvelles normes finiront par s'imposer.

Les préférences futures des consommateurs
vont connaître des divergences.

Nous classons en trois catégories les opportunités d'investissement liées à l’«état d’esprit des Millenials» et à la digitalisation généralisée de nombreuses tendances démographiques.

Optimisme à l’égard des investissements solides sur la durée et bénéficiant de l’évolution du cycle

Tout d'abord, nous restons optimistes vis-à-vis des investissements solides sur la durée et bénéficiant de l’évolution du cycle. Il s'agit notamment des entreprises qui profitent d'une pénétration accrue du commerce électronique, comme les distributeurs et les entreprises de traitement des paiements en ligne, ou encore les fournisseurs services de formation et de divertissement en ligne. Sur le plan du potentiel de croissance du commerce électronique et des perspectives de croissance et de création de valeur, la plupart d’entre nous avons déjà commandé un produit en ligne, mais le taux de pénétration du «e-commerce» n'est encore que de 11%, ce qui augure un potentiel de croissance immense. Bien entendu, les infrastructures sur lesquelles reposent les écosystèmes du commerce en ligne et des paiements électroniques offrent également des opportunités d’investissement à plus long terme. Par exemple, les fournisseurs de services dématérialisés («cloud» ) pourraient figurer parmi les grands bénéficiaires de l’explosion de l'utilisation des données, dans la mesure où tous les pans de notre vie deviennent plus connectés.

Conviction dans les entreprises souffrant de l’évolution du cycle

Deuxièmement, nous restons convaincus du potentiel des entreprises confrontées à des difficultés cycliques mais qui restent exposées à des tendances de croissance à long terme, notamment celles qui répondent à nos besoins quotidiens comme les sorties au restaurant et les voyages. Les mesures de confinement nous ont obligés à chercher des alternatives pour toutes nos activités quotidiennes, mais une fois la pandémie terminée, nous ne pensons pas que nos vies ressembleront à celles des personnages du jeu vidéo SIMS, basées sur des simulations en ligne.

Cela étant dit, nous sommes conscients que les préférences futures des consommateurs vont connaître des divergences. Certains préfèreront manger au restaurant et assister à des manifestations sportives mais ne voudront pas prendre l'avion, alors que d’autres seront prêts à voyager en avion mais pas à vivre dans une ville. De nombreuses entreprises du secteur de la consommation devront repenser leur fonctionnement pour s'adapter aux différents profils des consommateurs ou alors choisir de se spécialiser, et les investisseurs devront déterminer avec précision celles qui sont les plus à même de tirer leur épingle du jeu.

Les «Millennials» possèdent le pouvoir d'achat le plus important
de tous les groupes générationnels à l’échelle mondiale.
Pessimisme à l’égard des entreprises qui sont confrontées à des difficultés cycliques et durables

Enfin, nous restons pessimistes vis-à-vis des entreprises qui sont confrontées à des difficultés cycliques et durables, notamment les acteurs traditionnels de la distribution physique qui n'ont pas réussi à se développer en ligne. Certains pourront survivre en offrant à leur clientèle une certaine «expérience» sur le point de vente, comme les magasins de bricolage dont les clients bénéficient des connaissances et des conseils du personnel et qui profitent de la tendance au télétravail qui est favorable aux projets d’embellissement des logements. Mais dans un monde dématérialisé, ces entreprises seront rares. À plus long terme, nous nous attendons également à des répercussions sur l'ensemble de la chaîne de valeur et à de nouvelles opportunités de valeur relative. Cela devrait être le cas dans l'immobilier par exemple, où les centres de données et les entrepôts de stockage des produits achetés en ligne vont prendre le dessus sur les centres commerciaux et les bureaux des quartiers d'affaires.

Les «Millennials» possèdent le pouvoir d'achat le plus important de tous les groupes générationnels à l’échelle mondiale. Cette génération est disposée à aligner ses habitudes de consommation sur ses valeurs fondamentales et attend des entreprises - via leurs produits et leurs services - qu'elles prennent des mesures concrètes et réagissent en conséquence. On observe que leur état d’esprit a été adopté par d’autres types de consommateurs et d'investisseurs dans le climat ambiant, alors que ces derniers auraient pu se détourner des enjeux de durabilité environnementale pour se recentrer sur les performances financières. Au contraire, les investisseurs sont de plus en plus sensibles au développement durable au sens large, à savoir les dimensions environnementales, commerciales et sociales. La prise en compte accrue des enjeux sociétaux par une plus grande partie de la population continuera probablement à influencer les décisions et les comportements des consommateurs. Par conséquent, nous espérons que les entreprises contribueront aux solutions proposées pour répondre aux défis mondiaux tels que l’injustice raciale, les inégalités structurelles et la transition climatique.

Ce qui est clair, c’est que les habitudes des «Millenials» se sont complètement généralisées au cours de la crise en cours. Avec la levée progressive des plans de confinement, un rééquilibrage des tendances va probablement avoir lieu mais les thématiques les plus durables garderont probablement une place plus importante qu'avant la crise. Chose importante à noter, la crise a renforcé notre conviction historique selon laquelle il est nécessaire de faire les bons choix d’investissement pour tirer parti des catalyseurs de croissance à long terme. La pandémie a été comparée à une guerre, mais dans cette bataille, nous sommes tous du même côté et l'innovation - fil conducteur des thèmes d’investissement les plus pérennes qui nous semblent «adaptés à l'avenir» - peut aider les investisseurs et les économies à terrasser cet adversaire très coriace.

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